Le dernier rempart

REALISATION : Kim Jee-Woon
AVEC : Arnold Schwarzenegger, Forest Whitaker, Johnny Knoxville, Rodrigo Santoro, Luis Guzman
SCENARIO : Andrew Knauer, Jeffrey Nachmanoff, George Nolfi
PRODUCTION : Lionsgate, Di Bonaventura Pictures
BANDE ORIGINALE : Mowg
PHOTOGRAPHIE : Ji-Yong Kim
ORIGINE : Etats-Unis
GENRE : Action, Western
DATE DE SORTIE : 23 janvier 2013
DUREE : 1h57
BANDE-ANNONCE

Synopsis : Après une opération ratée qui l’a laissé rongé par les remords et les regrets, Ray Owens a quitté son poste à la brigade des stupéfiants de Los Angeles. Il est désormais le shérif de la paisible petite ville de Sommerton Junction, tout près de la frontière mexicaine. Mais sa tranquillité vole en éclats lorsque Gabriel Cortez, le baron de la drogue le plus recherché du monde, réussit une évasion spectaculaire d’un convoi du FBI, semant les cadavres derrière lui… Avec l’aide d’une bande de truands et de mercenaires dirigés par le glacial Burrell, Cortez s’enfuit vers la frontière à 400 km/h dans une Corvette ZR1 spéciale, et il a un otage… Il doit passer par Sommerton Junction, où est massé le gros des forces de police américaines. C’est là que l’agent John Bannister aura une dernière chance de l’intercepter avant qu’il ne franchisse la frontière… D’abord réticent en se voyant impliqué dans cette affaire, écarté parce qu’il est considéré comme un petit shérif de province incapable, Ray Owens finit par rallier son équipe et par prendre l’affaire en main. Tout est prêt pour la confrontation…

Cela fait maintenant une décennie qu’Arnold Schwarzenegger s’est absenté des écrans pour assurer son rôle public de gouvernator. Pour ceux qui ont grandi en voyant le colosse autrichien défoncer des régiments de vilains pas beaux dans des Commando et autres True Lies, son retour au cinéma laisse songeur. Cela dit, la joie nostalgique ne peut éclipser la manière dont le bonhomme va nous revenir. C’est que durant l’intégralité de ses deux mandats politiques, Schwarzy a clairement répété que les tournages ne lui manquaient guère. Bien sûr, il a déclaré depuis que la lecture de nouveaux scripts lui a fait retrouver son enthousiasme d’antan. Une question de motivation qui implique de se demander si l’acteur saura jouer avec son âge et maintenir en conséquence son charisme de last action hero. C’est que le temps fait des ravages aussi bien sur le physique que sur le mental (un divorce après vingt-cinq ans de mariage, ça fout un coup). L’idole de notre adolescence saura-t-il omettre toute une série de caméos aussi rigolos que boiteux pour redevenir cette figure mémorable qui marqua les esprits ? Des craintes, forcément, même si Le Dernier Rempart partait sous les meilleurs auspices. Loin de ses giga-blockbusters de la grande époque (le budget total de trente millions de dollars équivaut à son salaire pour Terminator 3), le projet lui offre un rôle parfaitement adapté à sa situation. L’acteur reste également fidèle à son instinct pour s’entourer de réalisateurs apte à le mettre en valeur. En l’occurrence, il ne pouvait rêver mieux que le cinéaste coréen Kim Jee-Woon.

Pourtant, le choix de ce brillant cinéaste évoque une ombre du passé assez douloureuse. En soit, le projet est rêvé pour Kim Jee-Woon. Le Dernier Rempart équivaut à un pur western moderne. Schwarzenegger est le shérif d’une petite ville frontalière. Un trafiquant de drogue en fuite va passer par sa ville pour rejoindre le Mexique. Schwarzy et son équipe d’adjoints sont les seuls à pouvoir l’arrêter. Son affection pour le western, Jee-Woon l’a déclamé avec Le Bon, La Brute Et Le Cinglé. Investir le territoire américain avec Le Dernier Rempart est donc une aubaine puisqu’il lui permet de s’approprier directement à la source cette imagerie du genre. Un génial réalisateur asiatique débarquant sur le sol américain pour tourner une version contemporaine des westerns nourrissant sa passion… cela rappelle John Woo et son Broken Arrow. La démarche de Kim Jee-Woon n’est en effet pas bien différente de celle de Woo. Vu comment ce dernier se cassa les dents sur ce film, il y avait des craintes de voir le même schéma se reproduire. Le souci de Broken Arrow provenait justement de son ambition et de sa difficulté à justifier la résurrection des codes du western. Dans un monde moderne où règne la haute technologie, il est en effet inconcevable de reproduire telles quelles certaines ficelles narratives liées à une époque révolue. Le résultat donnait lieu à un scénario laborieux dans son exécution et gangréné de scènes plombantes justifiant chaque situation. Et ce même constat s’impose sur Le Dernier Rempart… heureusement dans une moindre mesure.

La problématique se concentre sur la sous-intrigue avec le baron de la drogue incarné par Eduardo Noriega. Celle-ci concentre toutes les explications inhérentes à l’accomplissement de la partie western. On le verra donc à bord de son super-bolide semer les cadors du FBI et leur arsenal de surveillance high-tech. Une poursuite décortiquant avec détails pourquoi la modernité va devoir céder la place à la méthode old school. Fidèle à la mode actuelle, cette partie va donc apporter une raison d’être au moindre élément, le plus insignifiant soit-il, et ajouter au passage une complexité absolument inutile (la présence de l’agent véreux). En soit, l’importance accordée à cet angle de l’histoire n’est pas complètement dénué de raison. Il s’agit bien sûr de donner un minimum de présence à ce méchant (peu exceptionnel il faut l’admettre) et de faire ressentir le danger qu’il incarne. Ce désir d’amplifier une menace annoncée façon Le Train Sifflera Trois Fois prend néanmoins une place exagérée et démolit une grande part du rythme. Mais lorsque le western est pleinement investit, le bonheur n’est pas loin.

Même sur ce point néanmoins, on pourrait trouver des choses à redire. Il est par exemple décevant qu’un prétexte vide la ville de la quasi-intégralité de ses habitants, là où leur présence aurait renforcé la conviction du sheriff à se battre pour les notions d’honneur et de justice. On pourrait de même s’agacer sur la portée purement fonctionnelle des personnages (rendus attachants par la grâce du casting). La revendication d’une histoire simple peut être un piège aussi douloureux que la complexification déplacée. Le basique combat final en offre une certaine représentation. Un cas isolé toutefois tant Kim Jee-Woon arrive plus généralement à en tirer des merveilles sur la durée. Avec l’aide de quelques-uns de ses fidèles collaborateurs (le directeur de la photographie Kim Ji-Yong, Mowg à la musique), le réalisateur met sur pied une mise en scène absolument jubilatoire. Si la partie urbaine montre certaines limites, la partie campagnarde est d’une belle facture par sa mise en boîte précise et efficace. Le pivot du film reste la longue fusillade de la grande rue, grand passage d’action apportant ses petites doses d’instant fou. Comme à son accoutumée, Jee-Woon apporte ainsi une poignée d’idées pour donner un peu de saveur à un plat goûté mille fois, comme cette poursuite en aveugle dans un champ de maïs.

La première expérience américaine de Kim Jee-Woon est donc une demie-réussite faute d’offrir constamment la même efficacité. Schwarzenegger ne livre de même qu’une interprétation à moitié convaincante. Toujours crédible dans l’action (même si ses punchlines ne sont plus ce qu’elles étaient), sa crédibilité dans les moments creux est elle moins présente. Il a beau nous montrer une vraie envie de s’ouvrir à un nouveau registre, ce qui apparaît à l’écran est loin d’avoir l’impact escompté. Vu que son come-back sent la contre-performance au box-office, espérons à l’avenir qu’il saura mettre à contribution la persévérance qui a fait de lui une légende.

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