Les 22 Et 29 Août 2012… En Bref

Lorsque le personnage interprété par Will Ferrell se fait mordre par un serpent, il nous revient en tête une séquence similaire de sa filmographie, inoubliable moment de drôlerie du génial Old school de Todd Phillips. Hélas, la faute à sa trop courte durée ou son peu de sens comique, cette snake scene de Moi, député ne tient jamais la comparaison. Un problème que l’on peut facilement étendre à l’intégralité du long-métrage sans que Jay Roach n’en soit pour autant l’unique responsable. Certes, on surprend parfois le réalisateur des Austin Powers à ne pas vouloir aller au bout de ses idées, à l’image de certains gags brillants sur le papier, peu convaincants à l’image (le bébé, cette fameuse scène avec le serpent…). Mais au-delà de ça, on ne manquera pas de tiquer devant l’apparente limite d’un scénario ne jouant pas autant sur l’aspect subversif qu’il prétend pourtant un temps mettre en avant. Rappelant par bien des aspects un Ricky Bobby, roi du circuit (à la fois dans sa volonté de stigmatiser le milieu ou les caractères abordés, sa structure narrative ou l’évolution de ses personnages) dont il ne fait qu’effleurer les qualités, Moi, député souffre avant tout de l’absence de jusqu’au-boutisme qui caractérisait le film d’Adam McKay. Il manque ici la volonté de repousser l’absurde ou l’ironie dans ses derniers retranchements à des fins aussi bien comiques que pertinentes à l’aune de ses velléités satiriques. Une comparaison qui ne joue donc pas en sa faveur, les bonnes intentions n’agissant ici que dans le cadre de dialogues hilarants (le message sur le répondeur, les confessions lors du repas de famille…) là où coups bas, démagogie ou mise en scène du monde politique ricain auraient mérité meilleur traitement encore. La dernière séquence, presque hors-sujet du fait d’une volonté appuyée de rompre avec tout ce qui a précédé, renforce cette impression. Une rupture de ton gênante mais qui ne nous fera pas oublier une chose : Moi, député est tout de même drôle. Et par les temps qui courent, peu importe s’il avait pu l’être plus encore.

Guillaume Lasvigne

Un travelling parcourt la piste de danse où les invités d’un mariage, tous beaux comme des dieux, dansent comme dans un clip pour midinettes. La caméra s’arrête sur deux êtres seuls, assis côte à côte. Ce sont eux, les nouvelles victimes du cinéma tranchant (disons plutôt aigri) de Todd Solondz, dont le Life during Wartime (2010), aux dialogues certes très bien écrits, nous avait déjà agacé il y a deux ans par la manière dont il semblait s’acharner à boucher toute perspective salvatrice qui s’offrait à sa galerie de personnages désespérés, monstres ordinaires d’une Amérique post-11 septembre dévorée par l’inquiétude et obsédée par une normalité illusoire. Le cinéaste livrait la chronique des existences déprimantes de ses nombreux personnages avec la plus noire des ironies. Deux personnages, ici : Abe (Jordan Gelber, très bon, reconnaissons au moins ça), trentenaire adulescent obèse et maladroit, et Miranda (Selma Blair), dépressive vivant elle aussi chez ses parents à un âge avancé. Entre ces deux-là, un amour est-il possible ? On attend illusoirement la description d’un apprivoisement maladroit mais au moins touchant, ou à la rigueur juste un peu drôle, de ces deux antihéros à la dérive. Voilà peut-être la plus grande (en fait l’unique) surprise de Dark Horse : on ne rit à aucun moment. Le sentiment dominant est celui de l’effarement. Pourquoi tant d’acharnement ? Pourquoi, 1h30 durant, un enfoncement si total des personnages dans leur propre mouise ? A mesure qu’Abe remet en cause l’attachement factice de Miranda pour lui, des visions cauchemardesques l’amènent à prendre conscience des paranoïas quotidiennes et des exagérations qui étaient sûrement, bien avant sa rencontre avec elle, les causes de ses difficultés à interagir avec autrui. Solondz échoue pourtant à faire de ces visions de vrais moteurs pour l’histoire et l’évolution de son personnage. Elles ne sont finalement que des éléments de plus au tableau d’un noir de jais que le film dresse de l’état de sa figure-titre (une noirceur qu’une surcharge de couleurs essaie de distancier avec la plus maladroite des ironies). Non seulement Abe est gros, malhonnête, agressif, lourdaud et immature, mais il est donc en plus de tout cela incapable de soigner des névroses dont ces passages irréels semblent pourtant montrer qu’il a conscience. Où veut en venir le réalisateur ? A une critique d’un American way of life qui, dans sa culture de la réussite qui va jusqu’à la glorification des dark horses (outsiders), fait des ravages chez ceux dont la faute est de n’être pas particulièrement doué pour quoi que ce soit ? Le tout est quoi qu’il en soit d’une telle complaisance dans sa maltraitance des personnages qu’il en devient un supplice et donne envie de malmener Solondz autant que lui le fait sans relâche avec ses marionnettes. Le principal moyen que l’on a, c’est de le boycotter à l’avenir (si tant est qu’il en ait encore un).

Gustave Shaïmi

On se souvient avoir lu il y a déjà quelques mois cette unique phrase du synopsis de Superstar : « Un anonyme devient soudain célèbre, sans savoir pourquoi ». Kad Merad et Cécile De France au casting ? On pensait alors à une comédie. C’est ce que Woody Allen en a fait dans l’une des trajectoires absurdes qu’il suivait dans son affligeant To Rome with Love. Il commence d’ailleurs à se dire sur la toile que le cinéaste new-yorkais, dont l’agent est le même que celui qu’a Xavier Giannoli aux Etats-Unis, se serait réapproprié sans aucun scrupule cette idée de scénario ! Toujours est-il que Giannoli, lui, n’est pas là pour rigoler : son Monsieur Tout-le-monde va vivre un véritable enfer dès lors qu’un matin à priori comme les autres, il est assailli partout où il se rend par des hordes de photographes, professionnels ou amateurs. Reconnaissons au cinéaste une capacité à encrer son histoire dans un réel que l’on connaît bien : avec ses badauds tous équipés de portables à même de prendre des photos et prêts à mettre sur la toile leurs mini-captations de moments insolites, avec son évocation du monde de la télévision en quête perpétuelle de nouveaux concepts ravageurs rendant toujours plus perméable la frontière entre vérité humaine et mise en scène débilisante, Superstar joue largement la carte du film « dans l’air du temps ». Autre réussite : le travail de la vitesse, à tous les niveaux. Prototype assez caricatural du bon bougre d’un autre siècle, fuyant les nouvelles technologies, au courant de pas grand-chose (même le choix de Kad Merad a quelque chose d’un cliché, d’autres diront d’une évidence), ce Martin Kazinski élevé du jour au lendemain au rang d’icône populaire a sans cesse un temps de retard sur ce qui lui arrive et lui échappe complètement. Passées quelques scènes assez percutantes dans la virulence avec laquelle elles épinglent notre société de l’image omniprésente et oppressante, on se demande où Giannoli nous emmène. Et autant dire qu’il donne l’impression de ne pas très bien le savoir lui-même. Les retournements s’enchaînent comme autant de petites idées finalement très peu porteuses d’une réflexion digne de ce nom. Car le plus gros d’entre eux – changer de cible en cours de route, en passant des médias au peuple – achève de donner l’impression que, comme son personnage, le réalisateur gueule un gros coup sans trop savoir contre qui ou quoi. Et pour avoir ne serait-ce que l’air de livrer un constat amer sur l’époque (pas forcément associé à un propos ou des solutions proposées), encore aurait-il fallu y croire jusqu’au bout et ne pas laisser passer au premier plan une romance qui, si elle n’est pas trop mal jouée, achève d’ôter toute ampleur à ce film qui, lui, semblait s’en rêver une…

Gustave Shaïmi

Le décor tant connu des petites maisons de briques collées les unes aux autres est là, et pourtant, Broken ne choisit par la voie du drame social qui lui tend les bras et dont le puissant Tyrannosaur nous permettait de revenir sur son omniprésence dans le cinéma britannique. D’emblée, c’est davantage la direction du récit initiatique – sous influence du conte, avec des éléments venant styliser les amusements enfantins de l’héroïne, enchanter le peu de nature qu’elle traverse – que prend Rufus Norris pour sa première réalisation. Si elles ne seront à caractère ni social ni politique, les embûches seront tout de même nombreuses. Passée une introduction enchantée, la jeune Skunk est immédiatement confrontée à la violence : un voisin en agresse sauvagement un autre dont il croit qu’il a violé sa fille. Le premier est un veuf qui, aveuglé par le chagrin, élève ses trois filles sans réaliser leur degré de perversion. Le second est un adolescent instable psychologiquement que ses parents gèrent très mal, l’étouffant ou le craignant. Quant à Skunk, la seule manière dont son père semble pouvoir tourner la page sombre du départ de sa femme revient à détruire le couple instable que forme sa jolie aide domestique avec un jeune enseignant amené à avoir Skunk comme élève lors de son entrée difficile au collège. Bref : d’un petit bout de lotissement à priori sans intérêt, le scénariste a tiré un concentré menaçant de frustrations, de blessures mal soignées et d’animosités en tous genres. C’est là sa vision du monde adulte dans lequel Skunk va se retrouver propulsée un peu trop vite. Pendant une bonne partie de son métrage, il faut bien dire que le film parvient assez bien à mêler ses deux grandes composantes : d’une part ce nœud de drames psychologiques, d’autre part la manière dont il influence l’entrée de l’héroïne dans l’adolescence. L’absence de pudeur des adultes qu’elle croise participe par exemple d’un éveil amoureux de Skunk que Rufus Norris capte non sans poésie, aidé par une jolie B.O. et montrant une certaine finesse dans la captation d’une fin malaisée de l’enfance. Le problème, c’est que le scénariste semble avoir cherché le climax plus que de raison : les tensions quotidiennes se cristallisent progressivement en un tout dramatique d’une grande dureté, pour ne pas dire franchement scabreux, à la limite du chantage émotionnel. Si elle permet tout de même une jolie conclusion, la poésie plus tout à fait enfantine qui faisait beaucoup du charme du film en prend un sacré coup, et notre enthousiasme avec.

Gustave Shaïmi

C’était probablement le blockbuster le plus attendu de l’été, celui dont le nom et l’affiche suffisaient presque à donner envie de quitter la plage et les mojitos pour s’enfermer dans une salle de cinéma avec le pop-corn et la bière. Mais plus que tout, Expendables 2 reste l’extension d’un concept fort qui, il y a deux ans, visait à réveiller la moindre pulsion nostalgique chez un grand nombre de geeks biberonnées au cinoche testostéroné : l’idée avait fonctionné, en dépit d’un scénario basique et d’une action parfois un peu limitée, et on s’y plaisait à y voir, à travers le sens du mot « expendable » (traduction possible de « accessoire »), le tableau vivant d’une troupe de stars cataloguées has been qui s’offrent un dernier round d’anthologie avant de prendre leur retraite. Simple hommage aux fans du genre ou apothéose radicale ? Peu importe, seuls comptaient le plaisir suscité par l’entreprise et les images que cette belle bande de gros bras avait su imprimer dans l’inconscient collectif. Cette fois-ci, succès oblige, la surenchère est de rigueur : Stallone laisse la place à Simon West (Les ailes de l’enfer) pour réaliser la chose, le scénario n’échappe pas au déjà-vu et c’est fait pour (le pitch : la bande doit arrêter un truand en quête d’une tonne de plutonium), la bande multi-générationnelle intègre ici de nouvelles jeunes recrues (Yu Nan, Liam Hemsworth) et de vieilles pointures (Chuck Norris en bourrin hilarant, Van Damme en bad guy sadique), la sobriété du premier film laisse place à l’excès de violence, les dialogues débordent de punchlines tordantes, et les clins d’oeil se comptent par paquets de douze. En clair, Stallone et sa team ont vu les choses en plus grand, et grand bien leur en a pris, tant le spectacle est assuré. Alors, certes, tout comme le premier film, la narration trouée par-ci par-là et les quelques problèmes de montage laissent supposer qu’une postproduction chaotique, voire bâclée, s’est de nouveau invitée à la fête.

Pourtant, si le premier film faisait figure d’introduction sobre (enfin, façon de parler…), cette suite se joue à merveille de la dimension ludique du concept, offrant à chaque personnage un statut de figurine vivante, sans doute aussi abandonnée qu’un vieux jouet, mais qui s’applique à rejouer son programme connu avec humour et décontraction, le tout dans des scènes d’action qui renvoient chacune à tout un pan du 7ème Art (amusez-vous à épier les références). Au-delà du vilain (nommé « Vilain » !) qui n’existe que pour se la jouer vilain avant de se faire casser la gueule (et il faut voir avec quelle jubilation JCVD se sort avec panache d’un tel rôle), la joyeuse troupe de figurines menée par Stallone joue surtout à plein régime le jeu de la virilité et de la coolitude, mettant leurs carcasses fatiguées à rude épreuve dans des décors de ruines (pas un hasard !), avec un plaisir partagé, celui de tout faire péter en sortant une vanne au coin du cigare. Preuves en sont l’énergie interne qui se dégage de l’ensemble et les très bonnes idées visuelles qui s’invitent ici et là : à titre d’exemple, on n’oubliera pas de sitôt le cameo de Chuck Norris vaut largement son pesant de « Chuck Norris Facts », la métamorphose de Jason Statham en prêtre exécuteur ou le mitraillage de méchants par un Schwarzie aux commandes d’une Smart ! Plus fort, plus chouette, plus drôle, plus fun, plus cool : à la fin, on ne peut rien faire d’autre que réclamer un troisième épisode. Et tant pis si ce n’est pas toujours bien fichu ou scénarisé, on n’en a strictement rien à foutre…

Guillaume Gas



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Courte-Focale.fr : Analyse d'Ennemi d'état, de Tony Scott (Etats-Unis - 1998)

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