Les Tortues Ninja – L’intégrale

PIZZA PIMENTEE

Très subjectivement, on peut considérer que c’est à partir du moment où la série animée Tortues Ninja (celle de 1987) n’a plus trouvée de place à la télévision que la franchise ciné s’est globalement éteinte. C’est même une évidence lorsque l’on voit TMNT marquer un retour aux affaires quatorze ans après la sortie de l’épisode 3 et tout juste après le succès télévisé d’une nouvelle série animée, celle-ci plus adulte et sombre. Conçue elle aussi à la manière d’un film d’animation en 3D, cette première réalisation du jeune Kevin Munroe (Dylan Dog) installe d’entrée une rupture avec la précédente trilogie tout en restant malgré tout dans la continuité. Longtemps après avoir vaincu leur ennemi juré Shredder, les Tortues Ninja ont désormais pris chacun des chemins différents : Leonardo s’est retiré en forêt d’Amérique centrale pour perfectionner son art du Bushido, Donatello joue les dépanneurs téléphoniques, Michelangelo se déguise pour des spectacles destinés aux enfants, et Raphaël continue de jouer les justiciers violents une fois la nuit tombée. Tandis que Splinter tente de les réunir malgré leurs différends, voilà qu’un milliardaire reforme le Clan des Foot et lève une armée de monstres pour dominer le monde, poussant ainsi les tortues à livrer un nouveau combat, épaulés une fois de plus par leurs amis April et Casey.

Simple comme bonjour, le scénario ? Dans la forme, ça en a tout l’air, mais cette soupe de tortue n’a pas le même goût qu’avant. Sans surprise, le choix de l’animation 3D rend déjà les personnages plus crédibles (surtout Splinter, enfin à l’image d’un vrai senseï), mais le scénario a surtout le bon goût de creuser davantage leurs personnalités respectives (le leader, le geek, le gamin et le violent), quitte à placer leurs tourments intérieurs au centre de la narration. Plus généralement, le film s’attache aussi à remettre au goût du jour des éléments narratifs laissés à l’état d’esquisse dans les précédents films, ne serait-ce qu’en ce qui concerne les liens entre les tortues, ici très fragilisés. On gardera surtout en mémoire le côté impulsif et individualiste de Raphaël, qui rend ce dernier profondément dangereux, pour ne pas dire instable, menaçant la réunification du groupe jusqu’à un duel homérique entre lui et Leonardo sur les toits de New York (sans doute la meilleure scène du film). Ce sont tous ces éléments qui font de TMNT une adaptation bien plus fidèle au comic book d’origine : plus violente, plus sombre, plus tragique, et en même temps toujours aussi drôle. Libérée de la pression du plancher des vaches grâce à la 3D, la mise en scène de Munroe s’autorise même un grand nombre de plans impressionnants, impensables dans les trois autres films, avec de sacrés loopings en skateboard de Michelangelo dans les coursives du métro en guise de mise en bouche. Et quand l’action démarre, même bilan : on est dans de l’action vénère, mettant en scène des tortues d’une surprenante agilité au cœur de combats brutaux situés dans les ruelles les plus sombres de New York et rappelant les effets aériens de la mise en scène de Sam Raimi sur sa trilogie Spider-Man. Même lorsque le film dérive dans sa dernière partie vers le fantastique et la science-fiction, il touche juste, maintenant l’équilibre entre ses qualités graphiques et ses décharges de fun dignes d’un vrai blockbuster hollywoodien.

Plutôt de très bonne augure, tout cela. La réussite à 100% n’est malheureusement pas au rendez-vous. Comme si Munroe, bloqué par un scénario hélas très prévisible, ne pouvait jamais se libérer pleinement de l’influence de la série animée actuelle. Comme s’il ne pouvait rien signer d’autre en fin de compte qu’un long épisode luxueux de cette même série, aussi étoffé et visuellement soigné soit-il. De plus, on ne peut pas dire que les personnages humains ait subi le même ravalement de façade que les Tortues : ici, la très jolie April se révèle à peu près aussi potiche que la fille de Jack Bauer dans 24 heures chrono (seule son look final de guerrière à la Kill Bill fait très plaisir à voir) et le bagarreur Casey Jones se voit réduit au rang d’empoté de service qui parasite le film à chacune de ses apparitions. Même l’exploitation du « Cowabunga ! » frise ici le n’importe quoi ! Des défauts impossibles à effacer, même s’ils n’atténuent que très peu notre réelle satisfaction de voir nos quatre chevaliers d’écaille et de vinyle en aussi grande forme.

PIZZA TAURINE

Quand on y pense, quoi de plus logique ? Laisser ce grand beauf dégénéré de Michael Bay investir l’univers fun et divertissant des Tortues Ninja était peut-être la meilleure option à prendre pour un reboot. Et même si l’auteur de ces lignes risque de se mettre pas mal de fans à dos en voyant dans Ninja Turtles la modernisation rêvée de l’univers créé par la paire Eastman/Laird, il convient de rester objectif face au résultat, de ne pas se voiler la face sur ce qu’allait être un tel film, et à juger ce dernier avant tout au travers de ce que l’on souhaitait y voir, surtout en ayant gardé à ce point les anciens longs-métrages en tête. Et le verdict est sans appel : la réussite de Ninja Turtles vient très justement de l’habileté de la paire Bay/Liebesman à avoir su conserver tout l’esprit « gamin » des Tortues Ninja tout en réactualisant son univers et en lui injectant la surdose de spectacle XXL qui lui faisait défaut jusque-là. En même temps, ça n’avait aucun sens d’y chercher autre chose que ça…

Avec le recul, on peut même juger la froideur de certaines réactions de fans plutôt inappropriée, surtout en ce qui concerne le look des tortues : grâce aux progrès techniques, les quatre justiciers retrouvent enfin un look crédible, primitif et extrêmement imposant, très éloigné de ces acteurs dissimulés dans des panoplies artificielles. Il en est de même pour Splinter, admirablement dessiné en figure de senseï vénérable tout comme dans TMNT, et surtout pour Shredder, ici doté d’un look de samouraï d’acier enfin sublimé et transcendé. Et n’oublions pas cette chère April O’Neil, qui trouve finalement en Megan Fox une très satisfaisante incarnation d’héroïne à la fois sexy et dynamique (même si, au départ, Jessica Biel et Elizabeth Olsen avaient été envisagées). Des personnages fidèles à leur incarnation originelle, et qui, enfin vecteurs d’un vrai relief iconique sur grand écran, donnent malgré tout la sensation d’avoir su rester les mêmes sur le fond : d’une bonne idée sur l’exploitation des pizzas (l’aliment préféré des Tortues devient ici un outil de torture utilisé par Splinter) aux blagues à deux balles de Michelangelo (toujours aussi amoureux d’April !) en passant par l’individualisme brutal de Raphaël (définitivement LA tortue la plus intéressante !) et un « Cowabunga ! » utilisé sans aucun excès, tout est là, honoré, respecté et modernisé à sa juste valeur.

C’est sur le plan du scénario que l’on peut en revanche râler. Certes, on ne s’attendait pas à tomber sur un script qui allait tout transcender au risque de parasiter notre rêve d’enfant (et à la réflexion, il ne valait mieux pas), mais que celui-ci soit à ce point prévisible et gavé de scènes déjà vues ailleurs a la fâcheuse manie de rendre l’ensemble assez déceptif. On pourra néanmoins voir là-dedans le désir plutôt louable de faire de ce film une vraie introduction, avant tout destinée à présenter les composantes de l’univers et à reléguer son intrigue au rang d’accessoire. Et outre un folklore très japonais enfin remis au premier plan (ce dont TMNT s’était déjà un peu chargé), les scénaristes ont pris le choix judicieux de conserver l’idée de la mutation originelle des tortues en modifiant légèrement les enjeux qui les sous-tendent, histoire de dévier un tant soit peu de l’intrigue du premier film (qui, on le rappelle, décalquait plus ou moins la structure du premier tome du comic book) et de faire mieux passer la suspension d’incrédulité sur la puissance primitive des tortues (un détail qui, dans les précédents films, n’avait jamais convaincu la critique).

Et pour finir en beauté, présence de Michael Bay oblige, autant se préparer à un festival de scènes d’action bourrines et génialement rythmées, dont le sommet reste une stupéfiante glissade sur flanc de montagne où s’enchaînent sans discontinuer les loopings vertigineux en plan-séquence façon Spider-Man, le tout avec un réel souci de lisibilité (les rumeurs d’excès de shaky-cam entendus ici et là sont pour le coup infondées). La mise en scène de Jonathan Liebesman, à qui l’on devait pourtant les nullissimes La colère des Titans et Battle Los Angeles, prend même le choix judicieux (la sécurité ?) de s’axer sur les méthodes de filmage et de découpage propres à Michael Bay, avec contre-plongées de pubard, lumières et contrastes intensifiés, cadrages obliques bien fichus et mouvements de caméra impossibles. On en prend donc plein les mirettes sans se prendre la tête, comme revenus à la source de notre plaisir de gamin biberonné à la soupe de tortue cartoon, avec une seule envie pressante en sortant de la salle : savourer une suite le plus vite possible. Si ce n’est pas là exactement ce que l’on voulait ressentir à la fin, je ne m’y connais pas…

Pages: 1 2 3

3 Comments

  • Erick Says

    “L’orrible doublage Canadien” parle pour toi mon petit bonhomme! Vous devriez reflechir avant de parler ainsi, vous realiseriez peut etre que le doublage Francais est une merde total pour bien des gens aussi! Alors gardez vous une petite gene avant d’insulter les personnes qui on fait un excellent travail pour doubler le film au Québec. Ce n’est pas parce que vous ete Francais et que vous n’appreciez pas le doublage Québecois que ca en fais un “horrible doublage”…chacun ses gouts, et surtout chacun sa culture! Le doublage Québecois est excellent, il est meme superieur au doublage Francais a mon avis et de l’avis de plusieurs personnes. Donc pas besoin d’insulter les gens qui on travailler sur la version Québecoise, tant mieux pour vous si vous preferez le doublage Francais, mais ne descendez pas la version Québecoise pour autant et simplement pour venter votre version favorite, vous ne representez pas la majoriter des gens et vous ne possedez pas la verité absolue!
    Merci

  • On pourrait se poser quelques minutes pour décortiquer la cohérence absolue de ce commentaire à l’aune d’un texte daté d’il y a quatre ans et qui n’insulte personne. Mais :

    « vous realiseriez peut etre que le doublage Francais est une merde total pour bien des gens aussi!  »

    suivi de

    « Alors gardez vous une petite gene avant d’insulter les personnes qui on fait un excellent travail pour doubler le film au Québec. »

    En seulement 3 lignes. Cela ne mérite qu’un « ok vu ». Le premier du site. Bravo !

  • Beerus Says

    Bah moi, je confirme que le doublage quebecois, c’est une purge de compet. ^^

Laisser un commentaire

Lire les articles précédents :
Gone Girl

Courte-Focale.fr : Critique de Gone Girl, de David Fincher (Etats-Unis - 2014)

Fermer