REALISATION : Michael Bay
PRODUCTION : Paramount Pictures, Hasbro, Inc.…
AVEC : Mark Wahlberg, Stanley Tucci, Kelsey Grammer, Nicola Peltz, Jack Reynor…
SCENARIO : Ehren Kruger
PHOTOGRAPHIE : Amir Mokri
MONTAGE : Roger Barton, William Goldenberg, Paul Rubell
BANDE ORIGINALE : Steve Jablonsky
ORIGINE : Etats-Unis, Chine
GENRE : Action, Science-fiction
DATE DE SORTIE : 16 juillet 2014
DUREE : 2h45
BANDE-ANNONCE
Synopsis : Quatre ans après les événements mouvementés de « Transformers : La Face cachée de la Lune », un groupe de puissants scientifiques cherche à repousser, via des Transformers, les limites de la technologie. Au même moment, un père de famille texan, Cade Yeager, découvre un vieux camion qui n’est autre qu’Optimus Prime. Cette découverte va lui attirer les foudres d’un certain Savoy, dont le but est d’éliminer les Transformers. Pendant ce temps, le combat entre les Autobots et les Décepticons refait surface…
Avec l’excellent No Pain No Gain, on aurait pu croire que Michael Bay tournait une page de sa carrière. Or, plutôt que de s’envoler vers d’autres cieux, le voilà à nouveau aux commandes d’un Transformers. Mais pourquoi diantre vouloir remettre les pieds une quatrième fois dans cette franchise ? En trois films, il a allègrement fait le tour d’une série à l’intérêt plus que limité. Il semblait d’ailleurs en avoir conscience en affirmant que le troisième épisode serait sa dernière contribution à la franchise. Sauf que Bay a toujours été du genre versatile. Après tout, il avait affirmé que La Face Cachée De La Lune serait trop complexe à tourner en 3D avant de se décider à sauter le pas. Suite à une visite à Universal Studios où il constata l’immense file d’attente pour l’attraction tirée des films, le réalisateur de Bad Boys s’est dit qu’il ne pouvait pas lâcher comme ça une série si populaire et réclamée par le public. Qu’importe si ce dernier est souvent le dernier à savoir ce qu’il veut, il se doit de lui offrir un nouveau film… non mieux, le point de départ d’une nouvelle trilogie. Il y a presque un sentiment de malaise face à ce qui s’apparente à une auto-séquestration. Il n’est alors plus étonnant que le cinéaste ajoute à sa folie habituelle des troubles psychologiques à la limite de la schizophrénie.
No Pain No Gain occupe déjà une place étrange dans la filmographie du bonhomme par sa façon de dépeindre la perversion du rêve américain et son message sur le plaisir des choses simples. Cela était toutefois bénéfique à une œuvre fonctionnant indépendamment des autres films signés par son auteur. L’âge De L’extinction ne peut pas profiter d’une même excuse puisque se rattachant à un univers dont il respecte toutes les règles. Chaque écart de Bay devient alors un moment d’embarras difficile à appréhender. Au début du film, le héros visite un antique cinéma en ruine. Le propriétaire lui rétorque que cette dégradation n’est pas due au lieu en lui-même mais aux films projetés et notamment à cause de « trop de suites de merde ». Vu les indigestes deux précédents épisodes, on est en droit de se demander si une telle critique est bien raisonnable. Il en va de même de cette moquerie envers les extra-mini-shorts du personnage principal féminin que Bay filme toujours avec le même amour. Ça ne sera toutefois rien comparé à la visite d’un laboratoire de haute technologie plus tard dans le film. On y verra des scientifiques y fabriquer à la chaîne leurs propres transformers avec tout un tas d’applications commerciales. Dans un spot publicitaire, on verra même les designers clamer qu’ils ont customisé à outrance les modèles originaux mais avec un absolu respect de leur essence. Tout ceci est tourné en ridicule et présenté comme un dramatique dérivé des personnages de base. Là encore, on s’interroge si le long-métrage est bien placé pour faire ce genre d’insinuation. Après tout, il se conforme à des formes de réflexions pas bien différentes. On pourrait presque y voir du dégoût de soi si finalement tout ceci n’était pas cohérent vis-à-vis des habitudes de Bay qui prône l’irresponsabilité au rang d’art majeur et revendique sa fuck yeah attitude sans la moindre honte.
En ce sens, L’âge De L’extinction affiche sans détour son total renoncement scénaristique. On parlera moins de scénario que de bazar narratif. L’introduction sonne comme le parfait avertissement du capharnaüm à venir. En une poignée de minutes, on passera de l’extinction des dinosaures à une découverte scientifique de nos jours en Antarctique, puis à la présentation des héros au Texas et enfin à celle des vilains du gouvernement à Washington… tout ça bien sûr sans le moindre début de commencement de lien entre ces divers éléments. Le film paie là son idée saugrenue de se constituer sur deux intrigues de poids similaires. La première se concentre sur Lockdown et son alliance avec le gouvernement pour traquer les derniers transformers survivants sur Terre. La seconde concerne la construction des nouveaux transformers évoqués plus haut par lequel sera introduit un Megatron réincarné. La structure de l’une ou l’autre de ces intrigues suffirait à elle seule à faire tenir debout un long-métrage. On se demande bien ce qui a pu justifier leur cohabitation au regard de la maigreur, voire de l’inexistence, des connexions entre elles. La réponse pourrait se trouver dans l’insatiable goût de la surenchère de son réalisateur et le point d’honneur qu’il met à ne jamais laisser passer une opportunité pour faire exploser quelque chose. Et pourtant, c’est là qu’apparaît la surprise de ce quatrième épisode.
Respectant toutes ses composantes primaires, ce nouveau départ pour la franchise n’a rien d’une remise à plat. Il serait plus adéquat de parler d’un recalibrage. En effet, derrière une durée excessive repoussant celle, déjà exagérée, des deux précédents volets, L’âge De L’extinction arrive à renouer avec l’aspect relativement digeste de l’épisode initial. Bay évite ainsi l’overdose de transformers aux designs alambiqués et freine un peu sur sa débauche d’effets gores. Il ne faut pas mentir en disant que ces griefs ont totalement disparus. Oui, les robots se bousculeront en pagaille dans le dernier acte et Bay profite encore de leur nature inorganique pour être joyeusement dégueulasse (voir la mise à mort final). Pourtant, ces effets sont plus ou moins correctement dosés et l’abattage évite de devenir totalement assommant. Pour contrebalancer le total désert narratif, Bay fait en sorte de rendre le plus appréciable possible son sens de la destruction massive. Le résultat finit par s’assumer comme l’ultime spectacle sons et lumières. Tout ne tient plus qu’à la virtuosité pour conjuguer couleurs, effets spéciaux, mouvements de caméras et bruitages. Un gigantisme au service du seul plaisir régressif qui se trouvait déjà dans les autres épisodes mais qui trouve ici son épanouissement par un rythme sachant ménager ses effets.
Tout dans L’âge De L’extinction ne fonctionne que par ce dosage, la façon d’assurer une scène par son exécution propre mais aussi son positionnement par rapport aux autres. La seule obsession du film semble tenir à cette quête du bon tempo sans la moindre considération à ce qu’il doit servir. C’est ainsi que Bay sacrifie toute chance de développement de l’une ou l’autre de ses intrigues (l’alliance entre Lockdown et le gouvernement avait pourtant du potentiel) et toute attention envers les notions de cohérence (les opérations clandestines menées au grand jour et devant témoin). Guère étonnant de sa part on dira mais ça l’est plus lorsqu’il applique la même logique à ses excitants moyens visuels. Par exemple, les nouveaux robots ont de surpuissantes capacités de transformations. Celles-ci ouvrent des possibilités équivalentes à celle du T-1000 dans Terminator 2. Toutefois, le concept ne sera guère exploité à l’écran. Bay semble comprendre que pour faire passer certaines idées pétées du bulbe comme les dinobots, il vaut mieux ne pas charger la mule sur d’autres. S’il est une nouvelle fois reproché à Bay de ne livrer qu’une agression visuelle et sonore, c’est néanmoins finalement une expérience plutôt confortable. Certes, la franchise ne se sépare pas de son ton bêtifiant et de ses dialogues aussi imbéciles que redondants sur la grandeur de l’humanité. Mais derrière cela se trouve une euphorie qui n’a jamais été aussi palpable.