Star Trek Into Darkness

REALISATION : J.J Abrams
PRODUCTION : Paramount Pictures, Bad robot, Sky Dance Productions
AVEC : Chris Pine, Zachary Quinto, Benedict Cumberbatch, Simon Pegg
SCENARIO : Roberto Orci, Alex Kurtzman, Damon Lindelof
MONTAGE : Maryann Brandon, Mary Jo Markey
PHOTOGRAPHIE : Dan Mindel
BANDE ORIGINALE : Michael Giacchino
ORIGINE : Etats-Unis
GENRE : Science-fiction
DATE DE SORTIE : 12 juin 2013
DUREE : 2h12
BANDE-ANNONCE

Synopsis : Alors qu’il rentre à sa base, l’équipage de l’Enterprise doit faire face à des forces terroristes implacables au sein même de son organisation. L’ennemi a fait exploser la flotte et tout ce qu’elle représentait, plongeant notre monde dans le chaos… 
Dans un monde en guerre, le Capitaine Kirk, animé par la vengeance, se lance dans une véritable chasse à l’homme, pour neutraliser celui qui représente à lui seul une arme de destruction massive.
 Nos héros entrent dans un jeu d’échecs mortel.

Grâce au tour de passe-passe narratif posé par le précédent volet, J.J. Abrams et ses scénaristes disposent aujourd’hui d’un univers alternatif Star Trek bien à eux. Tout en bénéficiant d’une caution de fidélité envers l’univers originel, ils peuvent ainsi se permettre un certain nombre de libertés pour construire leurs propres histoires. Du coup, l’orientation scénaristique de Into Darkness a de quoi perturber. Le premier film se positionnait sous l’angle du reboot et si c’est toujours le cas ici, cette suite affirme un sérieux penchant pour le remake. Inutile donc de tourner autour du pot face à une promotion mal calculée. L’erreur de navigation est pour le moins étrange de la part d’Abrams. Jusqu’à présent, le réalisateur de Super 8 fut toujours prédisposé à créer le buzz en maintenant une savante aura de mystère sur ses projets. Pourtant, la rumeur courra rapidement que le méchant de ce nouvel opus serait le machiavélique Khan. En fait, dès la sortie du précédent long-métrage, cette possibilité commençait à circuler. Les bruits de couloirs demeurèrent vivaces tout le long de la production et l’équipe y allait de timides affirmations à base de « Non, le méchant incarné par (l’excellent) Benedict Cumberbatch n’est pas Khan ». Pas de meilleur moyen pour confirmer que c’est bien le cas.

Into Darkness se positionne donc comme une relecture de La Colère De Khan, ce qui est pour le moins étrange face aux champs des possibilités ouvert par cet univers alternatif. Il n’y a nul doute qu’Abrams et ses scénaristes soient d’immenses fans du second film de la franchise réalisé par Nicholas Meyer. Leur reboot était déjà empreint de références à ce dernier. La tricherie de Kirk au test du Kobayashi Maru évoqué antérieurement était montrée. Quand au méchant incarné par Eric Bana, il était terriblement influencé par Khan. Il partageait la même douleur face à la perte d’un être cher et la même obsession à embarquer un équipage de fidèles dans sa folie vengeresse sans limite. Du coup, pourquoi faire apparaître Khan dans ce nouvel épisode ? Ne serait-ce pas un peu redondant ? Parmi tous les méchants envisageables et les histoires pouvant être contées, il a fallu revenir sur un personnage déjà réinventé et un récit déjà pillé. Le choix tourne clairement à la frustration. Si l’aspect reboot se montre d’ailleurs encore inspiré, l’aspect remake est lui plutôt déplorable.

La scène la plus renommée de La Colère De Khan était portée par la morale « l’intérêt du plus grand nombre l’emporte sur l’intérêt de quelques-uns ». Into Darkness désire illustrer ce propos dans un nouvel écrin. Ses premières scènes l’alimentent d’ailleurs avec enthousiasme. La scène d’ouverture à la James Bond montre comment Kirk préfère secourir Spock plutôt que de respecter la directive première de Starfleet (ne pas influencer l’évolution des espèces). Magnifiquement porté par la musique du toujours brillant Michael Giacchino, la séquence suivante met en scène le méchant, plaçant un officier de Starfleet devant un choix. Tel le diable incarné, il lui offre la possibilité de secourir sa fille malade si il accepte de prendre part à une opération qui causera la mort de nombreuses personnes. Ce début a le mérite d’offrir un propos passionnant et de véritables dilemmes émotionnels. Le drame voudra que cet intérêt s’étiole tout au long du film. Il demeure pourtant bien présent. L’enjeu central autour d’un risque de guerre avec les klingons s’inscrit parfaitement dans cette logique. Il en va de même pour le parcours des personnages et notamment de Kirk qui suivra le même cheminement que dans La Colère De Khan (il ne peut pas perpétuellement contourner les règles et doit y faire face). Le souci provient avant tout d’une écriture constamment problématique.

Le fait est que le scénario rencontre un lot trop impressionnant de dysfonctionnements pour offrir un déroulement harmonieux à son récit. Pour expliquer la situation, on sortirait bien l’atout Damon Lindelof. La carte est très prisée depuis Prometheus. Il faut admettre que Into Darkness propose des problèmes similaires comme cette manière de complexifier artificiellement le récit par des éléments semblant sortir de nul part (la sous-intrigue des torpilles par exemple). Cela ne fait que créer une incompréhension à l’histoire. Contrairement à ce que l’on pourrait croire au premier abord, celle-ci ne naît pas d’incohérences. Si on demande aux scénaristes de justifier chaque élément du récit, ils trouveront des explications absolument logiques. Le spectateur les trouvera de lui-même en creusant un peu a posteriori. C’est justement ce constat a posteriori qui bloque le film. Son manque de clarté conduit à constamment s’interroger sur des choses qui auraient dû pouvoir être aisément appréhendées. La logique feuilletonesque de l’histoire tient une part très active là-dedans. Ainsi, une information délivrée peut être tout juste cinq minutes plus tard modifiée ou réfutée. La mécanique sera tellement répétée tout le long qu’elle apparaîtra très rapidement fumeuse. L’astuce sert bien sûr Abrams & Co pour tout à la fois maintenir le rythme et surtout amener le long-métrage là où ils le veulent. Into Darkness semble moins se construire comme une histoire allant d’un début à une fin qu’une invention de moments forts devant être reliés. Ceux-ci assurent au film son caractère impressionnant que ce soit dans les scènes d’action ou le portrait des personnages mais ne permettent pas l’implication émotionnelle nécessaire pour le transcender.

Into Darkness reste ainsi un divertissement pour le moins captivant. Ses effets spéciaux et ses décors impressionnants sont tous au service d’une imagerie enflammant la rétine. D’une poursuite dans une jungle rouge à celle, rocambolesque , dans un San Francisco futuriste en passant par l’éjection de l’Enterprise, le film n’hésite pas à verser dans les morceaux de bravoures jubilatoires. On notera néanmoins leurs caractères un brin inégaux en raison de certaines limites de mise en scène (le combat sur Kronos aussi furieux qu’illisible). En soit, les limites d’Abrams se posent d’autant plus dans l’entre-deux se constituant de luxueux tunnels de dialogues. Il est limite étrange de se retrouver avec de longues discussions en gros plans dans un blockbuster à pratiquement deux cent millions de dollars. Cette mise en scène donne même un côté drôle à certains moments comme celui où John Harrison révèle son identité (on se demande comment Giacchino a pu se retenir pour ne pas rajouter un dramatique « TinTinTinTiiiiin !!! »). On s’interrogera sur le caractère volontaire de la chose, surtout lorsqu’Abrams choisit de reprendre un des passages les plus over-the-top de La Colère De Khan.

Trop attaché à son héritage, trop attaché à ses racines télévisuelles et même trop attaché à son prédécesseur (les références dispensables à la destruction de Vulcain, l’apparition anecdotique du Spock initial)… Into Darkness montre les limites de la reprise en main de l’univers par Abrams. Alors que ce dernier part s’occuper de Star Wars (ce qui est assez inquiétant, par rapport justement à ses déficiences de narrateur), on peut rêver que la franchise procède à une nouvelle évolution. Car si il est toujours agréable de revisiter le passé, il existe des choses plus intéressantes à faire… comme imaginer l’avenir.

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