Albator, Corsaire de l’espace

REALISATION : Shinji Aramaki
PRODUCTION : Tôei Animation Company
AVEC : Shun Oguri, Haruma Miura, Yû Aoi, Arata Furuta, Miyuki Sawashiro
SCENARIO : Harutoshi Fukui, Kiyoto Takeuchi
PHOTOGRAPHIE : Kengo Takeuchi
MONTAGE : Shinji Aramaki
BANDE ORIGINALE : Tetsuya Takahashi
ORIGINE : Japon
TITRE ORIGINAL : Space pirate Captain Harlock
GENRE : Animation, Anime, Space opera, Science-fiction
DATE DE SORTIE : 25 décembre 2013
DUREE : 1h50
BANDE-ANNONCE

Synopsis : 2977. Albator, capitaine du vaisseau Arcadia, est un corsaire de l’espace. Il est condamné à mort, mais reste insaisissable. Le jeune Yama, envoyé pour l’assassiner, s’infiltre dans l’Arcadia, alors qu’Albator décide d’entrer en guerre contre la Coalition Gaia afin de défendre sa planète d’origine, la Terre.

Les amateurs du Leijiverse vous le diront. S’il est possible de dégager un semblant de chronologie resituant les œuvres de Leiji Matsumoto les unes par rapport aux autres, celles-ci ne pourront guère afficher de véritable continuité entre elles. L’un des exemples les plus parlants pourrait être l’OAV Captain Herlock : The endless odyssey, lequel fait mention d’une guerre passée, narrée dans le manga Capitaine Albator et la série animée Albator 78, alors même que ses propres personnages censés y avoir participé n’affichent pas la moindre connaissance de cet événement. L’univers du mangaka, et par extension celui d’Albator, est ainsi fait de variations autour des mythes et archétypes qui le composent, le titre de l’OAV susmentionné se voulant clair en ce sens. Qu’importe alors que le professeur Daiba ou Toshirô meurent de différentes manières selon le récit conté  : chez Matsumoto, tout n’est qu’un éternel recommencement que justifie la nature même de sa plus célèbre création. Celle d’un mythe pour la diégèse qu’il investit, d’une légende du manga et de l’animation pour le lecteur/spectateur qui contemple ses aventures. Dans les deux cas se crée la nécessité pour Albator d’exister et pour son mythe d’être perpétué. Et s’il ne parvient jamais à se montrer à la hauteur de son sujet, c’est finalement en substance tout ce que raconte Shinji Aramaki dans Albator, corsaire de l’espace.

À partir de ce constat, on ne saurait reprocher au réalisateur d’Appleseed de ne pas avoir voulu s’approprier son sujet. La démarche du cinéaste se veut très claire dès lors qu’il décide de ne pas aborder frontalement la psyché de son personnage, privilégiant par sa mise en scène une approche progressive du mythe qu’il convoque. Le soin pris au dévoilement du pirate (et non du corsaire), d’abord évoqué par une silhouette balayée par le vent puis par de brefs surcadrage et zoom ne parvenant pas à s’affranchir de l’ombre qui l’enveloppe, montre tout le respect que Shinji Aramaki avait vis-à-vis de l’héritage dans lequel il allait devoir inscrire son film. Albator ne se révélera d’ailleurs physiquement qu’une fois son nom prononcé, point final d’un processus d’icônisation indissociable du personnage et indispensable à la bonne tenue d’un récit qui se devait également de fonctionner à un niveau méta-textuel.
Mais hélas, Albator et sa légende ne sont clairement pas à la portée d’un scénario qui n’affiche jamais sa compréhension de la figure qu’il invoque. Le problème tient ainsi moins au traitement visuel du capitaine qu’à la restitution de son aura par le biais de mécaniques narratives. On ne saura d’ailleurs pas lui reprocher de laisser Albator en retrait pendant une large majorité du métrage. Si celui-ci est apprécié du fait d’un code d’honneur dont il se fait le porte-étendard, il l’est aussi de par l’hallucinant charisme qui effraie ses opposants et impose le respect de ses compagnons. Il est un homme réfléchi, mesuré, presque froid, qui ne parle jamais pour ne rien dire et qui n’agit que si nécessaire. Le parti-pris d’Aramaki d’un récit centré sur Yama, s’il est critiquable en l’état, justifie donc la présence réduite d’Albator. Et par extension, ne donne potentiellement que plus d’impact a chacun de ses faits et gestes, tel qu’il en a toujours été depuis le manga originel.

Du moins en théorie. Certes, Aramaki sait démontrer ses capacités de metteur en scène lors des séquences impliquant Albator. On lui retrouve son goût pour les chorégraphies et poses stylées appuyant le caractère iconique de ses protagonistes, d’autant plus magnifiées que le cinéaste oublie notamment les prises de vues serrées qui parasitaient les séquences d’action de ses Appleseed. Sans doute l’apport d’une méthodologie proche de celle du cinéma virtuel lui aura-t-il permis de libérer sa créativité en terme de gestion de l’espace, opérant par là un progrès notable dans son découpage.
Las, il en oublie de créer un véritable héros consistant, se créant une aura par ses actes et par les personnages qui mettent ceux-ci en valeur. C’est le cas par exemple d’Ezra, principal antagoniste du film et qui doit servir à dessiner la carrure d’Albator. Hélas, s’il permet à un bien fade Yama de connaître une évolution, son caractère irréfléchi et rentre-dedans (voire un peu bête : « je le savais », dit-il après s’être pris une rouste d’ordre stratégique) n’en fait tout au plus qu’un menu fretin pour un pirate de l’envergure d’Albator, annihilant du même coup les enjeux d’une séquence pourtant aussi fondamentale que celle du premier affrontement spatial entre les deux hommes, car à l’issue courue d’avance. Il s’agit là de l’un des maux récurrents de toute fiction basée sur un affrontement impliquant un être dépeint comme fort, et auquel Albator avait pourtant largement échappé dans le passé. S’il suscite ainsi autant d’admiration de la part des spectateurs, c’est par sa force, physique, de réflexion ou d’initiative, et son intelligence. Mais ces éléments n’ont été concrétisés que par le biais de conflits avec des êtres supérieurs (Sylvidres, Noo…), au moins pourvus des mêmes capacités qu’Albator. D’où le fait que force ou intelligence ne seront perçus comme tels qu’en opposition à leur égal. A contrario, l’affrontement entre une entité déjà définie comme puissante ou invincible (dans le film, Albator combat depuis cent ans et est redouté de tous) et une autre non ou mal définie, ne mettra pas en avant la force du premier… mais la faiblesse du second. Une nuance essentielle qu’ont compris certains (Pacific rim, pour rester dans un exemple récent) et pas d’autres (Dragon Ball Z : Battle of Gods, pour rester dans l’animation japonaise). Et qui fait cruellement défaut à cet Albator, corsaire de l’espace au personnage-titre parfois impressionnant de classe mais qui n’arrive que partiellement à susciter de l’admiration.

Il faut dire qu’en empruntant plus à The endless odyssey qu’à Waga seishun no Arcadia (Albator 84 : l’Atlantis de ma jeunesse dans nos contrées), Albator, corsaire de l’espace ne partait pas réellement avec toutes les chances de son côté. À défaut du pirate défini par ses actes comme décrit plus haut, on se retrouve avec un Albator qui saute dans le vide sans soutien matériel parce que c’est vachement la classe, qui éprouve des regrets parce qu’il est faillible tu comprends, lâche une larme quand l’espoir renaît (alors qu’il est précisément censé ÊTRE l’espoir) et prend tellement la pose du rebelle ténébreux qui se sait ténébreux (mais l’est-il ? Vous avez une heure) qu’il semble complètement avachi et blasé dans un trône trop grand pour lui. Bref, une caricature de lui-même en quelque sorte, assez loin du héros romantique adoré des fans. Il faut dire que la mélancolie est aussi affaire de mise en scène.

Aramaki le fait pourtant dire à Miimé en début de métrage : « Les héros sont toujours entourés de légendes. » L’une des plus tenaces au sujet d’Albator ne fait pourtant guère illusion dans le cadre du film. Elle concerne bien sûr la légende de l’Arcadia et de son équipage, à peine abordé par le prisme de Yattaran, Miimé et Kei, carrément jetée aux oubliettes à travers des seconds couteaux caricaturaux et pas vraiment en phase avec ce que l’on attend d’un nouveau récit du pirate. Conséquence directe de la volonté d’un traitement premier degré de Shinji Aramaki, oubliant volontairement tout l’aspect drolatique d’une équipe pouvant témoigner aussi bien d’un goût immodéré pour l’alcool que d’un comportement désintéressé toujours surprenant, créant la dichotomie avec ses actes héroïques, et donc la source de notre respect à son égard. Pas de quoi être fasciné pour le vaisseau pour autant, même quand il est pris la peine de décrire des fonctionnalités qui ne seront jamais utilisées, encore moins quand des bruits électroniques nous feront comprendre que l’Arcadia répond aux questions d’Albator (là où manga et anime pouvaient laisser une ambiguïté sur la nature du vaisseau). Un souci d’accessibilité sans doute, mais surtout d’écriture (parce que le vaisseau répond à Albator ! … voilà, c’est tout) donnant aussi bien lieu à un script inutilement surexplicatif qu’à un flot de grossièretés (le chara-design de Miime, la scène de la douche rendue inutile par la mise en scène, Yama trahissant son nouveau camp toutes les deux secondes, le combat entre les deux frères…) mettant à mal la mise en place du propos du film.

Si l’on ne révélera rien de la teneur du final, disons simplement qu’Aramaki et ses scénaristes s’adressent directement au spectateur, et plus encore au spectateur familier du Leijiverse. L’occasion d’une réflexion éclairant celui-ci sous l’angle du récit mythologique et de la nécessité pour lui d’être perpétué. L’aboutissement logique d’une intrigue hélas mal agencée et qui risque de perdre en route le public profane, mais qui aura su rappeler la conscience qu’a Albator de l’immensité de l’univers qu’il parcourt et par extension de la place que l’humanité occupe dans celui-ci (c’est même répété plusieurs fois si par hasard tu t’étais endormi avant). Une thématique forte et qui motive la quête du pirate à l’encontre de la coalition GAIA, malheureusement à peine traduite par la mise en scène d’Amaraki, certes parfois constituée de bonnes idées (la Terre, symboliquement représentée par un hologramme par un groupe d’humains ayant oublié leur humanité et préférant vivre entre eux, dans l’illusion) mais trop peu porteuse de sens. On aurait aimé ressentir clairement les motivations de la coalition, et sans doute la perte des mythes fondateurs qui a causé leur isolation. Car c’est bien à ça que le final d’Albator, corsaire de l’espace répond. L’Histoire n’est qu’un éternel recommencement permis par l’espoir, et l’espoir est autorisé par le mythe et sa transmission. Une autre manière de signifier l’aspect vain de toute recherche de continuité dans les récits qui narrent ses aventures. On devra se contenter en l’état (jugement à revoir lors de la vision du montage intégral ?) d’interprétations potentiellement hasardeuses basées sur des déclarations d’une naïveté absolue de certains personnages, du fait d’un film bancal peinant à transmettre l’intégrité du propos de manière cinématographique et l’expédiant dans ses dernières minutes.

Pas de quoi renier celle du film pour autant, très inégal donc mais ayant au moins su s’approprier, jusqu’aux gimmicks (l’obsession du chiffre 9, la présence de Matsumoto…), les composantes essentielles du Leijiverse pour tenter de le questionner.

1 Comment

  • DDFunky Says

    D’accord avec cette analyse, techniquement l’animation est bien maitrisée, superbe. Mais l’histoire ne m’a pas convaincu, je n’ai pas accroché. Endless odyssey m’avait déjà laissé un sentiment mitigé.
    J’attendais les sylvidres (ou les LLumidas), belles créatures obligées d’envahir la terre pour survivre après l’extinction de leur soleil dans la série originale, or dès le départ on nous annonce qu’à part les humains il n’y a personne d’autre dans l’espace, première déception. Le recrutement de nouveaux membres d’équipage: ceux qui ne font pas l’affaire sont jetés dans le vide (donc tués gratuitement), albator et son équipage n’auraient jamais fait celà dans les séries précédentes. Les personnages ne sont pas franchement attachants, yuku Kei est transformée en Bimbo; comme dans Endless odyssey Albator ressemble à un psychopate, on est loin des deux premières séries.
    Pour moi la série Albator 78 reste le meilleure scénaristiquement meme si l’animation a vieilli, quoique de meilleure qualité que bien des animes de l’époque. Ici, ce n’est pas l’animation qui est criticable mais le scénario. Le vaisseau est horrible, il a perdu son esthétique de cuirassé de l’espace fin et élégant dans Albator 78, les vaisseaux de GAIA sont banals, ceux des Sylvidres étaient bien plus beaux et originaux (hybrides entre soucoupes et vaisseaux).
    Une performance technique ne peut pas suffire à faire un bon film. Pour moi, fan des personnages de Leiji Matsumoto depuis 1980, année de diffusion d’albator 78 (j’avais alors 6 ans), le compte n’y est pas.
    le film Arcadia de ma jeunesse, sortit en 1982 (avec les affreux LLumidas) reste bien meilleur.

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