Paradoxalement, s’il aurait sans doute été impossible de se reposer une nouvelle fois sur les acquis de la première trilogie, il y avait fort à craindre que la carte de la nostalgie ne soit rejouée. Neuf ans séparent les épisodes 3 et 4, les personnages sont maintenant ancrés dans leur condition d’adulte et dans les impératifs qui y sont liés. Le plus évident des scénarios, celui de cet American pie 4, est donc celui où se confrontent ces nouveaux aléas et les envies d’ailleurs de protagonistes fantasmant un retour à une jeunesse faite de baises et de bitures. La peur de voir tout ce beau monde se transformer en vieux cons était donc palpable, celle de voir une bande de trentenaires répéter à foison que tu comprends, à notre âge, on ne peut plus se permettre d’être grossier ou de se bourrer la gueule. Certes, rien qui ne dépasse ces quelques considérations et qui en fin de compte, ne mériterait qu’on pleure le sort de chacun d’eux le cas échéant. Mais tout de même, à l’aune d’un cinéma qui renie régulièrement ses figures les plus cultes (toutes proportions et comparaisons gardées, les potes de la quadrilogie American pie en font partie), il serait de bon ton d’en conserver encore quelques-unes. Le choix de Jon Hurwitz et Hayden Schlossberg est pertinent en ce sens, le duo ayant notamment scénarisé jusque là les trois Harold & Kumar, délirantes aventures de deux potes peu enclines à faire dans la bienséance. De même, le troisième opus narrait lui aussi les soucis existentiels exposés dans cet American pie 4.
Hélas, le grand problème de ce nouvel épisode est identique à celui qui limitait la portée thématique d’A very Harold & Kumar 3D christmas, et tient dans son sujet même. Car en limitant les problèmes des personnages à des envies de s’échapper des carcans familial et professionnel dans le seul but d’aller voir ailleurs (ou au contraire à renier les plaisirs d’une simple cuite !!), cette troisième suite se montre trop superficielle – pour ne pas dire qu’on en a tout bêtement rien à cirer – pour se reposer sur ces minces enjeux pendant la totalité d’un long-métrage. C’est là tout le drame d’un film qui veut développer ses maigres intentions sans jamais proposer une intrigue consistante pour l’étayer. Il est pourtant peu probable que Hurwitz et Schlossberg ignorent le faible intérêt de leur postulat de départ. Preuve en est l’absence concrète de raisons justifiant la passivité de chacun face à des envies pourtant loin d’être irréalisables. D’une certaine façon, tout concourrait ainsi à ce que l’aspect thématique soit relégué au second plan au profit d’une succession de délires en tous genres. C’est après tout ce qui a fait le succès des trois premiers films et, par voie de conséquence, ce que l’on attend d’une nouvelle suite. Las, les personnages sont coincés dans leurs habitudes et restent passifs face à une soirée sur la plage où des prétextes absurdes viendront les empêcher de péter un coup, totalement impassibles devant une fête où chacun a ramené ses marmots et profite d’une ambiance musicale à faire fuir le premier sourd venu. On voit là les intentions des deux réals : employer les codes du teen-movie dont la saga était autrefois le chantre pour les véroler de l’intérieur du fait de la nature des protagonistes, tous trentenaires. Une idée bienvenue au demeurant et qui aurait occasionné, avec un peu d’inventivité, quelques rires ici salvateurs. Etrangement, l’absence de point de vue fait que… l’on s’emmerde quand même pas mal en l’état.
Un traitement symptomatique d’une volonté d’éluder toute volonté de transgression, comme en témoigne la cuite (si si !) intervenant en début de film. C’est une ellipse qui la remplacera.
Restent alors les gags pompés sur la trilogie et que chacun appréciera selon sa sensibilité et sa capacité à rire d’une impression de déjà vu. À défaut de s’être montrés intelligents dans le renouvellement de l’univers, Hurwitz et Schlossberg continuent au moins de prendre le genre avec intérêt. En résulte une mise en avant bien vue du père de Jim (campé par le toujours aussi excellent Eugene Levy) et une fausse évolution d’un Stiffler qui ne se fait toujours pas prier pour balancer des saloperies à la chaîne. De très bonnes idées mettent à profit le background de ces deux personnages et contribuent à apporter un peu de sang neuf à la saga, dont le final promet enfin un retour aux sources, sous forme de suite, que l’on espère enfin transgressif vis-à-vis de ses propres codes. En espérant qu’il ne faille plus un film entier pour résoudre de manière absurde des enjeux qui ne le sont pas moins.
Réalisation : Jon Hurwitz et Hayden Schlossberg
Scénario : Jon Hurwitz et Hayden Schlossberg
Production : Craig Perry , Warren Zide, Chris Moore et Adam Herz
Bande originale : Lyle Workman
Photographie : Daryn Okada
Origine : USA
Titre original : American Reunion
Date de sortie : 02 mai 2012
NOTE : 3/6