Le 19 Septembre 2012… En Bref

En toute sincérité, on a failli passer à côté de ce beau film. Peut-être parce que Vincent Lindon fait partie de ces acteurs et actrices du cinéma français (Catherine Frot, Jean-Pierre Bacri, Isabelle Carré, Sandrine Kiberlain, pour n’en évoquer que quelques-uns à l’affiche ce mois-ci ou début octobre) qui, quand bien même on sait qu’ils sont généralement bons, nous donnent parfois l’impression de poursuivre leur carrière sur un mode pantouflard et d’être ainsi, d’une certaine manière, responsables du manque de renouvellement de notre paysage cinématographique. Ayons l’humilité de reconnaître que notre inconscient de cinéphile peut parfois nous jouer des tours bien fâcheux : Quelques Heures de Printemps comptera bien, à l’heure des bilans annuels, parmi les plus beaux films français de l’année ! Alors non, Stéphane Brizé, déjà remarqué avec Je ne suis pas là pour être aimé (2004) et Mademoiselle Chambon (2009), ne sera pas comparable à un Carax cette année. Non, il n’invente rien ni ne surprend fondamentalement sur le plan formel. Quoique. Est-on habitué à tant d’épure dans l’évocation d’un thème aussi délicat que celui qu’aborde ici Brizé – et que l’on se gardera bien de dévoiler ici, quand bien la bande-annonce s’évertue un peu trop à le faire ? Voilà ce que le film a à proposer de plus frappant : un jusqu’au-boutisme dans la sobriété. Et au vu des enjeux qui sont les siens, c’est déjà beaucoup. Un homme sort de dix-huit mois de prison dont il a écopé après ce que lui-même reconnaît être une connerie. Faute d’alternative, c’est chez sa mère qu’il emménage, quand bien même celle-ci n’est venu lui rendre visite que deux fois lorsqu’il était derrière les barreaux. Et au lieu du lent ré-apprivoisement que l’on attendrait entre ces deux allergiques aux sentiments, c’est une dégradation que le film raconte. C’est en cela qu’il est bel et bien surprenant finalement. Zéro sensationnalisme : les relations entre la mère et le fils, ou entre celui-ci et une nouvelle rencontre féminine (Emmanuelle Seigner) sont dévoilées sans hâte, par des séquences où la matière émotionnelle émane d’une observation des répétitions voire de l’immobilisme du quotidien. Si motif formel il y a, c’est assurément le plan-séquence, fixe ou lentement mobile, que Brizé manie admirablement. Il faut dire aussi que s’il peut se le permettre à un tel degré, c’est qu’il a comme matière le niveau de jeu adéquat. Non seulement Vincent Lindon est plus touchant qu’il ne l’a jamais été dans le registre taiseux qu’on lui connaît bien, mais il a face à lui une Hélène Vincent qui fait figure de révélation. Non pas qu’elle soit une inconnue, loin de là (on se souvient bien d’elle en marâtre bourgeoise dans La Vie est un long Fleuve tranquille de Chatiliez, 1987), mais elle éclate ici comme jamais. Chacun à sa manière joue sur les silences tendus qui suffisent, par de subtils jeux de regards voire même de simple respiration, à suggérer un bouillonnement intérieur. Tout juste les antécédents familiaux délicats sont-ils suggérés à quelques reprises. Le reste n’est que pure expérience d’accompagnement émotionnel patient et passionnant. On en ressort comme grandi.

Gustave Shaïmi



De la saga Jason Bourne, on pensait avoir tout vu, tout résolu, d’autant que l’agent incarné par Matt Damon avait pu retrouver son identité et faire inculper les auteurs du programme Treadstone, consistant à « fabriquer » des agents secrets plus efficaces. Une trilogie qui, malgré un filmage chaotique qui aura fini par lasser son public, reste encore aujourd’hui une vraie référence du cinéma d’action. Etant donné que Bourne n’est désormais plus là (si ce n’est dans le titre) et que Paul Greengrass a déclaré forfait, les producteurs allaient devoir se creuser la tête afin de trouver un bon prétexte pour poursuivre l’intrigue. En plus de n’avoir rien d’original, l’astuce choisie n’est pas non plus la plus audacieuse : dérouler l’intrigue de cet opus 4 en parallèle du précédent, en suivant comment la CIA décide de supprimer les agents impliqués dans d’autres programmes beaucoup plus avancés. Même le héros change de peau, et à première vue, le choix de Jeremy Renner rappelle un peu celui d’Ice Cube pour prendre la relève de Vin Diesel dans la suite de xXx : le bourrin individualiste prend la place de l’action-star charismatique. Il n’empêche que l’acteur s’en tire avec les honneurs, en conférant agilité et intériorité à l’agent secret Aaron Cross. Mais au-delà de cette figure centrale, cet épisode choisit en fait un angle différent : la quête de vérité filmée en caméra « coup de poing » laisse la place à une narration plus proche du thriller d’espionnage à la sauce Pollack, qui plus est en ajustant l’intrigue sur un détail propice à toutes les spéculations paranoïaques (des programmes top secrets visant à créer des agents génétiquement modifiés). Plus actuel sur le fond que sur la forme, cet épisode modifie le mode opératoire de son héros, dont la quête porte moins sur l’identité que sur la survie : ainsi donc, en redoublant d’imagination pour échapper à une CIA qui n’aura pas réussi à l’éliminer et en embarquant dans sa fuite une jolie scientifique (Rachel Weisz), le très b(o)urné Aaron Cross ne fait qu’utiliser le monde extérieur pour s’extraire des règles qui le composent. Et là où le film trouve sa place dans la saga, c’est lorsqu’il utilise le décor moins comme lieu d’action que comme révélateur d’action : en effet, le décor des Rocheuses (qui concentre les trente premières minutes du récit) reflète l’isolement originel de l’agent Aaron Cross qui ira crescendo dans un mouvement de plus en plus énergique, ce que la scotchante course-poursuite finale dans les rues bondées de Manille achèvera de concrétiser… Plutôt de bonne augure, tout ça. Qu’est-ce qui fait donc passer le film de Tony Gilroy pour une semi-réussite ? L’impression de ne jamais atteindre le niveau de ses prédécesseurs, d’arriver longtemps après la bataille, et surtout, de rester connecté à la saga tout en embrayant sur une autre direction. Vu que la fin annonce déjà un cinquième film, on attendra ce moment-là pour vérifier si cette continuité relevait d’une simple astuce lucrative ou d’une vraie bonne idée.

Guillaume Gas



Il y a presque quatre ans, on découvrait que la fille de David Lynch était capable du meilleur : devant Surveillance, polar vicieux et manipulateur au cœur d’une certaine Amérique profonde que l’on ne souhaiterait jamais plus revoir dans le rétroviseur, on prenait un pied d’enfer, sidéré par la virtuosité de la mise en scène et l’humour noir de son final mémorable. Du coup, on était prêt à pardonner l’erreur de parcours que fut Boxing Helena, projet maudit par excellence qui, au terme d’une mise en chantier chaotique, se solda par un gros bide doublé d’un statut de nanar indéfendable. Ce troisième film, intitulé Hisss sans que l’on sache réellement pourquoi, nous implore de refaire machine arrière. On se rend compte d’une chose : Jennifer Lynch n’est jamais au mieux de ses capacités dès lors qu’elle s’attarde sur des figures « mutantes », le problème résidant dans le fait qu’elle ne sait décidément pas les filmer sans rendre l’ensemble plus risible qu’autre chose. Ici, après une femme fatale amputée des bras et des jambes, c’est une « déesse-cobra » qui est au cœur de son projet de réalisatrice : cette créature surnaturelle doté d’un étrange don de morphing (mais qui préfère rester une bombe sexuelle, allez savoir pourquoi) porte en elle une pierre d’immortalité que de nombreux explorateurs n’en finissent pas de convoiter. Du coup, quand l’un d’eux capture son amant en guise d’appât, la vengeance sera impitoyable… Si le pitch vous attire en vous offrant la promesse d’un trip érotico-gore, faites demi-tour : entre un scénario tellement troué de partout que le montage en devient calamiteux, un casting totalement aux fraises où tout le monde part en roue libre, des scènes de meurtre aussi limitées que filmées n’importe comment, une photo surchargée d’effets de style dépassés depuis trente ans et des effets spéciaux qui semblent avoir été extraits d’une version turque d’Animorphs, le film atteint les sommets du risible à chaque séquence. Rien à sauver de ce naufrage… Ah oui, on se demande aussi pourquoi la réalisatrice achève une scène de meurtre (où la femme-cobra extermine deux pervers qui tentaient d’abuser d’elle) par un plan sur une photo déchirée de Pamela Anderson. Un effet de mode, sans doute. Ne pas y chercher autre chose…

Guillaume Gas

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