
En toute sincérité, on a failli passer à côté de ce beau film. Peut-être parce que Vincent Lindon fait partie de ces acteurs et actrices du cinéma français (Catherine Frot, Jean-Pierre Bacri, Isabelle Carré, Sandrine Kiberlain, pour n’en évoquer que quelques-uns à l’affiche ce mois-ci ou début octobre) qui, quand bien même on sait qu’ils sont généralement bons, nous donnent parfois l’impression de poursuivre leur carrière sur un mode pantouflard et d’être ainsi, d’une certaine manière, responsables du manque de renouvellement de notre paysage cinématographique. Ayons l’humilité de reconnaître que notre inconscient de cinéphile peut parfois nous jouer des tours bien fâcheux : Quelques Heures de Printemps comptera bien, à l’heure des bilans annuels, parmi les plus beaux films français de l’année ! Alors non, Stéphane Brizé, déjà remarqué avec Je ne suis pas là pour être aimé (2004) et Mademoiselle Chambon (2009), ne sera pas comparable à un Carax cette année. Non, il n’invente rien ni ne surprend fondamentalement sur le plan formel. Quoique. Est-on habitué à tant d’épure dans l’évocation d’un thème aussi délicat que celui qu’aborde ici Brizé – et que l’on se gardera bien de dévoiler ici, quand bien la bande-annonce s’évertue un peu trop à le faire ? Voilà ce que le film a à proposer de plus frappant : un jusqu’au-boutisme dans la sobriété. Et au vu des enjeux qui sont les siens, c’est déjà beaucoup. Un homme sort de dix-huit mois de prison dont il a écopé après ce que lui-même reconnaît être une connerie. Faute d’alternative, c’est chez sa mère qu’il emménage, quand bien même celle-ci n’est venu lui rendre visite que deux fois lorsqu’il était derrière les barreaux. Et au lieu du lent ré-apprivoisement que l’on attendrait entre ces deux allergiques aux sentiments, c’est une dégradation que le film raconte. C’est en cela qu’il est bel et bien surprenant finalement. Zéro sensationnalisme : les relations entre la mère et le fils, ou entre celui-ci et une nouvelle rencontre féminine (Emmanuelle Seigner) sont dévoilées sans hâte, par des séquences où la matière émotionnelle émane d’une observation des répétitions voire de l’immobilisme du quotidien. Si motif formel il y a, c’est assurément le plan-séquence, fixe ou lentement mobile, que Brizé manie admirablement. Il faut dire aussi que s’il peut se le permettre à un tel degré, c’est qu’il a comme matière le niveau de jeu adéquat. Non seulement Vincent Lindon est plus touchant qu’il ne l’a jamais été dans le registre taiseux qu’on lui connaît bien, mais il a face à lui une Hélène Vincent qui fait figure de révélation. Non pas qu’elle soit une inconnue, loin de là (on se souvient bien d’elle en marâtre bourgeoise dans La Vie est un long Fleuve tranquille de Chatiliez, 1987), mais elle éclate ici comme jamais. Chacun à sa manière joue sur les silences tendus qui suffisent, par de subtils jeux de regards voire même de simple respiration, à suggérer un bouillonnement intérieur. Tout juste les antécédents familiaux délicats sont-ils suggérés à quelques reprises. Le reste n’est que pure expérience d’accompagnement émotionnel patient et passionnant. On en ressort comme grandi.
– Gustave Shaïmi –

– Guillaume Gas –

– Guillaume Gas –


