Le 08 décembre dernier, France 3 consacrait sa fin de soirée à Georges Méliès, lequel « fêtait » ce jour-là ses 150 ans. Avant la projection évènementielle de son Voyage dans la lune, du fait d’une version colorisée et restaurée, la chaîne diffusait Le voyage extraordinaire, documentaire relatant notamment les moyens mis en œuvre pour aboutir au résultat enfin visible aujourd’hui. Réalisé par Serge Bromberg, déjà auteur de L’enfer d’Henri-Georges Clouzot, le film est construit en deux parties bien distinctes. Si la première constitue une parfaite entrée en matière pour qui connaît mal le génie que fut Méliès, elle s’avère finalement trop succincte pour passionner réellement. Reste quelques apartés bienvenus, lorsque le docu aborde le piratage sévissant déjà à l’époque ou le « suicide » commis par un grand nombre d’artistes lors de l’arrivée du cinéma parlant, ceux-ci jetant aux flammes un nombre incroyable de films aujourd’hui disparus.

En cela, Le voyage extraordinaire réussit presque à se montrer émouvant dans sa seconde partie : la mise en parallèle de la déliquescence d’un cinéma muet menacé par le temps, avec le miracle technologique ayant permis d’obtenir une copie numérique du Voyage dans la lune, laisse admiratif. Peut-être trop humble, Serge Bromberg fait en revanche preuve d’un académisme qui ne rend pas forcément hommage au travail effectué. Caractéristique qui plombait déjà sa première réalisation et qui s’avère ici dommageable compte tenu de l’aspect « extraordinaire » d’une telle entreprise. Par exemple, les deux époques concernées par le film résultent d’une démarche semblable : d’un côté, les nombreux trucages et effets spéciaux ayant abouti au chef-d’œuvre de Méliès et de l’autre, l’évolution d’une technologie permettant entre autres de reproduire à l’identique la peinture sur pellicules (un trucage numérique, fondamentalement), et de redonner vie à celui-ci. La structure narrative adoptée rend moins évidente cette similarité.

Reste que l’importance de l’aspect collaboratif n’est pas éludé, pas plus que celui, évidemment, du procédé global de restauration. Justice est rendue à la passion de ses instigateurs, lesquels durent en premier lieu s’occuper d’une bobine en piteux état avant d’attendre les huit ans qui les séparaient d’une possible restauration numérique. Le documentaire de Serge Bromberg est à découvrir dans les salles du réseau MK2, à partir du 14 décembre.
Mais le point d’orgue de cette sortie est bien sûr la vision du chef-d’œuvre de Méliès dans cette fameuse version en couleurs. Oubliez donc les versions en noir et blanc, aux images parfois manquantes et rongées par le temps. Sur une jolie partition du groupe Air, la redécouverte est totale. Le soin extrême apporté aux images leur redonne toute leur intégrité, pour un résultat assez ahurissant. Ne l’oublions pas, le film a été réalisé il y a près de 110 ans.


© 2011 Lobster Films–Fondation Groupama Gan–Fondation Technicolor

L’occasion de vous parler également d’un sublime coffret DVD édité chez StudioCanal qui, outre des courts-métrages inédits de Georges Méliès et autres joyeusetés, propose un livre de 120 pages (c’est même lui qui fait office de coffret) écrit par Julien Dupuy. On aura l’occasion de vous en reparler d’ici quelques temps, mais dites-vous bien qu’un ouvrage consacré à un précurseur du septième art, qui cite James Cameron, Hugo Cabret, Pandora, le cinéma virtuel et la performance capture dés les premières pages, ne peut être que résolument passionnant.



Guillaume Lasvigne

Aussi bien cinéphage que gamer invétéré, dans tous les cas gros consommateur d'images et constamment à la recherche des nouvelles expériences que celles-ci peuvent me faire vivre. Passionné d'animation et de RPG devant l'éternel, j'ai justement fondé Courte-Focale pour en parler. Pour le reste, il y a Twitter.

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