
– Matthieu Ruard –

– Matthieu Ruard –

– Guillaume Gas –

Etonnamment, Sinister entretient un certain nombre de rapports avec Insidious que ce soit dans sa forme (construction en quasi-huis clos pour satisfaire aux conditions budgétaires) et son fond (peinture d’une figure paternelle en complète déconnexion avec une famille qu’il doit protéger). A l’image d’un Wan se concentrant sur une exécution brillante de jump-scares éculés, Derrickson se penche sur une horreur primaire. Son cinémascope convoque régulièrement la peur de l’obscurité et les légions de bruits inquiétants d’invoquer l’angoisse face à l’inconnu. Des mécanismes simples et honnêtement exécutés. Mais le véritable intérêt de Sinister se trouve dans l’incarnation de sa menace. Emménageant dans une maison pour écrire sur le crime qui y fut commis, le héros découvre un lot de bobines super 8. Chaque film montre l’assassinat d’une famille et s’avère marqué par la présence d’un être démoniaque. Par là, Derrickson construit son récit sur une plaisante réflexion sur le pouvoir de l’image. Convoquant le spectre de Blow-Up, le metteur en scène dévoile un héros scrutant l’image et recherchant des indices en s’immisçant dans la moindre parcelle de celle-ci. La finalité diffère bien sûr du film de Michelangelo Antonioni. Par son argument fantastique, Sinister montre un héros qui finit par pénétrer au cœur même des images qu’il scrute. Il ne jouit plus de la sécurité du spectateur et son existence se calque petit à petit sur les motifs des snuff movies qu’il visionne. Derrickson construit cela par d’intéressantes touches donnant un semblant d’atmosphère dérangeante. Ce travail appliqué sur le rapport à son support, Derrickson prend même soin de l’utiliser pour construire son personnage principal lorsque celui-ci regarde d’anciennes vidéos d’interviews montrant la version idéalisée de lui-même.
Le revers de la médaille est qu’à force de jouer sur des peurs basiques, le film marque de sérieuses limites. Malgré ses efforts, Derrickson n’a pas le talent d’exécution de Wan. Il balance ainsi son lot d’effets banals plus ou moins agaçants (la bande-son agressive accompagnant chaque film super 8), construit parfois des scènes justes embarrassantes (Ethan Hawke déambulant dans sa maison entouré par des ch’tis enfants morts invisibles) et se permet des facilités aberrantes (le héros pointe un indice crucial sur l’accomplissement des meurtres et l’oublie complètement par la suite). Une batterie de casseroles qui vient nous rappeler le caractère voulu juste divertissant par la production. Au moins, cet objectif bêta est bien atteint.
– Matthieu Ruard –


