The Hole

REALISATION : Joe Dante
PRODUCTION : Bold Films, BenderSpink
AVEC : Chris Massoglia, Haley Bennett, Teri Polo, Nathan Gamble, Bruce Dern
SCENARIO : Mark L. Smith
PHOTOGRAPHIE : Theo van de Sande
MONTAGE : Marshall Harvey
BANDE ORIGINALE : Javier Navarrete
ORIGINE : Etats-Unis
GENRE : Fantastique, Horreur, Comédie
DATE DE SORTIE : 27 mars 2012
DUREE : 1h30
BANDE-ANNONCE

Synopsis : Quand Dane et son petit frère Lucas quittent New York pour suivre leur mère dans la petite ville de Bensonville, ils pensent que rien ne pourrait être pire. Mais tout va changer lorsque Lucas, en explorant les recoins de leur nouvelle maison, découvre dans la cave un mystérieux trou sous une trappe verrouillée. Alors qu’ils font différentes expériences pour savoir jusqu’où il va, ils s’aperçoivent avec effroi que le trou semble continuer sans fin. C’est le début d’une aventure qui va les obliger à affronter leurs peurs les plus enfouies.

Il aura donc fallu attendre près d’une décennie pour revoir le génial Joe Dante s’atteler de nouveau au format du long-métrage. Pire expérience professionnelle pour le réalisateur et cuisant échec commercial pour le studio, le pourtant brillant hommage à Chuck Jones que constitue Les Looney Tunes Passent A L’Action conduira à ce terrible constat. Malgré la peine inhérente à une telle mise à l’écart des majors, l’apitoiement ne sert à rien face à ce genre de cas de figure. Voir le papa des Gremlins se contenter de s’exprimer sur des formats courts (le film à sketchs Trapped Ashes) ou télévisuels (ses deux segments de l’anthologie Masters Of Horror, ses panouilles pour Les Experts et Hawaii 5-0) reste cela dit triste même si la qualité est souvent là. On peut donc se réjouir de la sortie de The Hole, surtout que l’objet a mis un certain temps avant d’être enfin accessible (par des moyens légaux cela s’entend). Il convient quand même de raison garder. The Hole doit moins se savourer comme un déchaîné hommage 80’s (ce qui serait fort réducteur) que comme l’expression d’un réalisateur qui s’est toujours concentré à concevoir des divertissements humbles, efficaces et inventifs. Quoique ce dernier point ne soit pas totalement rempli.

Dane, son frère Lucas et sa mère emménagent dans leur nouvelle maison. La cellule familiale semble être adepte des déménagements fréquents et les rapports entre les membres sont peu idylliques. Ces quelques aspects sont posés rapidement pour nous amener directement à l’élément du titre. Dans un coin de la cave, les rejetons découvrent en effet une mystérieuse trappe. Celle-ci donne sur un trou sans fond d’où sortiront d’inquiétantes créatures. S’il fallait résumer la principale déception du film, elle viendrait de cette menace censée s’extirper de la trappe. Chez Dante, il y a toujours eu cette excitation face à une accumulation d’idées piquantes. The Hole n’entretient guère cet aspect frénétique en se montrant très mesuré (voir bâillonné) dans ses effets. Malgré les années, Dante s’est probablement mal remis, justement, de la folie des Looney Tunes Passent A L’action. La débâcle de cette production venait justement de son trop plein d’idées et de possibilités. En ce sens, la mise en scène de Dante privilégie un travail de fond par lequel il construit une conception de l‘horreur assez alléchante.

Le concept du film n’est rien moins qu’une illustration littérale de Nietzsche : lorsque tu regardes l’abysse, l’abysse te scrute à ton tour. Dante établit clairement ce rapport étrange dès la découverte de la trappe. Avec ses champs/contrechamps et plongée/contre-plongée, on ne sait plus qui regarde qui. Est-ce que ce sont les personnages qui regardent les ténèbres impénétrables du trou ou sont-ce lesdits ténèbres qui les regardent ? Avec des compositions de plans vertigineuses (probablement renforcées par une 3D dont seules les personnes équipées pourront profiter dans nos contrées), Dante installe le trouble de manière brillante. Celui-ci culmine lorsque les personnages envoient une caméra au fond du trou. En visionnant la cassette, ils ne voient que des formes indistinctes. Alors qu’ils discutent avec leur mère en tournant le dos à l’écran, ils laissent courir l’enregistrement. Un œil apparaît alors dans le téléviseur donnant l’impression terrifiante que, sans s’en rendre compte, les personnages sont scrutés en permanence. La citation de Nietzsche ne s’arrête toutefois pas à un simple jeu de regards et se réapproprie l’idée que les ténèbres scrutent l’âme des héros. Lors de la découverte du trou, les personnages jettent différent objets dedans pour en jauger la profondeur (le pauvre Cartman sera même transformé en grand explorateur au destin tragique). Les actes anodins mais répétitifs donnent ce sentiment qu’ils nourrissent le trou. Ce qui se confirme par la suite lorsque le trou utilise leurs peurs pour les éliminer.

Cette expression des peurs intérieures permet ainsi d’approfondir la caractérisation des personnages et tout particulièrement de son héros. En dépit de l’emballage fantastique, ses névroses donnent au film un tour étonnamment sordide. En ce sens, Dante joue habilement sur le contexte de l’histoire. A l’instar de Steven Spielberg, Dante reconnaît cette même fascination pour l’univers de la banlieue. Les jolies maisons alignées, entourées par de non moins jolis ormes et clôtures blanches procurent un sentiment de paix et d’harmonie. Un lieu d’épanouissement parfait si la façade ne retenait pas de sombres secrets refoulés par peur de détruire cette impression de perfection. Lâchant ses créatures pour démolir ce pseudo-paradis (Gremlins, Small Soldiers) ou étudiant avec horreur et humour le fonctionnement de ce microcosme (le bien nommé Les Banlieusards), Dante a déjà pas mal brassé le sujet. Logiquement, l’idée d’un trou renfermant toutes nos peurs au sein d’une maison très proprette est du pain béni pour lui. L’évidence de la métaphore, le directeur de la photographie Theo Van De Sande la renforce en alternant une cave aux tons froids avec des extérieurs aux couleurs bien plus douces. Une mécanique classique mais fonctionnant correctement. L’importance de l’environnement prend son essor avec le dernier acte situé dans le monde par delà les ténèbres. Le héros se retrouve dans une réplique de son ancien domicile. En soit, il s’agit du même type de lieu conventionnel que la maison qu’il habite actuellement. Sauf que celui-ci étant le lieu de naissance de son trauma, il prend toute son allure inquiétante. Les meubles sont disproportionnés, l’architecture biscornue et donc sans repère viable. Le lieu traditionnellement sécuritaire apparaît ainsi dans ce qu’il a de monstrueux, à l’image d’un adversaire surdimensionné par rapport à la réalité. Tous ses choix esthétiques conjugués aboutissent à faire ressortir le parcours émotionnel du personnage.

De par ce travail d’exploration interne (et certaines connexions autobiographiques), The Hole est souvent considéré comme une des œuvres les plus personnelles de Joe Dante. Paradoxalement, il semble lui manquer une certaine confiance en soi. Aussi brillamment travaillé soit-il, le film manque de ce grain de folie qui a fait la saveur de son cinéma. Cela dit, ça ne l’empêche pas d’être très fréquentable.

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