Pretty Guardian Sailor Moon Eternal – Le Film : Sailor du doudou

REALISATION : Chiaki Kon
PRODUCTION : Toei Animation, Studio Deen
AVEC : Kotono Mitsuishi, Yukiyo Fujii, Misato Fukuen, Shizuka Ito, Hisako Kanemoto, Ami Koshimizu
SCENARIO : Kazuyuki Fudeyasu
CHARACTER DESIGN : Kazuko Tadano
BANDE ORIGINALE : Yasuharu Takanashi
ORIGINE : Japon
GENRE : Anime, Magical Girl, Action
DATE DE SORTIE : 03 juin 2021 sur Netflix
DUREE : 1h20 + 1h10
BANDE-ANNONCE

Synopsis : Lorsqu’une puissance obscure s’empare de la Terre après une éclipse solaire totale, les gardiennes Sailor doivent se réunir pour ramener la lumière sur le monde.

25 ans après la sortie de Sailor Moon Super S, le film, la célèbre franchise initiée par le manga de Naoko Takeuchi repasse par la case long-métrage. Le diptyque Sailor Moon Eternal nous arrive en France à la faveur d’une diffusion sur Netflix, quelques mois après son exploitation dans les salles japonaises.

Contrairement aux longs-métrages des années 90, Eternal ne raconte pas une histoire inédite mais adapte directement le quatrième arc du manga, celui du Dead Moon Circus. Les films sont ainsi une suite directe aux trois saisons de Sailor Moon Crystal – nouvelle adaptation obséquieuse et sans intérêt des aventures d’Usagi et sa bande, et c’est un peu comme si leur appréciation était courue d’avance. Encore une fois, les jeunes filles font face à une matriarche qui tente de réveiller une illustre entité démoniaque scellée on ne sait où, aidée par une sororité très très méchante mais pas-trop-quand-même-si-ça-se-trouve-elles-sont-manipulées. Toujours impuissantes jusqu’à l’obtention d’un power up sorti du sol ou aidées par le pouvoir de l’amitié ou de l’amour, elles vaincront l’ennemi et sauveront le monde de la destruction (de vitres).

Malgré l’espoir inassouvi de voir la franchise s’ouvrir à un plus large public que celui des adolescents et autres trentenaires nostalgiques, on peut difficilement en vouloir à Eternal de poursuivre la démarche de Crystal, à savoir celle d’adapter le plus religieusement du monde un manga vieux de trente ans en faisant fi de tout ce que le genre du magical girl a connu d’évolutions depuis lors. Les 39 épisodes de Sailor Moon Crystal ont déjà essuyé les plâtres de ce point de vue, au point de pouvoir être ressentie comme plus vieille encore que la série d’origine qui avait su transcender son matériau de base en sachant s’en écarter. Cette nouvelle itération reprend donc le manga à la lettre, évacue les moments d’anthologie imaginés par son aînée tout en rushant les événements : rien ne fonctionne, et seule la saison 3 parvient à faire exister un tant soit peu les personnages, en profitant notamment de son passage de l’ONA au format TV.
Visuellement, il y a un fossé entre les deux premiers arcs et le troisième : le storyboard est plus maîtrisé, l’animation plus appliquée et le rythme plus apaisé. A défaut de moderniser son récit, le passage au long-métrage allait donc peut-être permettre à Sailor Moon Eternal de (re)trouver son plein potentiel scénique.

Et globalement, les vieux de la vieille éprouveront un certain plaisir à voir l’un des univers ayant bercé leurs jeunes années mis en images avec un tel soin. Le travail sur les ombres et les textures est naturellement d’un tout autre niveau que la série, certains environnements urbains parviennent à faire oublier qu’aucun personnage ne les parcourent et les personnages gagnent en charisme au passage. D’un pur point de vue plastique, cette coproduction Toei et DEEN flatte la rétine en dépit de la dimension toujours anachronique de l’univers abordé et de comparaisons inévitables et peu flatteuses avec les standards du genre, les franchises Precure et Madoka en tête.

Au-delà même de son manque flagrant d’ambition à tous les niveaux (vous n’aurez même pas le plaisir de scènes de transformations réinventées), Sailor Moon Eternal pâtit surtout d’une structure ultra datée résultant du choix – commercial – d’une séparation en deux longs-métrages. Le premier d’entre eux a d’ailleurs tous les atours d’un film compilation : dès lors que l’une des Sailors bénéficie de sa propre séquence d’introspection, c’est toute la dimension ultra programmatique et paresseuse de l’anime qui nous revient. On comprend dès lors que le scénario abordera chacune des héroïnes à tour de rôle avec la volonté d’en explorer la psyché, ce qui n’aurait pas paru à ce point vain et rébarbatif si tout cela avait un réel impact sur le déroulement de l’histoire. Or, non seulement les minces problématiques de chacune sont résolues en deux minutes montre en main sans autre aboutissement narratif qu’un power up cosmétique, mais en plus sont-elles traitées sans la moindre idée de mise en scène en dépit des promesses d’un postulat basé sur les rêves des jeunes filles. Le meilleur exemple reste la séquence du palais des glaces, illustrée platement par la réalisatrice Chiaki Kon qui ne partage malheureusement que le patronyme d’un génie que l’on aurait rêvé voir s’emparer d’un tel passage.

Avant même toute autre considération, Sailor Moon Eternal a ceci d’handicapant que rien n’a d’impact sur rien, que tous les événements censés être marquants sont autant de compléments circonstanciels d’un récit qu’ils n’impactent jamais. Les malaises de Mamoru, les changements de corps d’Usagi et Chibi-usa, l’évasion des cauchemars, les rêves des Sailors, le motif du miroir… autant de thématiques à peine abordées quand elles ne sont pas purement et simplement oubliées. Même le premier quart d’heure inaugural de la deuxième partie promet aux Sailors externes une importance qu’elles n’auront jamais, elles aussi victimes collatérales de la scission en deux films et n’agissant que comme simple pay-off des dernières minutes du premier film.

Si le deuxième film s’en sort mieux, c’est d’abord grâce à une ambiance plus sombre et une action bien plus présente. Hélas, Eternal fait dans le magical girl à l’ancienne et pousse le mimétisme jusque dans sa gestion de l’action, ponctuée de stock-shots lors d’attaques n’ayant toujours pas le moindre impact, ou carrément même pas de destination ! Les affrontements restent cloisonnés dans des attaques à distance sans envergure, bancales dans leur gestion du découpage et du mouvement (sauts dont on ne voit pas la réception, coups spéciaux dont on se demande parfois le véritable effet), fondamentalement sans idée et pas aidées par une soupe musicale à mille lieues des compositions magistrales de Takanori Arisawa. Des tares dont avait su s’émanciper Kunihiko Ikuhara dans son adaptation du même arc il y a bientôt trente ans, en particulier par son approche iconique des enjeux et des forces en présence. Ici, lesdits enjeux ne sont qu’un décor (kitch), faute de dialectique avec le sort des héroïnes. Un choix qui n’aurait pas été déplaisant dans le cas d’une expérience sensorielle digne d’un Madoka Rebellion ou de la deuxième moitié de Dragon Ball Super : Broly, mais qui n’est ici que l’équivalent d’un épisode random de la série TV.

Vous l’aurez compris, en dehors des jeunes profanes ou des trentenaires/quadra à la nostalgie facile, Sailor Moon Eternal ne représente qu’un intérêt relatif, tel un doudou au charme suranné mais privé de l’odeur et de la texture de l’original. En même temps, ce n’est pas comme si nous n’avions pas été prévenus.

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