Les Mitchell contre les machines – Into the animationverse

REALISATION : Michael Rianda, Jeff Rowe
PRODUCTION : Sony Pictures Animation
AVEC : Abbi Jacobson, Danny McBride, Maya Rudolph, Eric André, Olivia Colman, Fred Armisen
SCENARIO : Michael Rianda, Jeff Rowe
PRODUCTION DESIGN : Lindsey Olivares
MONTAGE : Greg Levitan
BANDE ORIGINALE : Mark Mothersbaugh
ORIGINE : Etats-Unis
GENRE : Comédie, Science-fiction, Animation
DATE DE SORTIE : 30 avril 2021
DUREE : 1h54
BANDE-ANNONCE

Synopsis : Katie Michell, jeune fille passionnée à la créativité débordante, est acceptée dans l’université de ses rêves. Alors qu’elle avait prévu de prendre l’avion pour s’installer à l’université, son père Rick, grand amoureux de la nature, décide que toute la famille devrait l’accompagner en voiture pour faire un road- trip mémorable et profiter d’un moment tous ensemble. Linda, mère excessivement positive, Aaron, petit frère excentrique, et Monchi, carlin délicieusement joufflu, se joignent à Katie et Rick pour un ultime voyage en famille. Mais le programme des Mitchell est soudainement interrompu par une rébellion technologique : partout dans le monde, les appareils électroniques tant appréciés de tous – des téléphones aux appareils électroménagers, en passant par des robots personnels innovants – décident qu’il est temps de prendre le contrôle. Avec l’aide de deux robots dysfonctionnels, les Mitchell vont devoir surmonter leurs problèmes et travailler ensemble pour s’en sortir et sauver le monde !

On n’attendait pas vraiment du studio à l’origine du Monde secret des Emojis qu’il nous en livre un véritable négatif quelques années plus tard. Mais de l’eau a coulé sous les ponts, un certain Spiderman : New Generation et passé par là et avec lui la création d’outils transcendant les limites du medium animation. Les Mitchell contre les machines en est le prolongement visuel évident, véritable instantané de la culture Internet et de ses multiples formes d’expression, qu’il s’approprie et fusionne jusque dans ses limites même.

Et pourtant, on pouvait faire la moue passée une introduction façon « ça, c’est moi » et ce thème devenu caricatural d’un monde-ultra-connecté-où-les-gens-ne-se-parlent-plus-ma-bonne-dame. C’était sans compter sur le scénario de Michael Rianda et Jeff Rowe, tous deux venus de l’excellente série Gravity Falls, qui nuance très vite la responsabilité des outils numériques dans l’absence de communication de leurs utilisateurs. S’il n’écarte pas le caractère aliénant des technologies actuelles, le duo leur préfère leur dimension créative et leur façon de nous faire expérimenter le monde. Tout autant que la difficulté de communication entre un père et sa fille, c’est la façon dont chacun d’eux appréhende le réel qui sera au cœur des conflits. Les aventures des Mitchell – dernier rempart de l’humanité face à la rébellion des IA – seront ainsi rythmées par une opposition de points de vue qui finiront naturellement par fusionner, à l’image d’une réalisation mariant les influences de la manière la plus organique possible.

Telle Katie, jeune artiste en herbe qui bricole ses courts-métrages avec des bouts de ficelle et un chien à la tronche improbable, Les Mitchell contre les machines puise ainsi dans toute une grammaire visuelle pour nourrir sa propre identité. Et le champ est large : streaming, réseaux sociaux, filtres, mèmes, youtube poop, prises de vues réelles et autres artefacts qui transforment et dynamisent l’image, la mise en scène s’empare de tout un imaginaire avec la bonne idée de ne pas la limiter au coup de coude complice de celui qui sait. A l’image du gag du singe ou du cadre photo, le long-métrage n’hésite pas à puiser hors du langage exclusif de l’animation pour bâtir ses propres codes ; rythme ses séquences par une syntaxe référentielle accessible à tous et se faisant avant tout reflet de l’esprit créatif de Katie. On l’a dit, le film alterne les points de vue et l’une de ses qualités est d’offrir un contrepoint émouvant et a priori incompatible avec l’énergie de la jeune femme. Aux filtres de chat et autres citations de la pop culture, les scènes centrées sur le père répondent par la nostalgie d’une époque plus ou moins révolue matérialisée par les CD et les vieux films de famille. Les séquences se font plus posées, la photo plus naturelle. C’est au cœur de cette dialectique que Les Mitchell contre les machines se permet enfin de respirer, d’évoluer et trouve ses plus beaux moments.

Beau, le film l’est de toute façon assez clairement, à plus forte raison à l’aune d’une production design qui en prolonge visuellement les thèmes. On aurait adoré découvrir en salles ce récit à l’aspect artwork évident, où l’animation 2D se mêle harmonieusement aux images de synthèse, où les touches d’aquarelles côtoient les effets numériques, bref, où artisanat et technologie cohabitent pour mieux « révéler l’humanité des personnages », selon les propres mots du réalisateur.

A travers son esthétique globale – on vous recommande également l’interview de Lindsey Olivares, production designer du film – Les Mitchell contre les machines se fait donc l’étendard d’un imaginaire unificateur, indépendant du medium qui le façonne pour peu que chacun fasse un pas vers l’autre. Dans cette logique, l’antagoniste ne pouvait être qu’une IA pragmatique, insensible et rigide, un grand classique de la SF qui sert ici de révélateur au comportement, évidemment individualiste et caricatural, des humains qui l’exploitent quotidiennement. Pas très intéressant dans l’absolu, le personnage est quand même à l’origine de certains des meilleurs gags du film, en particulier lorsque lui et ses sbires s’amusent à imiter les humains, à les faire courser par une bande de Furbys vénères ou lorsque la sacrosainte reconnaissance faciale est court-circuitée par la tronche ahurie de Monchi, le parfait équivalent canin du poulet de Vaiana ! Ou quand le chara-design sert, aussi, à faire avancer le récit.

Faire avancer le récit, oui, et de quelle manière ! Guidés par leurs mentors Phil Lord et Chris Miller à la production, Rianda et Rowe injectent à leur réalisation l’énergie d’un Tempête de boulettes géantes où l’action débridée et l’humour imparable se succèdent ou s’allient jusqu’à l’excès. C’est là toute l’ironie d’un film aussi ancré dans son époque : à la manière de pléthore de youtubeurs qui tentent de capter votre attention à grand renfort de raccords dans l’axe, jump-cuts et autres vannes forcées toutes les vingt secondes, Les Mitchell contre les machines se révèle totalement hyperactif et a les défauts de ses qualités. A l’image d’un climax interminable versant dans la traditionnelle surenchère du film d’animation lambda, le long-métrage tend à se conformer à la norme qu’il abhorrait jusque-là (quitte à caractériser comme « weirdos » des personnages qui ne le sont pas vraiment). Pire, il touche en cela aux limites des contenus qui ont inspiré sa fabrication, à cette profusion d’informations visuelles et sonores qui attirent notre attention sur l’instant avant d’être oubliés dans la foulée du fait de l’absence de véritable accroche émotionnelle.

Pour autant, cette production Sony Pictures Animation ne saurait subir le même sort que les nombreux TikTok interchangeables que vous swipez à longueur de journée. S’il n’a pas la fraîcheur d’un Spiderman : New Generation ou ne bénéficie pas de son effet de surprise, Les Mitchell contre les machines a suffisamment de personnalité pour justifier deux nouvelles heures supplémentaires passées devant votre écran. Comme un symbole, c’est à découvrir sur Netflix !

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