Nimona et Deep Sea, deux films d’animation au rythme effréné

Le monde évolue de plus en plus rapidement, ce que le cinéma reflète. Aujourd’hui, il est devenu coutume de critiquer les films au rythme frénétique. Pourtant, il ne s’agit que d’un choix et il peut être fait à bon escient. Le festival d’Annecy le prouve avec deux films survoltés aux résultats opposés : Nimona (Netflix) et Deep Sea.

La production de Nimona, de Disney à Netflix

Nimona faisait clairement partie des séances les plus attendues du festival. Il faut dire que le film revient de loin. A l’origine, l’adaptation de la bande dessinée de N.D. Stevenson était une production Blue Sky. Le rachat de 20th Century par Disney en 2019 a conduit à la fermeture du studio alors que 75% du film était terminé. Après une période d’incertitude, c’est finalement le rapace Netflix qui récupéra le projet pour le finaliser. Avec un tel parcours, on ne s’étonne pas que le coréalisateur Nick Bruno se lance dans une grosse diatribe envers Disney en début de séance. A la vision du film, on ne peut qu’être heureux que Nimona ait finalement vu le jour. Sa réussite laisse toutefois un goût amer puisque le long-métrage aurait apporté à Blue Sky la réinvention que le studio recherchait depuis tant d’années.

Nimona, une adaptation réussie

De manière évidente, la réussite du film doit beaucoup à la patte de Stevenson et les amateurs de son excellent reboot de She-Ra seront aux anges. Comme cette dernière, Nimona conçoit l’inclusivité comme un outil narratif et non seulement stratégique, ce qui la distingue de bon nombre de productions actuelles. Les scénaristes réfléchissent intelligemment à la manière de représenter les minorités, leurs questionnements ne sont pas une façade mais un véritable appel à l’exploration identitaire (avec les possibilités dramaturgiques que cela implique). A l’instar de She-Ra, on retrouve donc dans Nimona un jeu brillant sur les clichés. Le film se construit entièrement sur la dynamique de son duo vedette, le chevalier déchu Ballister Boldheart et la transformiste Nimona. Le premier est accusé à tort d’assassinat et veut rétablir son honneur pour retrouver sa place dans l’ordre chevaleresque. La seconde est une acolyte imposée et totalement incontrôlable qui veut détruire ledit ordre. La relation est évidemment houleuse et nous offre son lot de pics comiques hilarants – mais le scénario n’oublie jamais d’injecter de l’épaisseur à cette relation.

Pour aller plus loin…

Les deux protagonistes sont définis comme ennemis du système mais la réalité est évidemment plus compliquée que cela. Si Boldheart veut restaurer la vérité, c’est parce qu’il croit aux valeurs que l’institution est censée représenter. Après tout, il est issu du peuple et ce sont ses convictions qui l’ont poussé à gravir les échelons. Ce rapport conflictuel est d’ailleurs mis en relief par sa relation amoureuse avec Ambrosius Goldenloin – le chevalier reste au service du système malgré ses sentiments. Au contact de Nimona, il doit comprendre que ses valeurs et l’application qu’en fait l’institution ne concordent pas. Une jolie illustration de cela tiendrait à la difficulté de Boldheart à accepter la nature transformiste de Nimona. Désarçonné par les métamorphoses de celle qu’il a appris à considérer comme un monstre, il doit finalement accepter que Nimona reste toujours elle-même quelle que soit sa forme. Il lui faut ouvrir ses perspectives pour devenir meilleur, là où l’institution n’est faite que de convictions conservatrices et sécuritaires. Et Nimona préfèrera toujours le mensonge plutôt que d’admettre une erreur, poussant les individus au renfermement et la paranoïa.

Nimona n’est certes pas parfait sur tous les points. Son style futuristico-médiéval est parfois désagréablement dépouillé, son rythme soutenu est parfois trop expéditif (l’introduction très verbeuse), certaines pointes d’humour débordent… Mais l’efficacité de l’œuvre demeure et toutes ses ruptures de ton n’omettent jamais les besoins de son histoire.

>> Nimona sera disponible à partir du 30 juin sur Netflix <<

Les promesses de Deep Sea…

Cette question de l’efficacité est beaucoup plus compliquée dans le cas de Deep Sea. Il faut dire que la bande-annonce ne nous a pas vraiment préparés à la réalité du film. Celle-ci promettait un conte merveilleux composé de somptueuses peintures animées. Oui, le film répond à notre attente quand l’héroïne est transportée dans un monde fantastique représenté par un restaurant maritime. Cependant, le long-métrage a également un autre versant : celui de la comédie hystérique. Cela s’incarne par le personnage du patron dudit restaurant. On a là la figure classique du charlatan qui manipule l’héroïne pour son profit avant de réaliser qu’il tient à elle. Sauf que sa représentation pousse très loin la caricature. Le bonhomme grimace, hurle et gesticule de sa première à sa dernière seconde à l’écran. Alors que le travail d’animation est techniquement impressionnant, nous avons du mal à en tirer du plaisir.

Succès formel, oui mais…

Si l’histoire reste classique avec son traumatisme à résoudre (les parents de l’héroïne sont séparés et elle est totalement délaissée), le traitement est particulièrement épuisant. A la manière d’un Zack Snyder, Xiaopeng Tian veut constamment en mettre plein la tronche au spectateur. Il ne permet aucune respiration à son récit qui doit constamment être dans l’ampleur. Il accumule les visuels barrés, les images surchargées et les mouvements de caméra sensationnels. Mais comme souvent dans ce genre de cas, cela finit par anesthésier le spectateur qui ne voit plus qu’une gigantesque cacophonie à l’écran. Les distributeurs du film ont averti en préambule que le film allait mettre à l’épreuve le spectateur. C’est bien peu dire face à une si assommante richesse esthétique. Puis il arrive cette fin qui tente de tout remettre en ordre. A la faveur d’une révélation, le film veut donner une perspective nouvelle à ce qu’on a vu. Son hystérie trouve un certain sens mais cela reste un peu tard pour justifier son si incontrôlable débordement créatif. On est d’autant moins indulgent que ce twist évoque un autre film autrement plus maitrisé. Finalement, on ne conseillera Deep Sea qu’aux amateurs de curiosité qui ont l’estomac bien accroché.

>> Sortie en salles le 21 décembre 2023 <<

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