Le 08 Août 2012… En Bref

Avec Stephen Frears, on est habitué à ce que l’intérêt que l’on peut porter à un film ne soit pas assujetti à l’intérêt que l’on peut porter au sujet. En choisissant des projets avec lesquels il se sent peu d’atomes crochus, le réalisateur des Liaisons Dangereuses s’est toujours forcé à comprendre en quoi ils étaient intéressants. Une démarche qu’il intègre à ses films, arrivant ainsi à susciter l’attention du spectateur le plus récalcitrant. Pas de panique aux premiers abords donc, de voir Frears se pencher sur l’univers des parieurs sportifs de Las Vegas. Ce monde a offert déjà son lot de divertissements dispensables à base d’arnaques et de miraculeux coups de chance. Pourtant, malgré la présence de Frears à la caméra, Lady Vegas ne fait aucunement la différence. Le cinéaste britannique se met en mode pilotage automatique, emballant son divertissement dans une timide forme télévisuelle. Inspiré d’une histoire vraie, le film pouvait bien prétendre à saisir avec justesse l’essence de la capitale mondiale du divertissement. A travers ses personnages, il dévoile en effet le fonctionnement d’un univers basé sur les notions de mises, de prises de risque et de bluff. C’est tout particulièrement le cas de l’héroïne Beth, ex-stripteaseuse de Floride partant trouver un peu d’excitation dans la ville du pêché. Tous ces éléments se retrouvent transmis par une mise en scène tellement inoffensive qu’elle annihile la moindre velléité. Ironiquement, dans la douceur estivale, cette frivolité n’est pas complètement détestable. Sans se montrer très impliqué, Frears manie toutefois l’art du spectacle avec le talent qu’on lui connaît. Bien rythmé, Lady Vegas se suit sans ennui par la parfaite maîtrise de ses artifices de comédie et de drame auquel s’ajoute la qualité de la direction d’acteurs. Cela n’empêchera certes pas le film de sombrer dans l’oubli à la fin de la projection mais l’office du bon moment est rempli.

Matthieu Ruard



Avouons-le : nous nous serions fait un plaisir de vous parler du postulat de départ de Sexy dance 4, voire même de ses enjeux. C’est en tout cas ce qui nous aurait tout de suite enthousiasmés si, soyons fous, ce nouvel opus s’était amusé à sortir des sentiers battus, souillés, atomisés du genre, pour l’emmener vers des territoires jusque là inexplorés. Ou tout du moins si peu aperçus dans le film de danse contemporain, là où un film tel que La fièvre du samedi soir, certes éloigné des codes actuels, aurait pu en inspirer plus d’un. Hélas, il n’est désormais plus question que de rabâcher une recette préexistante consistant à obéir à la règle, certes cohérente, selon laquelle le public ne vient dans les salles que dans la perspective de profiter de chorégraphies toujours plus impressionnantes. Il va pourtant de soi que cette logique est tributaire d’une suite de longs-métrages moins désireuses de raconter une histoire que d’en mettre plein la vue. En cela, les deux derniers Sexy dance s’étaient montrés sacrément intéressants dans le dépoussiérage effectué. Bien que pas plus intelligents que le tout-venant, ils étaient surtout mis en images par l’excellent Jon Chu, lequel s’était appliqué à mettre en valeur des numéros de danse toujours plus nombreux et spectaculaires qui reposaient avant tout sur l’inventivité des chorégraphies et le soin visuel apporté à celles-ci. La franchise était ainsi devenue la garante de productions de qualité sans la moindre concurrence. Hélas, Jon Chu est parti réaliser GI Joe : Conspiration – plutôt attendu pour le coup – et se voit remplacer par un jeune clippeur qui s’attaque ici à son second film. Une partie du problème est là.

Quelle que soit l’origine de cette décision, ce qui frappe d’emblée est la place accordée à la danse. Alors que l’on pestait encore il y a quelques mois devant un Streetdance 2 qui avait tout compris en lui faisant prendre une place réellement consistante dans sa narration mais pêchant par une mise en scène inadaptée, il semblait couler de source que l’on allait enfin tenir une sorte de film de danse ultime, cristallisant les volontés artistiques de la saga. Il n’en sera rien. Retour dans les années 2000, retour à l’amourette dont tout le monde se fiche, aux incohérences et conflits superficiels encadrant les désormais rares passages musicaux aptes à assurer la pérennité du genre. Une déception – toutes proportions gardées – si l’on considère qu’une nouvelle fois, le soin apporté aux chorégraphies assure le spectacle. Scott Speer n’a certes pas le talent d’un Jon Chu qui pensait judicieusement son découpage (il y a parfois autant de plans chez Speer que chez Chu pour une lisibilité, et par extension un sens du spectaculaire, nettement supérieure chez ce dernier), ou son inventivité. On regrettera parfois les jeux d’eaux ou de lasers de Sexy dance 3D, remplacés ici par de beaux mais rares effets de lumière. Dans Sexy dance 4, c’est l’essence même des flash mobs qui conditionne ce parti-pris : costumes et lieux de rassemblements constituent le cœur de la mise en scène de Speer, loin des aspects pyrotechniques plus à même d’être employés sur les battles des deux précédents films.

Reste que tout ceci aurait très bien pu se montrer moins frustrant. On parle tout de même de magnifiques séquences ayant à cœur de cumuler différents styles de danse tout en proposant une soundtrack ouvertement moins traditionnelle qu’à l’accoutumée. Le fait est qu’a contrario de l’ouverture du film, Scott Speer nous rappelle incessamment que dans « flash mob »… il y a « flash », oui. De quoi faire retomber l’enthousiasme eu égard aux bien trop courtes durées de moments qui se révèleront bien entendu être les meilleurs du métrage. Et qui ne font de ce Sexy dance 4 qu’une compilation de futures vidéos à ne voir nulle part ailleurs que sur Youtube.

Guillaume Lasvigne



Quatre ans après avoir scénarisé le très sympathique Une nuit à New-York, la scénariste Lorene Scafaria réalise ici son premier long, récit d’une romance improbable basée sur un postulat de SF. À la manière du Melancholia de Lars Von Trier, et la comparaison s’arrête là, la fin du monde annoncée ne sert une nouvelle fois que de toile de fond nécessaire à la réalisatrice pour tenter de s’émanciper des codes inhérents à ses thématiques. Il ne sera même pas question de dévoiler ne serait-ce qu’un photogramme de l’astéroïde annonçant la fin des temps. Reste que ce qui ne se révèle pas être le sujet du film en incarne au moins sa limite. La réussite de Jusqu’à ce que la fin du monde nous sépare reposait, à l’aune d’un passé révolu que les protagonistes principaux évoquent en permanence, sur la combinaison et la complémentarité de deux éléments qui ne fonctionnent jamais dans le cas présent.
Passée la volonté de chacun de contacter une dernière fois des êtres qui leurs sont proches, l’évolution du tandem interprété par Steve Carell et Keira Knightley s’appuie moins sur la peur de l’apocalypse que sur la nostalgie, voire la mélancolie dont elle est le corolaire. On attend là une identification dont l’émotion voulue par la réalisatrice ne saurait se passer, de même qu’une mise en scène apte à nous faire ressentir les états d’âme de personnages partagés entre amour et désillusion. Le premier point est cependant tué dans l’œuf dés les premières séquences fonctionnant sur un sens de l’absurde idéal comme ressort comique (le départ de la femme de Dodge, l’ex de Penny, le flic zélé…), moins quand il s’agit de suspendre l’incrédulité. Un cocktail qui se serait probablement révélé cohérent dans d’autres mains mais qui plombe ici tout attachement envers l’univers, et par extension ceux qui le peuplent. En outre, l’incapacité de Lorene Scafaria à traiter ses thématiques par l’image se montre très vite rédhibitoire, essentiellement lorsque celles-ci marquent une étape dans la relation du duo (la solitude de Dodge en fin de métrage…). En résulte un récit froid et très peu évocateur, dont le plus grand défaut demeure encore la distanciation qu’il impose. Et qui, pour un contexte de fin du monde, ne sonne pas qu’un peu hors-sujet. Même quand on ne désire pas dépasser l’ampleur d’un téléfilm.

Guillaume Lasvigne



Le moindre mérite du dernier film de Timur Bekmambetov (Wanted) est d’avoir un titre attisant un sentiment de curiosité (c’est du jamais vu, on peut le dire !) et de consternation (comment on a pu en arriver là ?). En bien ou en mal, c’est un appel clair et net pour constater la chose sur pièce. Qu’un tel sujet ait pu être validé par un studio et obtenir le coquet budget de soixante-dix millions de dollars (soit plus que Steven Spielberg pour son propre Lincoln) prend toutefois son sens lorsque le scénario commence à se dévoiler. C’est que le romancier/écrivain Seth Grahame-Smith (Dark Shadows) s’est montré plutôt malin dans sa manière de réinventer la vie du seizième président des Etats-Unis. En mêlant la biographie de l’homme avec le parcours d’un dézingueur de suceurs de sang, Grahame-Smith se permet des connections plutôt bienvenues et pertinentes (voir émouvantes par instants). Les notions de liberté et d’esclavage au cœur des discours du président trouvent en effet des résonances assez justes avec le parcours type du héros. Manque de pot, donc, que le projet soit tombé dans les mains de ce grand malade de Bekmambetov. Double manque de pot que le cinéaste ait décidé pour l’occasion de freiner sur la vodka et de se montrer un peu plus respectable. A l’exception de l’ahurissant climax ferroviaire, Abraham Lincoln : Chasseur De Vampires ne propose plus les énormes scènes d’actions aux effets excessivement outranciers qui ont fait la gloire du russe fou. Une modération assez incompréhensible, surtout que cela ne change pas grand chose à ses manières. Le bonhomme tourne son film de manière tout aussi inepte qu’auparavant et ne fait toujours preuve d’aucun sens du rythme. Gâchis, vous avez dis gâchis ? A la lumière du potentiel que révèle l’écriture de Grahame-Smith, étonnamment oui, il y a eu gâchis.

Matthieu Ruard

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