Pirates Des Caraïbes – La Fontaine De Jouvence

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Passé le succès d’un premier opus qui, contrairement à ce que beaucoup semblent penser, était destiné à devenir une franchise (son sous-titre, La malédiction du Black Pearl, laissait clairement à songer que les personnages avaient d’autres aventures à vivre), on ne peut pas dire que les deux épisodes qui lui succédèrent firent honneur à une saga qui débutait de façon réellement plaisante. Toujours plus de personnages, toujours plus de cabotinage, toujours plus d’action et toujours plus de gags débiles pour une cohérence interne oubliée avec le temps : Pirates des Caraïbes 2 et (surtout le) 3 se noyaient dans le formatage le plus indigeste et la surenchère la plus crasse. Aussi serait-il inutile de revenir sur les raisons qui poussaient à considérer ce quatrième opus comme un non-évènement absolu, tant les intentions et déclarations de Bruckheimer et consorts se voyaient matinées d’une hypocrisie à peine masquée. L’ambition des scénaristes de retourner aux sources de la première trilogie tout en gommant les erreurs du passé ne pouvait convaincre, en raison de la nature opportuniste du projet, tout comme l’arrivée d’un Rob Marshall plus habitué aux comédies musicales qu’aux blockbusters estivaux n’était pas pour enthousiasmer outre mesure. Et si l’on appréciera au final le relatif respect des promesses liées au scénario, on se lasse encore devant l’absence totale d’envergure de La fontaine de Jouvence, calque de La malédiction du Black Pearl sans l’ironie et le sentiment de nouveauté qui firent son succès.

À vrai dire, la volonté de revenir aux bases de la saga ne pouvait se défaire d’un certain souhait de réhabilitation. Car malgré le triomphe commercial de la trilogie, celle-ci se terminait sur des chiffres sensiblement en deçà de ceux du Secret du coffre maudit et d’échos visiblement peu élogieux du public si l’on considère l’orientation donnée à La fontaine de Jouvence. C’est à peine si l’on peut situer temporellement le long-métrage par rapport aux trois premiers. À l’exception du personnage de Barbossa (lequel est passé de pirate à corsaire) et de quelques détails mineurs, l’intrigue aurait très bien pu être celle du premier film : peu ou pas de mention de faits autrefois accomplis ou de personnages désormais absents (tels que ceux incarnés par Orlando Bloom et Keira Knightley), tout concourt à donner à la saga un semblant de redécouverte, presque de reboot. La structure est d’ailleurs identique à celle de La malédiction du Black Pearl, de la séquence introductive annonçant l’objet de la quête à venir au duel final, en passant par des scènes d’action placées au même moment et se déroulant de la même façon. De même, l’apparition de nouveaux personnages et attributs renvoie aux mêmes archétypes, comprenant ennemi juré, couple impossible ou malédiction. En cherchant à limiter le nombre de protagonistes et à simplifier ses enjeux, La fontaine de Jouvence retrouve par ailleurs l’épure disparue de ses deux prédécesseurs et fait montre d’une envie presque louable de réemployer les ingrédients qui avaient fait la popularité de Pirates des Caraïbes en 2003.

Il s’agit ici de s’assurer de la pérennité de la saga en offrant aux spectateurs ce qu’ils attendent, à travers ce qu’ils ont aimé, tout en les rassurant sur ce qu’ils seraient amenés à voir dans le futur. Mais si l’on aurait pardonné la redite dans le cas d’une œuvre élaborée avec talent et sincérité, on ne peut malheureusement pas s’en satisfaire dans le cas présent. Car sous couvert du retour aux sources clamé ici et là, La fontaine de Jouvence n’est évidemment qu’une version appauvrie du film qu’elle reproduit de bout en bout, non pas tant dans le sentiment permanent de déjà-vu que dans l’omission de détails qui rendaient celui-ci attachant. L’ironie certaine dont faisait preuve le scénario est ici absente jusqu’à la dernière séquence, à cheval entre cynisme et autodérision. Celle-ci allait souvent de pair avec les répliques d’un Jack Sparrow très vite devenu culte, malmené par la suite dans des comportements outranciers et un humour éculé, et aujourd’hui bizarrement tout en retenue. C’est simple, le saga adopte un ton qu’on ne lui connaissait pas, le film délaissant (momentanément ?) blagues de récré propres aux épisodes 2 et 3, mais aussi les punchlines un temps hilarantes du premier opus ! La fontaine de Jouvence se prend au sérieux et limite grandement le terrain de jeu d’un Johnny Depp visiblement bridé pour la première fois dans le costume de son personnage. Ses mimiques se font moins nombreuses, les dialogues des seconds couteaux moins incisifs, les situations moins enjouées.

Vous l’aurez compris, ce Pirates des Caraïbes là n’est pas drôle et ne semble que trop rarement chercher à l’être. Un comble pour le spectateur venu tenter sa chance pour au moins rigoler un peu. Fatalement, ce qui entoure cette prise de risques est au diapason. Chaque séquence du film, à l’exception de rebondissements forcés (la nature de la relation entre Barbe-noire et Angelica) ou de passages étirés (cinq minutes pour que Sparrow saute d’une falaise pendant lesquelles il ne se passe rien d’utile à la narration), s’inscrit dans cette logique de nuance, d’ambition restreinte au mépris du bon sens. Timoré au possible, La fontaine de Jouvence se repose sur des acquis narratifs que son réalisateur ne parvient sans surprise pas à sublimer. Embourbé dans un héritage qu’il ne viole jamais (si tant est qu’il ait eu l’occasion de le faire), Rob Marshall se contente d’emballer des séquences propres sur elles, au moins lisibles dans l’action à défaut d’être spectaculaires ou inventives (on sauvera peut-être l’attaque des sirènes), posées et sans dynamisme le reste du temps, sans même essayer de profiter du potentiel de la 3d en dehors de quelques scènes d’intérieur. Inutile de préciser que vous ne redécouvrirez pas non plus les Caraïbes, toujours photographiées par un Darius Wolski persuadé que l’histoire prend place en plein hiver breton. Bref, c’est encore d’une laideur pas possible, mais d’une laideur cohérente cette fois, du moins en accord avec le ton du métrage. Sans envergure et sans idées.


Réalisation : Rob Marshall
Scénario : Jay Wolpert, Terry Rossio, Ted Elliott et Stuart Beattie
Production : Jerry Bruckheimer
Bande originale : Hans Zimmer
Photographie : Dariusz Wolski
Montage : Michael Kahn
Origine : USA
Titre original : Pirates of the Carribean : On strangers tides
Date de sortie 18 mai 2011
NOTE : 2/6

1 Comment

  • Que-du-frisson2 Says

    Je suis bien déçu par ce film. S'il n'est pas aussi mauvais que le troisième qui m'avait tué sur place, Pirates 4 est une déception. Rarement drôle, finalement peu riche en action et doté d'un scénario certes moins compliqué mais trop linéaire et prévisible, Pirates 4 est un blockbuster de plus avec ses qualités et ses nombreux défauts. Seule la scène avec les sirènes m'a réellement plu, et j'aurais aimé que chaque scène d'action soit de cette acabit. Mais ça reste divertissement, malgré la 3D, aussi inutile que ratée.

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