Oslo, 31 Août

Joachim Trier est bien un parent de Lars Von Trier. Sauf que son oncle a décidé, dans l’un de ces instants de folie dont il a le secret, de rajouter un « Von » à son nom. Que cela rende la parenté moins évidente était plutôt à l’avantage de Joachim lors du dernier Festival de Cannes, lorsque Lars, tout en présentant l’un de ses plus beaux films en compétition, s’est débrouillé pour être déclaré « persona non grata » par un conseil d’administration extraordinaire. A lui, au moins – et contrairement aux actrices de Melancholia -, on n’est pas trop venu demander ce qu’il pensait des propos maladroits du cinéaste danois. Quoi qu’il en soit, les deux réalisateurs ne travaillent même pas dans le même pays, Joachim étant certes né à Copenhague mais vivant en Norvège depuis longtemps. Et leurs styles respectifs diffèrent tout autant. De fait, à côté de la stylisation monumentale des derniers opus d’Oncle Lars, la mise en scène de Joachim Trier peut paraître au premier abord sans grande originalité, correspondant simplement aux « canons » que l’on associe traditionnellement à un certain cinéma d’auteur européen, peu vu du grand public. Pour autant, la compréhension de son sens ne sera qu’affaire de patience… Pour son second long-métrage, le jeune cinéaste adapte le roman de Pierre Drieu La Rochelle, « Le Feu Follet » (1931), que Louis Malle avait déjà porté à l’écran en 1963, offrant alors son plus beau rôle à Maurice Ronet. L’histoire est celle, pseudo-autobiographique (Drieu La Rochelle a fait dès son jeune âge plusieurs tentatives de suicide), d’un ex-toxicomane venant tout juste de terminer une cure de désintoxication et qui éprouve un profond dégoût face à la vie qui ne lui procure aucun des plaisirs d’antan.

Tandis que Malle faisait du personnage un alcoolique et transposait plusieurs éléments des années 1920 aux années 1960, Trier revient à davantage de littéralité : Anders est donc bien un toxicomane, que son programme de réhabilitation à la campagne autorise à aller en ville passer un entretien d’embauche. Mais il profite de l’occasion pour rester en ville, flâner et y rendre visite à des gens qu’il n’a pas vus depuis longtemps… Avant même de nous montrer une premier tentative de suicide du personnage au petit matin, le film s’ouvre sur des images d’Olso qui semblent extraites d’archives personnelles d’habitants choisis au hasard : de nombreuses voix-off livrent en quelques mots un souvenir, une impression qu’elles ont chacune de la capitale norvégienne. La ville figure même dans le titre, pas seulement comme lieu qui, couplé avec la date où se déroule l’action, indiquerait les circonstances d’un drame, mais presque comme personnage à part entière. La ville, avec son fjord, entourée de colines verdoyantes, s’impose à chaque instant comme le cadre idéal d’un nouveau départ, ne paraît que multiplier les appels au bonheur, les promesses de rédemption. Lors d’une belle séquence en suspens où Anders est assis à la terrasse d’un café, la caméra montre tour à tour toutes les personnes qui se trouvent aux tables proches de la sienne, s’attarde sur leurs visages qui ont tous quelque chose de beaux, dont on espère qu’ils dégageront suffisamment de bien-être pour redonner foi en la vie au personnage central. Même la mise en scène paraît « sourire » au personnage en l’enveloppant d’une clarté potentiellement salvatrice.

Mais, de fait, le réalisateur, aidé de son remarquable interprète Anders Danielsen Lie, sait également faire sentir le mal-être malgré tout persistant de son personnage. Il irait parfois même jusqu’à susciter l’empathie avec ce désespoir : il lui suffit d’insister par l’échelle ou la durée d’un plan sur le visage d’un interlocuteur d’Anders pour que, comme celui-ci, on y perçoive une hypocrisie, une fausseté des expressions. A tel point que, heure après heure du jour, de déception en déception, tout finit par paraître vain, factice. Peut-être le cinéaste insiste-t-il trop lourdement en multipliant les seconds rôles eux-mêmes déboussolés. Toujours est-il que la forme globale qu’il donne au film sait être profondément et admirablement dialectique, autrement dit capable de passer d’un point de vue transcendant à un point de vue immanent qui épouse celui du personnage. En dépit de ces passages d’un point de vue à l’autre (ou peut-être en sont-ils la cause ?), un mystère demeure. Celui d’une intériorité, d’un esprit blessé. Il y a bien ce passage où Anders se souvient en voix-off de son enfanc

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