La planète des singes – L’affrontement

REALISATION : Matt Reeves
PRODUCTION : Chernin Entertainment
AVEC : Andy Serkis, Gary Oldman, Keri Russell
SCENARIO : Mark Bomback, Rick Jaffa, Amanda Silver
PHOTOGRAPHIE : Michael Seresin
MONTAGE : William Hoy, Stan Salfas
BANDE ORIGINALE : Michael Giacchino
ORIGINE : Etats-Unis
GENRE : Science-fiction
DATE DE SORTIE : 30 juillet 2014
DUREE : 2h10
BANDE-ANNONCE

Synopsis : Une nation de plus en plus nombreuse de singes évolués, dirigée par César, est menacée par un groupe d’humains qui a survécu au virus dévastateur qui s’est répandu dix ans plus tôt. Ils parviennent à une trêve fragile, mais de courte durée : les deux camps sont sur le point de se livrer une guerre qui décidera de l’espèce dominante sur Terre.

La Planète Des Singes : Les Origines avait créé une certaine surprise il y a trois ans. Certes gangréné par une psychologie simpliste (à l’exception de son personnage principal) et d’incohérences assez embarrassantes, ce reboot écartait le sinistre souvenir du remake. La réussite tenait essentiellement à la capacité d’avoir su regrouper et surtout motiver différentes forces autour du projet. C’est la même énergie salvatrice qui avait fait du chef-d’œuvre de Franklin J. Schaffner ce qu’il est. Elle aboutissait ici à la création d’un divertissement attrayant sans être idiot. On n’attendait pas forcément autant de cette entreprise gouvernée par son couple de producteurs-scénaristes. Ayant eux-mêmes proposés à la Fox le concept du reboot, Rick Jaffa et Amanda Silver se posent comme les véritables gouverneurs de la franchise réinventée. L’exploration des bonus du blu-ray sera révélatrice de cela. Alors que le réalisateur Rupert Wyatt ne semble pas avoir grand chose à apporter, Jaffa et Silver se montrent quasi-omniprésents.

En soit, cette implication extrême met en évidence la limite du nouveau départ de la franchise. Par cette double casquette, Jaffa et Silver se soumettent à une double obligation : faire le meilleur film possible tout en assurant son potentiel commercial. L’affrontement comme Les Origines a ainsi un parfum un peu trop identifiable de diplomatie. Tout se construit sur un perpétuel jeu de négociations (pratiquement chaque séquence de Les Origines a connu des coupes, des remaniements ou des versions alternatives), ce qui en soit n’aurait rien de problématique s’il ne se montrait pas si apparent. Les deux films semblent suivre un chemin sécurisé duquel ils ne doivent guère s’écarter. Il y a une tendance à la standardisation dès qu’un risque devient trop prégnant. Paradoxalement, ce défaut permet de rendre plus palpable la qualité du travail accomplit par l’équipe. Bien que devant s’exprimer au sein d’un terreau délimité, chacun exploitera la marge de manœuvre à disposition pour apporter les idées qui vont faire la différence.

L’affrontement débute là où Les Origines se clôturait avec cette mappemonde présentant la prolifération de l’épidémie jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’une poignée de survivants. Pourtant, ça n’est pas sur les humains mais sur les singes que le film choisit de débuter. En faisant du singe César son personnage principal, Les Origines avait recentré les enjeux de la franchise autour du concept d’évolution et le principe de survie par l’adaptation. L’affrontement dépeint donc pertinemment la création de la société simiesque par une approche préhistorique. En ce sens, le réalisateur Matt Reeves a eu une excellente initiative en réclamant à ce que le tournage se passe au maximum en extérieurs. Resituer les personnages au sein d’une nature brute apporte un sentiment de réalisme et celui-ci renforce l’impression d’une espèce ayant su s’adapter à son environnement. Il se crée une sorte de fascination primaire pour l’organisation des singes. Tels les hommes des cavernes en leurs temps, ils ont su extraire de la nature des moyens rudimentaires mais performants pour organiser leur survie. Cela fonctionne d’autant plus par rapport au contrepoint offert par la société humaine. L’ambiance y est au contraire post-apocalyptique. Les hommes ne cherchent pas la survie par la création d’un nouvel ordre comme chez les singes. En effet, il n’est pas question de s’adapter à la situation mais de restaurer les privilèges perdus. En l’occurrence, l’intrigue entourant la partie humaine a pour enjeu la remise en marche de la production d’électricité. Bien sûr, la vraie clé de la survie ne pourra passer que par la conciliation avec la nouvelle espèce dominante.

Alors que Les Origines s’était éloigné de La Conquête De La Planète Des Singes avec lequel il partage des points communs, L’affrontement masque moins qu’il est une relecture de La Bataille De La Planète Des Singes. Il n’y a là pas de reproche à formuler, le long-métrage de J. Lee Thompson étant probablement le plus mauvais de la franchise (exception faite du remake signé par Tim Burton). On admettra même de la sympathie pour une entreprise qui vise à corriger ce ratage antérieur et offrir le traitement approprié à cette histoire. Baignant dans une ambiance bon enfant, La Bataille De La Planète Des Singes se complaisait dans la naïveté et évitait d’aborder son sujet de manière trop profonde ou sombre (toutes les mentions à la bombe nucléaire du Secret De La Planète Des Singes ont été supprimées au montage). L’affrontement reprend ainsi les mêmes thèmes avec ses intrigues politiques inhérentes à une coexistence homme/singe à la réflexion sur la fonction d’espèce dominante. Sauf que cette fois-ci, ils sont élaborés de manière sérieuse et convaincante. Comme sur Les Origines, cette construction fonctionne en se liant intimement au parcours de César (Andy Serkis toujours aussi formidable). Assurant son rôle de leader, il pense pouvoir assurer un avenir utopiste pour son peuple. Mais les enjeux et les responsabilités le conduiront à comprendre que certaines faiblesses ne sont pas juste réservées à la nature humaine (il se permet un geste dans le climax auquel il s’était refusé à la fin de Les Origines).

L’affrontement est donc bien la prolongation directe du précédent épisode, ce qui rend prévisible la reproduction des mêmes défauts. On s’interrogera longuement sur certaines incohérences assez stupéfiantes (les deux gardiens ne prévenant personne qu’un singe se ballade du côté de l’armurerie) et une psychologie en demi-teinte. Il faut bien accorder au film le fait de ne pas tomber dans la pure caricature. Il fait en sorte que les protagonistes ressemblent à de véritables individus. Il n’y a qu’à prendre le personnage de Dreyfus incarné par Gary Oldman. Il aurait pu facilement être dépeint comme le commandant va-t-en-guerre prêt à tout pour exterminer les singes prétendument responsable de tous ses malheurs. Au contraire, le scénario tend à la caractériser comme un chef réfléchit, attentif à toutes opinions et ne négligeant aucune option pour le bien-être de la population. Pour autant, le scénario n’hésitera pas à le faire disparaître au gré d’un revirement fanatique. Le rebondissement est tellement impromptu que même les personnages secondaires se demandent ce qui lui est passé par la tête. C’est un drame qui touche à peu près tous les protagonistes, souvent construit avec justesse avant d’être amenés vers des situations clichées. C’est là que s’expriment les limites exposées plus haut. L’affrontement est comme une belle plante cultivée dans un pot en verre et réclamant désespérément de l’espace pour s’épanouir.

Le visuel est logiquement soumis aux mêmes contraintes. Matt Reeves démontre pourtant à de multiples reprises sa maîtrise en la matière. Le tournage majoritairement en extérieur en est la preuve. Il s’agit là bien d’un choix pensé au regard des besoin de la narration et non pas juste d’une pose vis-à-vis des diaboliques CGI qui envahissent tous. En ce sens, le cinéaste montre une confiance exemplaire dans le potentiel de la performance capture. Il faut dire que celle-ci approche de plus en plus de la perfection. Le plan d’ouverture et de clôture balaie d’ailleurs avec force les critiques faites du temps des expérimentations de Robert Zemeckis sur les yeux sans vie de ses personnages. A tout ceci, il rajoute d’ingénieuses idées de plan : l’attaque filmée en accompagnant le mouvement circulaire de la tourelle (traduisant là le sentiment d’une évolution mais qui revient toujours à son point de départ), l’ultime échange entre homme et singe résumant le destin de chacun (les ténèbres pour l’un et l’aube pour l’autre), l’iconisation finale dont la structure pyramidale renvoie aux œuvres de Frazetta…

Autant de détails qui mettent du baume au cœur alors que la mise en scène dans son ensemble ne semble guère respirer. On pourra parler de formatage vis-à-vis d’un découpage n’allant jamais au bout de ses capacités et suivant sagement les recommandations fixées par le scénario. Là où le découpage doit ouvrir des verrous de compréhension supplémentaire, il les laisse ici clos. L’affrontement souffre quelque peu de ne fonctionner que sous l’angle de l’efficacité et de ne pouvoir passer plus de chose en sous-main. Prenons l’une des meilleures idées du film consistant à minimiser les dialogues entre les singes (encore une parfaite manière de transmettre le sentiment d’assister à la naissance d’une nouvelle ère). Lorsqu’il s’agit de savoir s’ils doivent s’exprimer par le langage des signes ou la parole, la solution est trop souvent recherchée sous l’angle du sensationnalisme. Qu’est-ce qui aura le plus d’impact immédiat chez le spectateur ? Qu’est-ce qui surlignera le mieux l’importance de l’information délivrée ? Le choix se repose sur des arguments basiques alors que la transition entre les deux méthodes pouvait devenir le moyen de signifier comment les singes évoluent jusqu’à reproduire les erreurs de leurs prédécesseurs.

L’affrontement laisse donc un sentiment d’inachevé. Le regret ne doit toutefois pas totalement noircir le tableau d’un divertissement parsemé de miraculeux efforts et de beaux moments d’inspiration.

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