Colorful

REALISATION : Keiichi Hara
PRODUCTION : Sunrise, Aniplex, Dentsu, Sony Music Entertainment, Toho Company Ltd.
AVEC : Kazato Tomizawa, Aoi Miyazaki, Akina Minami
SCENARIO : Miho Maruo
PHOTOGRAPHIE : Koichi Yanai
MONTAGE : Toshihiko Kojimaa
BANDE ORIGINALE : Kow Otani
TITRE ORIGINAL : Karafuru
ORIGINE : Japon
GENRE : Drame, Animation, Anime, Fantastique
ANNEE DE SORTIE : 16 novembre 2011
DUREE : 2h06
BANDE-ANNONCE

Synopsis : Un esprit gagne une deuxième chance de vivre à condition d’apprendre de ses erreurs. Il renait dans le corps de Makoto, un élève de 3ème qui vient de mettre fin à ses jours. L’esprit doit endurer la vie quotidienne de cet adolescent mal dans sa peau. Avançant à tâtons, s’efforçant de ne pas reproduire les fautes de Makoto, il va finalement découvrir une vérité qui va bouleverser son existence.

Parce que son Été avec Coo était l’une des plus belles surprises animées de 2008, il semblait tout naturel de guetter la sortie du dernier film de Keiichi Hara dans les salles françaises. Grâce à lui seul, le réalisateur de Colorful dévoilait en effet une riche personnalité artistique sans doute héritée de ses précédents longs-métrages mais que ceux-ci, du fait de leur appartenance à un univers préexistant, n’avaient sans doute pas permis de concrétiser. On s’était ainsi retrouvé, de façon totalement inattendue, face à une œuvre certes inégale en termes de fabrication mais à la capacité d’émerveillement au moins aussi forte que la facilité qu’elle avait d’émouvoir. De fait, c’est avec impatience que l’on attendait le dernier projet en date du cinéaste, lequel présente un postulat de départ à forte connotation fantastique, un registre que Keiichi Hara s’était brillamment approprié dans Un été avec Coo. Mais à la fois comme et contrairement à ce dernier, Colorful ne s’en sert que comme d’une toile de fond nécessaire à l’évolution de ses personnages, tout en lui substituant un point de vue plus réaliste à mesure que se construit le récit. En ce sens, de quoi prendre nos attentes à revers sans renier la cohérence permise par les codes investis (le fantastique, source d’avancée). S’il déçoit à peine par excès de didactisme, Colorful réussit en revanche, sans surprise, à toucher en plein cœur.

Peut-être plus encore que dans son précédent film, Keiichi Hara fait mine de se confronter à une multitude de sujets. Mais pas plus qu’Un été avec Coo ne parle explicitement de deuil ou d’amitié, Colorful n’est pas un film sur le suicide ou la prostitution. Parce que ces notions font partie d’un tout complexe propre au Japon contemporain, le réalisateur ne les aborde que dans une logique de traitement thématique plus ambitieux. Il est avant tout question de nature humaine, laquelle ne peut se définir de façon succincte, se présenter partiellement au gré de quelques éléments qui en font l’essence. La réussite de Colorful tient ainsi dans sa conscience de l’immense champ de réflexions qu’un tel sujet implique. En élaborant un projet de mise en scène axé sur la notion de point de vue, Keiichi Hara offre ampleur et résonnance à des questions auxquelles il ne se confronte pas à proprement parler. Difficile d’être plus claire que la séquence introduisant le film, vue subjective d’une âme à laquelle on donne une opportunité de renaissance dans le corps d’un adolescent qui vient de se suicider. Un esprit vierge, dans la mesure ou celui-ci ne connaît rien ou presque du corps et de la famille qu’il intègre. Mort après avoir commis un acte qu’il ignore, le voilà autorisé à se reconstruire une identité, à redémarrer une vie tout en prenant en compte les éléments portés à sa connaissance. Seulement, il lui faudra voir cela comme une chance, non comme une fatalité.

Et cela, il n’y parviendra qu’après avoir dépassé le stade des apparences auxquelles il fait face. Formellement, Colorful se prête à ce petit jeu en multipliant les partis-pris visant à faire ressentir cette frontière et son dépassement. S’il se révèle en cela parfois déstabilisant (le comportement de l’étudiante à lunettes, à l’attitude maniérée réellement crispante, est exagéré afin que le spectateur partage le ressenti de Makoto), le spleen ou la poésie qui s’en dégagent se veulent clairement porteurs de sens à l’aune du propos véhiculé. Les couleurs froides des extérieurs, la représentation des humains dans les limbes ou l’amour porté à des gestes du quotidien (dans le cas de la mère) participent de ce partage des perceptions. Celles dont l’esprit devra prendre conscience. À commencer par la sienne, lui qui se plaint de voir agir une personne en fonction du regard des autres quand lui-même passe son temps à juger autrui sur leurs faits et gestes. Arrivé au sein d’une cellule familiale en pleine crise existentielle (une mère dépressive, un père pris par un emploi qu’il n’aime pas, un frère obsédé par ses seules études), c’est en comprenant la source d’un tel malaise, à savoir l’absence de communication (entre autres, celle qui aura poussé la mère à se gaver de comprimés), que Makoto pourra redonner des couleurs au quotidien. En cela, que beaucoup de scènes prennent place dans la cuisine n’a rien d’un hasard. Au-delà de cette succession de différents regards (ou plutôt de leur prise en compte progressive, le film se déroulant de l’unique point de vue de l’adolescent), Hara possède le talent de raconter son histoire par l’image, ce qui rend inévitablement superflus certains dialogues qui, sans être des digressions pour autant, n’étayent pas grand-chose que l’on n’avait déjà ressenti (l’aparté dialogué sur le vol des baskets de Makoto, une conversation entre le jeune garçon et Hiroka…). Mais à un tel stade de beauté, d’émotions et de limpidité, il ne s’agit là, vraiment, que de pinailler…

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