[EN BREF] Le Pouvoir

Qu’attendre d’un film comme Le Pouvoir ? Pas vraiment de sensationnel possible puisque les prises de vue ont cessé bien avant le premier gros choc du quinquennat de François Hollande, l’affaire Cahuzac. « Vous n’avez jamais été aussi près » annonce l’affiche : eh bien soit, rapprochons-nous encore un peu plus qu’on ne le faisait déjà au côté des envoyés des JT le 6 mai 2012. Souvenez-vous : le vide de l’attente des résultats était compensé tant bien que mal, tout au long de la soirée, par des plans sur l’entrebâillement d’une porte laissant entrevoir un bras du futur Président (cela suffisait à alimenter tout un tas de suppositions sur son état du moment!). Ce que Patrick Rotman a à proposer ici, ce sont au moins des plans un peu plus clairs, plus « privilégiés » que ceux que les télévisions nous donnent en général. Suivre la préparation du portrait présidentiel de Raymond Depardon a quelque chose d’un brin amusant, de facétieux ; on s’ébahit de pouvoir pénétrer dans les belles pièces de l’Elysée ; on observe les détails du bureau présidentiel ; on relève que l’usure de son iPhone ne semble pas particulièrement le déranger. Mais très vite, on se demande comment on a bien pu croire une seule seconde à un aperçu un brin percutant du travail présidentiel. Peut-être celui-ci n’a-t-il finalement rien de bien saisissant à fournir, rien de plus que des allers-retours incessants d’une salle de réunion à une autre. Il semble surtout que – comme sur bien des plans – François Hollande soit un Président « normal » dans son rapport aux médias. Autrement dit en phase avec une époque d’exposition permanente, d’impératif intransigeant de transparence. Il sait faire, possède un self-control indéniable, ses collaborateurs aussi. Tout est maîtrisé, jusqu’aux illusions de failles que les personnes filmées veulent bien créer. Çà et là, un conseiller donne en pâture au spectateur une petite phrase (ça aussi, c’est dans l’air du temps) laissant supposer que les propos tenus devant la caméra le sont comme ils le seraient en son absence. Il y a donc une circonstance atténuante à l’ennui abyssal que finit par susciter le film : Rotman fait avec ce qu’on lui donne et se trouve réduit à remplir son métrage avec des plans à répétition sur le couvert en argent de l’Elysée, les dorures des plafonds, la présence de stars glamour à tel dîner organisé en marge d’un sommet. Et puis, sur le tard, l’idée vient au scénariste de La Conquête (2011) de se trouver un semblant de dynamique, une manière pas trop mal d’amener les inévitables points de suspension finaux (fatalement, le réalisateur ne peut que donner à voir un travail dont les fruits ne sont pas encore estimables). Alors l’exercice d’observation au mieux amusé vire pour de bond à la publicité de luxe, et le documentariste ose conclure sur le plus littéral des symbolismes, qui n’est pas sans évoquer les dernières images du film sur Sarkozy. Il y a quelque chose de profondément angoissant à voir le média cinéma accompagner ainsi le mouvement d’uniformisation des politiques. On parie que ce genre d’exercice de pseudo-dévoilement deviendra à l’avenir un exercice présidentiel incontournable : autant dire qu’on ne fera pas partie des spectateurs abonnés.

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