Love Exposure

REALISATION : Sion Sono
PRODUCTION : Omega Project
AVEC : Takahiro Nishijima, Hikari Matsushima, Sakura Ando, Atsuro Watabe, Makiko Watanabe
SCENARIO : Sion Sono
PHOTOGRAPHIE : Sôhei Tanikawa
MONTAGE : Junichi Itô
BANDE ORIGINALE : Tomohide Harada
ORIGINE : Japon
GENRE : Action, Comédie, Drame
DUREE : 3h57
BANDE-ANNONCE

Synopsis : Fils d’un prêtre respecté, Yu intègre un groupe de pervers professionnels afin de vivre dans le péché. Malgré une vie de débauche, le jeune homme ne désespère pas de trouver l’âme sœur. Sa rencontre avec Yoko, dont l’innocence bafouée n’a d’égal que sa haine pour la gent masculine, va propulser le jeune homme bien au-delà des limites du bien et du mal…

Ouf, il était grand temps que Sion Sono se fasse remarquer par le grand public de l’Hexagone. Non pas que ce cinéaste japonais n’ait trouvé le succès qu’au pays du Soleil Levant (à vrai dire, il galère tout autant là-bas), non pas qu’il soit aussi un illustre inconnu vis-à-vis des cinéphiles (depuis le très culte Suicide Club, son nom n’a pas cessé de circuler), mais tout porte à croire qu’un gros nuage avait fini par cacher ce soleil de folie pure. En plus d’avoir été une année absolument géniale et très chargée en claques filmiques, 2013 aura sans doute marqué, du moins en ce qui nous concerne, une forme de consécration pour cet artiste important : d’une part en raison de la distribution internationale (et du succès) du très beau The Land of Hope, et d’autre part avec la sortie en DVD et Blu-Ray d’un film si démentiel que l’on pensait ne jamais être capable d’en livrer une analyse suffisante. Envie d’un autre cinéma, à la fois déjanté, émouvant, bizarre, drôle, extrême, sans le moindre tabou et totalement à contre-courant des règles établies ? Inutile d’aller plus loin : Love Exposure sera votre Graal. Non, bien mieux que ça : cette oeuvre-monstre par excellence a de quoi vous offrir un aller sans retour pour le nirvana et risque même d’en profiter pour flinguer toutes vos appréhensions sur la supposée lourdeur foutraque du cinoche nippon. Ne surtout pas craindre l’ennui face à une telle durée de métrage (3h57 !), vu qu’il ne sera jamais là et qu’en fin de visionnage, vous serez bien triste de voir démarrer le générique de fin, au point d’avoir envie de visionner le film en boucle. Et surtout, preuve absolue de la réussite d’un film qui ne quitte pas son spectateur, c’est si fou, si riche, si hallucinant qu’on n’a tout simplement jamais vu un truc pareil sur un écran… Trop de dithyrambes ? Vu que toute notion de « mesure » chez Sono ne mérite rien d’autre que la poubelle, autant se lâcher et pénétrer de plein fouet ce que l’on n’hésitera pas à qualifier d’érection cinématographique.

SONO A FOND

A première vue, Love Exposure ne possède pas vraiment les attributs d’un film à tonalité autobiographique. Pourtant, son origine puise directement au puits intime de son auteur, dont la quasi totalité des obsessions se retrouvent ici condensées et sublimées. Flash-back. Né en 1961, Sion Sono s’impose très vite comme un enfant on ne peut plus rebelle et turbulent, mal à l’aise face à toute notion d’autorité parentale, ce qui le poussera à fuguer pour rejoindre Tokyo. C’est à l’âge de 17 ans qu’une vraie fibre artistique se met à le stimuler, s’incarnant alors sous la forme de poèmes avant-gardistes et, surtout, du fameux travail effectué avec le collectif Tokyo GaGaGa : il y était question de tournages underground et de happenings poétiques semant le chaos et la confusion au sein de la capitale nippone (le réalisateur Jean-Jacques Beineix en donnera un petit aperçu dans son génial documentaire Otaku). Ses films seront alors indépendants, autoproduits et tournés en 8mm avec des budgets très limités, jusqu’à la sortie de Suicide Club en 2001, qui révèle alors ce qui cimentera le style de Sono : derrière une vitrine d’hystérie et une énergie quasi punk se cachent en réalité des récits trompeurs et perturbants, prompts à distiller de fascinantes réflexions sur la jeunesse, le suicide, le mal-être, la cellule familiale, les dysfonctionnements sociaux ou la quête d’absolu. Naviguant du film commercial (dont l’inédit Hair Extensions, farce horrifique sur des meurtres commis par des extensions capillaires !) jusqu’au drame intimiste (The Land of Hope, que l’on évoquait plus haut), Sono s’impose pourtant assez vite comme un auteur barré et très difficile à étiqueter, ce qui lui vaudra de rester pendant longtemps invisible hors des festivals…

Si l’on se permet ces rappels, c’est pour préciser à quel point les films de Sono sont très souvent indissociables de son vécu et de sa sensibilité d’animal social. Dans le cas de Love Exposure, ses propres expériences ne trompent pas. D’après ses dires, tout est parti de sa fascination pour un jeune garçon lui-même obsédé par les photos érotiques de petites culottes (cette activité porte même un nom : tosatsu). Sono avouera d’ailleurs que l’objectif de ce garçon n’était nullement sexuel mais né d’une fascination inexplicable, visant à observer les filles en jupe courte comme une drôle d’espèce. Idée barrée, que Sono aura ici couplée à une seconde, déjà beaucoup moins rigolote : la petite soeur de ce garçon aura fini par intégrer une secte religieuse pratiquant le lavage de cerveau, et n’aura finalement pu en sortir que grâce aux facultés de pervers de son frère. Si l’on ajoute à cela une troisième idée, celle d’un mixage action/horreur, né de l’abandon par Sono d’un projet de film à Hollywood (centré sur trois pom-pom-girls débarquant au Japon et confrontées à des zombies samouraïs), on commence à galérer pour chercher une logique dans ce puzzle. En fait, ces trois idées rejoignaient trois envies simultanées chez le cinéaste d’aborder un genre spécial (comédie, drame, action), ce qui l’aura finalement poussé à mettre tout ça dans un même shaker. Ainsi est né Love Exposure.

CHAOS REIGNS

Le film est aussi le premier épisode d’une trilogie officieuse intitulée la « Trilogie de la Haine », poursuivie deux ans plus tard avec l’ultraviolent Cold Fish et le dérangeant Guilty of romance. Au sein de ces trois films réside autant la volonté d’explorer des genres transgressifs que d’aborder la notion de « perversité » sous tous ses angles, à la fois humains, sociaux, symboliques ou métaphysiques. Dans ce film, il sera surtout question d’obsession, d’un absolu à atteindre, le tout sous le prisme très culotté de la religion. Tout commence par une promesse : le jeune Yu (Takahiro Nishijima) fait le serment à sa mère mourante de chercher à tout prix son âme sœur, une sorte de représentation vivante de la Vierge Marie. Quatre heures plus tard, une poignée de main entre deux amoureux stoppera d’un coup net ce processus de quête sur la plus éclatante des victoires. Entre temps, un feuilleton rocambolesque se mettra en place, atteignant peu à peu des proportions insoupçonnées. Une fois sa mère décédée, Yu se retrouve seul avec son père (Atsuro Watabe), lequel devient prêtre catholique. Mais ce dernier, tourmenté par les assauts répétés d’une folle sexy nommée Kaori (Makiko Watanabe) dont il devient vite l’amant, adopte soudain une attitude stricte visant à imposer à son fils une visite par jour en confession. Le péché n’étant pas une habitude pour lui, Yu se met carrément à en inventer et va même jusqu’à intégrer un groupe de pervers fétichistes, lesquels utilisent les arts martiaux pour pratiquer le tosatsu sur des passantes en jupe courte !

Tout irait pour le mieux si cette manie de photographier les culottes ne se réduisait pas à une simple obsession. Yu s’en rend rapidement compte : s’il doit bander, c’est avec le cœur, du fond du cœur. Sa rencontre soudaine avec la jeune et jolie Yoko (Hikari Matsushima) fera l’effet d’un tohu-bohu intérieur : le doute n’est plus possible, il a enfin trouvé sa Vierge Marie. Mais celle-ci, en plus d’être sacrément perturbée dans son cortex, n’est autre que la fille de Kaori et s’apprête donc (sans grande joie, on précise) à devenir très prochainement sa demi-sœur ! Ajoutez à cela une suite de quiproquos déjantés qui viennent vite tout compliquer (dont un, assez génial, à base de travestissement) et les manigances répétées d’une recruteuse de secte nommée Koike (Sakura Ando), et vous aurez légitimement de quoi craindre un bazar pas possible.

Sauf que le bazar tant redouté n’est qu’une vue de l’esprit. Oui, le film est bel et bien cintré au-delà des espérances, mais il n’est en aucun cas du genre à larguer son spectateur au beau milieu de la voie rapide sans repère ni protection. En y regardant de plus près, cette histoire de fous évoquerait presque un mariage rarissime entre deux formes de narration : d’un côté, une forme inédite d’écriture automatique fondée sur l’énergie non-stop de chaque instant, et de l’autre, une construction narrative éminemment complexe qui dégueulerait un spectre d’émotions trop vaste pour pouvoir être appréhendé dans sa totalité en une seule vision. Une spécificité qui étonne, tant Sono reconnait avoir débuté l’écriture du scénario à partir de la scène finale, tout en ne cachant pas le nombre incalculable de réécritures durant le tournage (comme on peut le voir dans le making-of présent sur le DVD). On sera moins surpris, en revanche, à partir du moment où l’on considèrera que cette énergie folle, dégoulinant de chaque seconde du métrage, semble avoir poussé le cinéaste à laisser de côté les règles établies du genre (dont celle, on insiste, de rester dans la « mesure »). En fait, qu’il s’agisse de son aptitude à multiplier les formats de vidéo, à incruster ici et là quelques astuces de mise en scène dès que cela s’impose (du split-screen au ralenti, tout y passe) ou encore à varier les tonalités d’une même séquence, Sion Sono adopte en cela la règle n°1 de la fine fleur de la production ciné d’un pays voisin (la Corée du Sud) : prendre chaque scène une par une avec l’intention d’en faire toujours une scène solide et cohérente, quitte à changer radicalement d’approche par rapport à la précédente ou à vriller le récit par des dérapages soudains sans que cela puisse passer pour de l’excès de zèle.

Du coup, si l’instabilité de la construction comme celle de la mise en scène peuvent dérouter au premier regard, elles ne font en fin de compte que renforcer la dimension puzzle de ce récit. En cela, Sono prend tous les risques sans aucune crainte, n’hésitant pas à gonfler une trame narrative de quatre lignes en une mosaïque fourmillante de quatre heures, à faire intervenir le titre du film à la 57ème minute sans prévenir, et surtout, plus fort encore, à faire mine d’oublier son découpage en chapitres (cinq au total, dont un épilogue) pendant deux bonnes heures avant d’y revenir brutalement lors du final. Risques toujours payants, qui réussissent d’une part à effacer la question de la durée devant l’exubérance d’un récit plein à craquer et mené sans la moindre demi-seconde de temps mort, et d’autre part à toucher de l’index une certaine idée du récit comme ligne médiane qui foncerait à toute allure vers son but en empruntant ici et là une suite de bifurcations potentiellement risquées, pourtant contrôlées et justifiées. Du début à la fin, Sion Sono ne fait que rassembler les éléments qu’il a lui-même mis en place dans son cadre, quitte à reléguer le reste au rang de dommages collatéraux d’une importance très relative. Et s’il ne se mange jamais le mur, c’est autant par une croyance totale envers ce qu’il souhaite raconter que par son désir de transgresser la règle ultime du cinéma consistant à transmettre le sens par le visuel.

Car, oui, sur ce dernier point, la voix off aide certes à enfoncer le clou sur le propos du film, mais en évitant le surlignage par un sens sidérant du romanesque qui prend constamment aux tripes, elle touche tout simplement au sublime. Tout comme cette faculté, là encore frappadingue, à mêler toutes les obsessions réalistes de Sion Sono à un sens du burlesque rarement déballé avec autant de folie : ce mélange se traduit ici par le fourmillement permanent du contenu de l’intrigue (que ce soit les éclairs de violence, les personnages cocasses, les intuitions barrées et les transgressions les plus inouïes, tout se compte par paquets de douze), mais aussi par chaque élément de fabrication, en particulier une bande-son protéiforme qui juxtapose la pop nippone au Boléro de Ravel. Même les barrières temporelles en prennent un coup dans les cojones : ici, les trois premiers chapitres forment en définitive de gros amuse-gueules illustratifs (chacun centré sur un des trois héros), dont les deux derniers s’invitent sans crier gare en flash-backs nerveux, convergeant vers un quatrième acte qui constitue le plat de résistance. Tout ceci ne vise qu’à suivre le destin et l’évolution des protagonistes, avec assez d’épaisseur dramatique et de variétés d’émotions pour que l’on ait l’impression de les connaître intimement (un point commun diabolique avec La vie d’Adèle, qui reflétait lui aussi la richesse d’une vie humaine entière), jusqu’à un dernier acte terriblement lyrique que Sono prend évidemment soin de retarder au maximum. D’un bout à l’autre, Love Exposure nous laisse donc les yeux exorbités à force de nous faire dériver au sein d’une galaxie d’émotions aussi infinie, sans jamais nous laisser reprendre notre souffle ou nous accorder une pause pipi. Et en cela, ces quatre heures de projection peuvent paraître frustrantes, tant on souhaiterait que le film puisse ne jamais avoir de fin.

STRANGE CIRCUS

Sur la narration, on évoquait ci-dessus la structure consistant à suivre les trois personnages principaux durant les trois premiers chapitres du film, à chaque fois au travers de leur fascination aiguë pour la religion chrétienne. On notera que chaque personnage enclenche cette fascination d’une façon différente, sans cesse rattachée à leur passé : le premier (Yu) à cause d’un père strict qui le pousse malgré lui à devenir un pécheur masochiste, la seconde (Koike) en quittant son enfance violée avec l’aide du gourou d’une secte chrétienne dont elle devient vite la recruteuse, la troisième (Yoko) en épousant la jouissance de vie dont fait preuve sa mère après s’être convertie. De là vient très clairement la justification du titre du film, à savoir l’exposition d’un amour fou, autant celui de Dieu que celui de l’être aimé : pour les trois héros, il n’est question que d’échapper aux règles de la cellule parentale, de s’en émanciper pour tenter de trouver sa propre voie, et surtout, d’incarner une forme de révolte juvénile qui n’exclurait pas la transgression ou le viol des tabous. On en revient donc à l’élément le plus « scandaleux » du scénario, à savoir la pratique perverse du tosatsu, laquelle peut toutefois prêter à confusion sur le sens que Sion Sono lui donne dans ce film. Le cinéaste dévie la perversité en retranscrivant cette fascination sous un angle décontracté, à travers des scènes d’action très manga et traitées au sein de cadres évoquant ceux d’une BD cartoonesque. Cela dit, aussi déviée soit-elle, la perversion s’incarne malgré tout dans chaque scène du film : le héros finit en effet par assumer ce statut, et donc, sans poser le moindre jugement, Sono le suit pas à pas, fasciné par cette idée de foncer à plein régime dans une direction, dans une quête d’absolu qui semble ne jamais avoir de sortie.

Pour le reste, si l’on en revient à la fascination du cinéaste pour le Christ, c’est tout aussi culotté. Autant lui laisser la parole : « A mes yeux, c’est une icône punk. Mais l’idée du péché me passionne, surtout l’idée qu’il existe une forme de pureté dans la perversion menée à son paroxysme. Les personnages de pervers m’attirent parce qu’ils sont engagés dans une quête d’absolu ». Quitte à devenir blasphématoire, le cinéaste va même jusqu’à mettre dans la bouche du chef des pervers un constat sacrément gonflé (« Ce que nous faisons est un acte sacré qui entraîne toujours des punitions… comme pour le Christ ! ») ou à transformer le concept de confession en un rituel grotesque, mécanique et répété à l’infini. On comprend ici que, pour Sono, le fait de se convertir à une religion ne relève pas tant du désir de transcendance personnelle, mais reste au contraire du même niveau que d’adhérer à un fan-club, surtout si l’on en juge par une ligne de dialogue décisive où Kaori avoue préférer le Christ à Kurt Cobain. Là encore, Sono clarifie son point de vue dans le livret accompagnant le DVD : « Pour moi, le Christ est un symbole de liberté. Toutes les règlementations, les cadres sociaux et les religions se développent au détriment de la liberté. Ils l’enferment. L’homme aspire à vivre tel qu’il est, avec amour et liberté. Mais plus on entre dans un cadre social, plus on nous prive de cette liberté. Le film parle aussi de l’ironie de ce paradoxe ».

Si le film apparait comme puissamment subversif, c’est parce qu’il met côte à côte deux quêtes d’absolu qui virent à l’obsession méthodique : trouver Dieu et vivre dans le péché. A chaque fois, l’élément déclencheur relève de la fièvre, aussi bien celle de l’adolescence (le héros) que celle de la résignation (le père démissionnaire), ce qui met à mal les barrières entre pureté et perversion (de toute façon, ici, les deux notions sont brouillées). Pour autant, on se permettra d’évoquer un autre point du film, peut-être plus important. Des films qui osent évoquer la foi religieuse sous un angle cool et bien déjanté ne se comptent hélas que sur les doigts d’une main, du délirant La vie de Brian des Monty Python jusqu’à l’insolent Dogma de Kevin Smith. Le cinéaste japonais les surpasse aisément en délaissant la gaudriole et la provoc assumée au profit d’une autre approche, orientant son propos sur un angle qui relie le social à l’intime, le concret à la métaphysique. Une scène en particulier, sans doute la plus grandiose du film, montre un plan fixe de cinq minutes sur Yoko, désormais intégrée dans la secte, folle de colère suite à son kidnapping par Yu et déroulant alors à ce dernier un long monologue biblique sur la définition de l’amour suprême : si la scène sidère et émeut à un degré stratosphérique, ce n’est pas tant par le jeu habité de l’actrice ou par le contrepoint lyrique offert par la symphonie n°7 de Beethoven, c’est surtout parce qu’elle englobe et absorbe à elle seule tout le contenu thématique du film, créant ainsi un lien très clair entre le sentiment de révolte adolescente et la fureur résultant d’un sentiment trop fort pour être appréhendé de façon concrète. Les obsessions de Sono ont cela de fascinant qu’elles font naître la poésie à partir de ce qui semble en être l’antithèse, et génèrent un spleen qui brise les suppositions pour au contraire inviter à s’affranchir des apparences.

Si l’on regarde en arrière, la filmographie de Sion Sono ne s’était arrêtée jusque-là qu’au stade du propos basique, martelé avec un vrai manque d’audace et traduite au travers d’un cocon visuel un peu quelconque. Love Exposure lui permet de trouver enfin un équilibre parfait entre l’exploration d’un sujet et le ressenti intime qu’il fait naître chez son spectateur, sans jamais négliger la puissance d’évocation de ses images. De là vient encore ce sentiment de sidération qui nous parcourt du début à la fin, cette joie extrême de fusionner avec un film qui s’impose presque comme une extension de notre propre schéma interne. Ces quatre heures de film, gorgées de bruit, de colère, d’audace, d’émotion, de stupre, d’espoir et de désespoir tous traités avec un rare souci de l’équilibre, réussissent enfin à réunir dans un même mouvement les figures du cinéma d’exploitation (surtout japonais, lorsque le héros se travestit en « Femme Scorpion » pour dissimuler son vrai désir) avec celles qui hantaient jusque-là la filmographie de Sion Sono sous forme de satellites un peu trop illustratifs. En un seul film, le cinéaste aura trouvé sa voie et atteint son zénith, accomplissant ainsi un geste de cinéma unique en son genre, combinant les genres et les sensibilités dans un mélange de candeur et de rage, le tout au travers d’un montage d’une fluidité tout bonnement stupéfiante. Peu de films ont su condenser toutes les émotions que le 7ème Art peut offrir. Le film-somme de Sion Sono est de ceux-là. 237 minutes d’extase, ni plus ni moins.

1 Comment

  • Cath44. Says

    Superbe article pour un film extraordinaire découvert il y a peu. Ces 4 heures furent inoubliables, tant le film dispense une folle énergie, ouvre sur un large spectre d’émotions , de sensations , de bonheur visuel. Ce film , c’est un spectacle, un voyage, à la fois lumineux, démesuré, c’est une sorte de quête initiatique et une extraordinaire histoire d’amour « Absolu amour » ou « amour d’absolu » …« si je n’ai pas l’amour, je ne suis rien…. »
    Bravo pour cette belle écriture.

Laisser un commentaire

Lire les articles précédents :
A touch of sin

Courte-Focale.fr : Critique de A touch of sin, de Jia Zhang-ke (Chine - 2013)

Fermer