La science-fiction a été l’honneur cette année au festival d’Annecy. Parmi les meilleurs films de cette édition 2023, on retrouve en effet deux films du genre. Cela ne les empêche pas de s’inscrire dans des registres très différents.
Mars Express, un polar de science-fiction
On l’a déjà dit : Mars Express était la plus grosse attente de la compétition officielle ! Est-ce que nous avons placé de trop grands espoirs dans le film de Jérémie Périn ? Comme toujours, c’est probablement le cas car le long-métrage n’est sûrement pas la révolution cinématographique qui saura relancer une vague de production SF en France. Mais il reste une œuvre brillante qui ne déçoit aucunement.
Une efficacité narrative
Dès sa séquence d’ouverture, on retrouve cette efficacité exemplaire qui avait tant séduit sur Lastman. On commence ainsi directement sous tension avec ses détectives sous couverture qui passent une transaction avec une hackeuse. Au travers de sa scène de suspense, Périn pose directement les codes de son univers. Outre la caractérisation des personnages et de leurs relations, on perçoit le niveau de technologie de l’univers et ses règles de fonctionnement. Il n’y aura donc pas une once de gras dans ce polar de science-fiction. Tout fonctionne par un style épuré qui synthétise admirablement chacune de ses idées au travers du déroulement de l’intrigue.
Mars Express, un film référencé
Mars Express arrive à parfaitement composer avec l’inévitable jeu des références. On peut constater que Périn aime des œuvres aussi diverses que les mangas de Masamune Shirow ou Demolition Man. Mais son récit vise tellement l’économie qu’il évite que ces influences alourdissent le film ou le détournent de son but. Même s’il peut ne pas paraître original, son univers réussit à être constamment fascinant et excitant par la manière dont le cinéaste le présente. Plutôt que de plaquer bêtement ses références, il cherche véritablement à les exploiter pour créer des situations jubilatoires. Par exemple, on retrouve l’idée d’une mousse protégeant les passagers d’une voiture en cas d’accident comme dans Demolition Man. Mais Jérémie Périn pousse le concept pour créer une ingénieuse scène de suspense totalement inédite par rapport au film de Marco Brambilla. Il en va de même pour une histoire invoquant les inévitables lois de la robotique par Isaac Asimov. La place des robots dans la société a une place primordiale dans l’intrigue. Le thème prend son essor au fur et à mesure du film jusqu’à atteindre son apothéose dans une remarquable séquence finale. Porté par un nickel duo de personnages, Mars Express est clairement donc un bonheur de cinéma.
White Plastic Sky, quand la SF rencontre le road movie
La sélection Contrechamp nous aura offert quant à elle White Plastic Sky. Comme Mars Express, le film de Tibor Banoczki et Sarolta Szabo s’inscrit dans un courant classique de la science-fiction. On nous ramène ici à la dystopie avec sa société traitant l’humanité comme une matière première. En l’occurrence, nous avons un système où les citoyens sont transformés en arbre à partir de cinquante ans afin de nourrir le reste de la population. Mais comme souvent, c’est le traitement de l’histoire qui compte et les deux cinéastes ne sont pas avares en bonnes idées….
En premier lieu, il y a bien sûr le choix de la rotoscopie. La technique casse-gueule trouve ici parfaitement son sens dans une histoire questionnant le devenir de l’humanité et sa nécessité d’évoluer. La préoccupation se ressent d’autant plus dans la direction donnée au récit. Il aurait été presque facile pour le scénario de céder au pamphlet. Le long-métrage aurait pu se concentrer sur la critique d’un système sacrifiant sa population au nom d’un bien commun sans accepter la possibilité d’alternatives moins cruelles. Pourtant, le long-métrage prend une autre voie.
Passé son premier acte posant tout l’univers (non sans un gout pour le contemplatif), White Plastic Sky part dans le road movie. Il isole son couple dans le désert postapocalyptique et laisse s’exprimer un romantisme tragique. A travers la relation entre les deux personnages, il se dessine toutes les problématiques de ce monde. Le couple a été mis à mal par la mort de leur enfant et ils n’ont jamais su faire leur deuil. L’épouse a choisi la délivrance par la transformation en arbre pour espérer que son mari puisse refaire sa vie avant son terme. Mais celui-ci ne peut aucunement accepter de laisser son amour partir. Cet amour nous fait passer au crible les propres règles du monde par ses incompréhensions, l’impossibilité de son futur et la nécessité d’accepter une renaissance totale. Finalement, cela nous donne un joli film sur lequel plane le spectre du Solaris d’Andrei Tarkovsky.