[ANNECY 2018] Work in progress : Spider-man : New Generation

Faisons-nous l’avocat du diable pendant quelques minutes, voulez-vous ? Et si Spider-man : New Generation n’était pas le produit alléchant vendu par sa bande-annonce ? À ce jour, la production de Sony Pictures Animation reste très inégale. Peut-on vraiment attendre le meilleur d’un tel projet ? Car après tout, il s’inscrit dans le grand plan du studio visant à exploiter le peu de matière à disposition dans le catalogue Marvel. Sous la gouverne d’Amy Pascal, le partenariat va nous donner prochainement Venom (dont la bande-annonce aseptisée a fait « débander » le plus irréductible des fans de comics) et plus tard des films solos avec la chatte noire ou Morbius (comment ça, vous bâillez ?). Réalisé par Peter Ramsey, Bob Persichetti et Rodney Rothman, New Generation met en avant Miles Morales, le Spider-man d’une autre dimension. N’est-il donc pas une des pierres d’un édifice branlant ? Pragmatiquement, on acquiescera. Il occupe bien cette place dans le champ commercial du studio. Mais malgré ces appétissantes premières images, doit-on le craindre comme les autres productions du même cru en préparation ? Là, on dira « non » et la présentation du work-in-progress à Annecy tend à nous le prouver.

Storyboarder rodé (Seul au Monde, Fight Club, Minority Report pour n’en citer que quelques-uns) passé à la réalisation de film d’animation (l’extraordinaire Les Cinq Légendes), Peter Ramsey n’est d’ailleurs pas dupe de cette situation. À la proposition du projet, Ramsey l’accueillera de manière blasée. La bascule viendra de l’investissement sur le projet de Christopher Miller et Phil Lord au scénario et à la production. Avec eux à bord, Ramsey sentait que l’entreprise pouvait prendre un essor inespéré. Comme il le relève, le tisseur a connu des adaptations bien différentes. Il n’y a qu’à voir les trois versions cinématographiques sur les deux décennies passées. Avec le soutien de Miller et Lord, Ramsey perçoit la possibilité d’en offrir une nouvelle qui trouve totalement sa propre identité. Et cela ne tient pas juste au choix de Miles Morales en héros au lieu du plus habituel Peter Parker (ce dernier récupérant ici un rôle de mentor). On sait très bien que Miller et Lord sont des adeptes de l’improvisation, construisant leurs films dans une forme d’invention permanente. Ils ont su montrer la valeur de la technique avec 21 Jump Street et La Grande Aventure Lego, même si elle leur vaudra des ennuis sur Solo : a Star Wars Story. Mais là n’est pas la question. Le fait est qu’ils ont laissé l’opportunité à Ramsey et ses collaborateurs de chercher et d’expérimenter, bref, ne pas se reposer sur des acquis mais élaborer une voix unique. Comme le dit la bande-annonce : Don’t do it like me, do it like you.

Et la conséquence saute aux yeux. Le film dispose d’un esthétisme extrêmement marqué. La stylisation sera le maître-mot de la présentation à Annecy. On peut le constater depuis maintenant une dizaine d’années : le Marvel Cinematic Universe renonce généralement aux envolées visuelles, privilégiant l’ancrage dans un réel terne et gris. Ce qui fut au temps du premier X-Men une technique efficace pour permettre l’acceptation de ces univers par le grand public n’a plus vraiment lieu d’être. À une époque où un film basé sur Ant-Man rencontre le succès, y-a-t-il encore obligation à jouer la carte d’une telle sécurité esthétique ? Très clairement non et New Generation entend remettre les pendules à l’heure. Et pour ça, il va revenir à la source de tout : les comics. Bien évidemment, l’amour des comics anime le MCU, nous dit-on. On ne compte pas les featurettes promotionnelles où s’étalent les déclarations affectives envers les images sur papier glacé. Mais concrètement que représente cet amour dans les films ? Eh bien, pas grand-chose ! Une poignée de références pas forcément correctement comprises et quelques lignes d’intrigues sont souvent tout ce qui est véritablement retiré du matériel original. Ça n’est certainement pas assez pour Ramsey et son équipe.

L’ambition du long-métrage est donc simple : réinjecter par des choix visuels les sensations que l’on peut avoir en lisant un comics. Ceux-ci restent l’outil de référence et il s’agit de trouver les moyens de traduire leurs caractéristiques dans un cadre cinématographique (en prenant en considération au passage que le film est exploité en 3D). La présentation va ainsi mettre l’accent sur les diverses techniques trouvées. Par exemple, des lignes sont ajoutées sur le visage des personnages pour jouer avec leur expressivité. L’utilisation de la lumière intègre quant à elle des jeux de textures reproduisant le grain d’impression sur les anciens comics. Cela donne également l’idée d’ajouter des éléments détourant les personnages et amplifiant la dynamique de leurs mouvements. Le film se démarque également par le rejet des flous cinétiques que l’on voit pourtant souvent dans les films de super-héros, une option qui volontairement privé les mouvements de fluidité. Cela donne même une impression de saccade pouvant être jugée désagréable mais renforçant cette idée de voir des images de comics prendre vie avec tout ce qu’elles ont d’épiques et d’absurdes dans leurs compositions. C’est probablement ce qui fait le plus plaisir dans ce work-in-progress : cette absence de peur envers l’absurdité. Certes, on met en avant des recherches sur une représentation fidèle de New York et de son ambiance mais au bout du compte, il y a toujours le besoin de s’éloigner du photoréalisme. Peter Ramsey se permet en ce sens une insertion délicate : si Les Indestructibles est un très grand film de super-héros, il n’est théoriquement pas un comic book movie en terme visuel.

Peut-être que le résultat final montrera que toutes ces expérimentations ne sont pas probantes mais cette envie de changement est rafraîchissante et surtout souhaitable dans le contexte actuel du genre. Au rang des incertitudes, il y a aussi l’histoire qui n’a guère été évoquée dans la présentation et sur laquelle il demeure de nombreuses zones d’ombre (aucune précision sur l’emploi de Spider-Gwen apparu dans la dernière bande annonce malgré des questions insistantes). On note cependant un point non décortiqué et pourtant rassurant : la mise en scène. Parmi les quelques scènes dévoilées, il y a l’intégralité de la discussion de Miles avec son père présente dans la bande-annonce. Au-delà de son esthétisme, la scène est une réussite par son pur découpage. L’utilisation de l’espace dans la voiture de police permet de planter le rapport conflictuel entre les deux personnages. Hors de toutes ses réflexions d’ordre esthétique, Ramsey n’omet pas la plus élémentaire des grammaires cinématographiques. C’est bien la preuve que Spider-Man : New Generation est dans des mains compétentes.

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