Annecy 2021 : Mars Express

Parmi les work-in-progress présentés chaque année au festival d’Annecy, il y en a forcément quelques-uns qui font figure de chouchous. Mars Express fait partie de ceux-là. On était très curieux de voir ce que nous réservait le passage au long-métrage de Jérémie Périn après l’excellente série Lastman. Cette dernière avait réussi à incorporer un grand nombre de citations sans se laisse dévorer par elles. Mars Express va devoir également faire face à quelques immenses références. Se déroulant essentiellement sur la planète rouge, l’intrigue suivra une détective et son associé qui doivent retrouver une scientifique. Dans un monde où les robots sont répandus, celle-ci en a libéré un de ses entraves mentales qui l’empêchaient de faire du mal aux êtres humains. Bien évidemment, l’affaire est loin d’être si simple et le film se présente comme une course-poursuite sur plusieurs niveaux. On sent dans ce résumé que planera l’ombre de Philip K. Dick, Isaac Asimov et tous les dérivés engendrés par ses deux auteurs. Mais comme pour Lastman, on ose croire que le film ne pliera pas sous le poids de ses influences. A cet effet, le WIP montre une rigueur des plus rassurantes de la part de l’équipe.

L’origine du projet remonte à plusieurs années avec un désir de mélanger histoire de détective privée et science-fiction. Sur le modèle des nouvelles policières, il fut tout d’abord imaginé un film à sketchs où la connexion entre chaque segment se dévoilerait dans la conclusion. Quand il fut proposé à Périn de réaliser un film Lastman, il écarta cette offre qui ne l’intéressait pas (il préférait une nouvelle saison qui devrait normalement arriver l’année prochaine) et ressorti du placard son concept. Comme vous l’avez remarqué, il en a modifié drastiquement la forme. Ainsi, le personnage principal à la Jeff Goldblum cède sa place à une héroïne quadragénaire. L’esprit reste présent néanmoins. Indépendamment des références citées, Mars Express s’inscrit donc dans une grande tradition de mélange du polar et de la SF. Dans ses mémoires, Jean-Pierre Dionnet rappelait le rapprochement naturel entre les deux genres. Certains auteurs de polar se voyant refuser leurs manuscrits n’hésitaient pas à les retoucher afin de les incorporer dans un contexte de science-fiction et les rendre plus vendables aux yeux des éditeurs. Pour Périn, la connexion entre les deux genres tient à la notion de mystère. D’un côté, il y a le caractère mystique de la science-fiction spatiale et de l’autre, l’énigme plus pragmatique du polar. La science-fiction dans Mars Express sera en conséquence un cadre pour l’histoire de privé. Le détective étant un personnage naviguant naturellement à travers toutes les classes sociales, il est le référent parfait. Cela est primordial pour un film qui s’attache au principe selon lequel il faut montrer et non expliquer. En effet, l’action se passe sur une colonie martienne existante depuis plusieurs générations. Cela lui confère une ambiance de banalité dans laquelle il peut difficilement se glisser des démonstrations permanentes de son fonctionnement.

Ce besoin de se focaliser sur l’essentiel n’est pas de trop pour assurer la pérennité du projet. Bien que le budget soit en grande partie bouclé (notamment grâce à l’obtention en première instance de l’avance sur recette du CNC), il n’est pas assuré que les derniers fonds soient disponibles. Il faudrait alors s’adapter à cette restriction de budget et en l’état, Périn en a bien conscience. La précision des animatiques présentées parle pour lui. Conçues sans le son, elles montrent ce découpage à l’efficacité exemplaire qui faisait déjà les grandes heures de Lastman. Il en va de même pour le visuel. Sans vouloir tomber dans un brutalisme qui le renverrait trop au Total Recall de Paul Verhoeven, il a été choisi de concentrer les détails et l’affinage sur les éléments les plus importants à l’histoire. Nul doute que le résultat devrait être frappant. En tout cas, la présentation met en confiance alors que tous les composants de l’univers ne sont pas très nouveaux. Il fut évoqué une Terre dépotoir avec ses constructions verticales alors que Mars serait une société « idéal » construite horizontalement mais sous le joug des sociétés privées. Une idée classique au même titre que le recours à l’animation 2D pour les personnages humains et 3D pour les robots. Toutefois, Périn nous rappelle la clarté de sa pensé en notant que le choix est moins dicté par des raisons esthétiques que par la représentation du mouvement. Avec sa durée annoncée de quatre-vingts minutes, Mars Express promet un cool spectacle 100% français.

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