Solaris – Space In Progress

Lorsque James Cameron acquiert les droits du roman de Stanislas Lem, une question le taraude : est-ce qu’il réalisera lui-même cette nouvelle adaptation ou se contentera-t-il de la produire ? La seconde option l’emportera sur la première. Mais qui choisir pour mettre en images cette histoire déjà passée entre les mains d’Andreï Tarkovski ? Pour Cameron, produire est une occasion de voir un autre réalisateur au travail et d’observer sa manière de mettre une histoire en scène pour un public. Dans cette optique, il convient de choisir un réalisateur aux antipodes de ses propres aspirations. Qui de mieux placer en ce sens que Steven Soderbergh ? En 1989, pendant qu’il proposait aux foules son colossal Abyss, Soderbergh, lui, se posait en tête de proue du nouveau cinéma indépendant US avec le palmé Sexe, Mensonges Et Vidéos. Deux modes de pensées différents qui logiquement font de ce nouveau Solaris une œuvre atypique. Réunis ensemble pour enregistrer le commentaire audio du DVD, les deux compères s’amusent ainsi sur ce que l’un a fait et l’autre aurait pu faire. Point donc de poursuites et de coups de feu dans la version de Soderbergh. Celui-ci reste centré sur sa vision minimaliste du cinéma.

De par cette volonté de proposer une œuvre dépouillée, Soderbergh va mettre en chantier une méthodologie de production assez atypique pour un film de ce gabarit. Le rythme particulier du long-métrage se définit ainsi dès le stade de l’écriture. Comptant tout juste soixante-quinze pages (soit un film d’1H15 selon le principe d’une minute par pages), le réalisateur-scénariste cherche par là à s’offrir une marge de manœuvre afin de composer son film. Cameron reconnaîtra le caractère malin de l’approche puisqu’un script plus conséquent l’aurait probablement conduit à rogner sans arrêt les morceaux dispensables et à ne plus s’attarder sur la composition même des scènes. Bien sûr, c’est prendre le risque d’offrir quelque chose de tellement limité dans ses développements qu’on passe à côté du sujet. C’est là où Soderbergh aura su calibrer intelligemment son planning. Le tournage commencera en avril 2003 pour une durée de quarante-trois jours. A l’issu du tournage, il lui restera six mois afin de monter le film pour la sortie prévue en novembre. Au sein de ces six mois, quatre jours seront d’office programmés pour des reshoots.

Car malgré des délais serrés, Soderbergh compte bien explorer toutes les possibilités de son film par le montage. Ce processus tiendra de la pure expérimentation pour lui : il enlève des scènes, modifie l’ordre, raccourcit un passage, rallonge un autre, tente de multiples combinaisons… Il voit ce que cela donne, si cela est intéressant ou pas (il sortira même un montage d’à peine quatre-vingts cinq minutes que Cameron qualifiera de massacre). A l’issu du premier montage assez convaincant, le tournage supplémentaire permettra ainsi d’affiner les choix retenus. Ce dernier, Soderbergh et Cameron en parlent longuement dans leur commentaire audio. C’est la seule trace dont on disposera puisque le DVD ne propose pas cette autre version, ni même les scènes coupées/alternatives séparées. Un choix éditorial assez regrettable ne laissant plus que l’imagination du spectateur pour reproduire ce work in progress. A travers les propos des deux cinéastes, c’est ce que nous allons tenter de faire.

L’une des premières modifications provient de l’élément perturbateur à l’origine du parcours du héros Chris Kelvin (George Clooney). Celui-ci reçoit un message vidéo de son ami Gibarian (Ulrich Tukur) en mission sur la station Prometheus actuellement en orbite autour de la planète Solaris. Dans cet envoi, Gibarian demande à Kelvin de venir le rejoindre afin de l’aider à solutionner une situation. L’enregistrement de Gibarian sera retourné après le premier montage.

SS : Cette séquence était exigeante. Dans le montage de départ, le message était un vague enregistrement fait par Gibarian. On comprenait qu’il agissait sous la contrainte. Mais il fallait que ce soit plus direct, que le départ de Kelvin soit guidé par les sentiments, pas une raison abstraite.
JC : Il part parce que la demande vient d’un ami. Tukur est très convaincant. Le plus drôle, c’est qu’il reste des passages où George réagit à l’ancien message mais ça fonctionne quand même.
SS : La théorie des coupes d’Eisenstein se vérifie ! [rires] A l’évidence, c’est un des moments où on s’est démarqués du roman. Dans notre version, Kelvin et Gibarian sont amis sur Terre. Ils ne le sont pas dans le livre ni dans le film de Tarkovski.

Par ailleurs, il est à noter que ça n’est pas la seule vidéo de Gibarian a avoir sauté au montage. Dans l’un des deux making of, on peut en effet voir le tournage d’une scène entre Tukur et son visiteur. Le passage ne correspond pas à la description donnée de la version alternative du message et laisse donc entendre que d’autres enregistrements avec Gibarian ont été tournés sans être exploités.

Bien qu’encore présente dans le montage final, la scène suivante à avoir été remaniée est la première discussion entre Kelvin et Gordon (Viola Davies). Celle-ci fit l’objet de multiples expérimentations de la part de Soderbergh. Après l’avoir monté, il choisit de la retirer avant de se décider à la rajouter. C’est qu’il s’agit là d’une scène à double tranchant, se contentant d’approfondir l’ambiance mystérieuse initiée par le message de Gibarian (soit un passage dispensable narrativement) mais qui introduit un nouveau personnage (soit un passage indispensable narrativement). Dans tous les cas, Soderbergh retouchera au montage le contenu de la scène. Sans évoquer plus loin la nature de la retouche, on peut se demander si elle ne touche pas à l’affinement de la vision de Soderbergh sur l’histoire.

JC : Je crois que tu as fait tout ce qui était en ton pouvoir pour créer une base émotionnelle plutôt que philosophique. Le livre est très philosophique, scientifiquement parlant si on peut dire. C’était de la SF des 60’s qui traitait de la matière et des limites du savoir. Tu abordes ces thèmes en les transportant aux limites de la connaissance de soi. Lem a réagi à la physique quantique et au principe d’incertitude de Heisenberg. Tu as transporté ça à l’incertitude humaine, ce qui est plus intéressant.
SS : Au début, on a gardé certaines idées mais au montage, j’ai enlevé les discussions philosophiques qui trainaient en longueur parce qu’on voulait un film guidé par les émotions avec une trame narrative simple. Ces développements ne correspondaient pas à notre version du film.
JC : J’ai aimé te voir mettre ce film sur pied. Au début, tu étais très fidèle au roman de Lem. Certaines répliques de Gordon, Snow ou Gibarian se référaient à la réalité, la matière, les particules subatomiques et la nature de Solaris comme dans le roman et le film de Tarkovski. Tu t’es débarrassé de tout ça dès que le film s’est dessiné dans ton esprit.

En ce sens, Soderbergh coupera les passages où les personnages partent dans des considérations existentielles que ce soit dans les premières discussions entre Rheya II et Kelvin ou lorsque la première discute de son suicide sur Terre avec le second.

Dans un registre tout à fait différent, Soderbergh coupera la scène d’amour marquant la rencontre entre Kelvin et son premier visiteur. Alors que le montage final mixe leur étreinte avec le flashback de leur première rencontre, le premier montage se montait beaucoup plus brut : Kelvin s’endort, Rheya (Natascha McElhone) apparaît quasi-immédiatement et s’ensuit plus de quatre minutes de sexe.

Si les reshoots permettront d’affiner le film, ils permettront également de corriger certaines erreurs de Soderbergh. Ce sera ainsi le cas de la discussion entre Kelvin et la première Rheya :

SS : On en a beaucoup discuté avant de la tourner jusqu’à ce que George trouve le rythme juste. Puis j’ai voulu qu’on la retourne.
JC : Mais pas à cause de lui.
SS : Non, je me suis aperçu que j’avais mal dirigé mon actrice. Il était beaucoup plus agressif dans la première version de la scène. Du coup, elle prenait peur. Or, je voulais qu’elle soit neutre. Je voulais une Rheya version 1.0. C’est pour ça qu’on a recommencé.
JC : Tu voulais une scène plus troublante. Ça tombe bien vu qu’il est à l’évidence troublé, angoissé. Pas juste parce que quelque chose d’impossible s’est produit. Il est confronté à ce qui semble être sa femme, or il sait qu’elle est morte. Il comprend que c’est une créature extraterrestre et il en a peur. Le spectateur, lui, la trouve sympathique. Tu as donc essayé de la rendre étrange dans sa manière d’agir. […] Là où tu t’es vraiment démarqué des premiers montages, avec brio d’ailleurs, c’est que tu t’arranges pour que ce ne soit pas juste son problème à lui. Elle ressent, de son côté, une angoisse existentielle profonde. « D’un côté je ne suis pas la femme qui me sert de modèle, de l’autre je suis la personnification de tes souvenirs ». Elle tente de sortir de ce dilemme, ce qui la rend sympathique et séduisante à nos yeux. S’il en était autrement, nous n’aurions que faire de son problème.

A l’image de la première scène avec Gordon, Soderbergh remaniera également la discussion entre Snow (Jeremy Davies) et Kelvin après que ce dernier se soit débarrassé de son visiteur.

SS : C’est un exemple de ce que je fais parfois au montage. J’ai inversé l’ordre des répliques par rapport au scénario et à ce qui a été filmé. Dans le scénario, leur conversation débutait comme elle finit maintenant. Je me suis dit que si George commençait par l’interroger sur leur visiteur pour se laisser ensuite submerger par les émotions, ce serait plus intéressant.

Alors que Kelvin va passer sa deuxième nuit aux abords de Solaris et attend son nouveau visiteur, Soderbergh profite des prises supplémentaires pour jouer sur la notion de souvenir que le montage a désormais clairement mis en avant lors de la première nuit.

SS : La scène dans le magasin, celle dans la librairie et celle dans la rue, je les ai tournées en postproduction. Je trouvais qu’on n’évoquait pas assez leur relation et que le parallèle entre leurs relations sur Terre et celle à bord de l’appareil n’était pas assez poussé. On a donc tourné ces scènes, qui à mon avis, ont bien réussi à établir cette comparaison. Sur Terre, c’est lui qui la pousse à se caser avec lui alors qu’elle n’est pas sûre de pouvoir entreprendre une relation sérieuse. Il fait pression sur elle.
JC : il est très charmeur ici. George dévoile toutes les facettes de son talent d’acteur. Ça nous rapproche de Kelvin et on veut qu’il retrouve cet état de grâce. Celui où il était quand il était émotionnellement plus ouvert. Il était plus drôle. Là il a l’air vivant alors qu’il a l’air mort au début du film. Il semble déconnecté. L’enjeu de l’intrigue se dégage : on veut qu’il redevienne comme ça.

Après avoir coupé l’autre scène de sexe en lien avec sa nouvelle rencontre (quel insensible vous faites Monsieur Soderbergh !), le réalisateur apportera des modifications à la scène où la deuxième Rheya sent ses souvenirs remonter à la mémoire. Une séquence qui posa un certain nombre de problème à Soderbergh pour être sûr que le public comprenne le processus émotionnel du personnage. Au sein des flashbacks, il profite des reshoots pour refaire les plans de George Clooney lors de la scène de repas où est discutée la possibilité de Dieu.

SS : Je voulais qu’il soit plus direct dans son discours d’athée militant. On a changé l’ordre des scènes. Maintenant, elle sait qu’elle est enceinte. Du coup, ses propos nihilistes la choquent plus qu’ils ne le feraient en temps normal.
JC : on l’a constaté quand tu as coupé des scènes, que tu en as rajouté d’autres. Ce dilemme émotionnel, ce à quoi elle fait face sachant qu’elle est enceinte… Dans une autre version, elle l’apprenait plus tard. L’impact était moindre. On la sent vraiment se détacher dans son couple.

La discussion suivant cette remontée de souvenir fut également modifiée. Soderbergh choisit en effet de renoncer à son dispositif initial de mise en scène consistant à ne proposer qu’un gros plan sur McElhone. Le montage reviendra à un découpage plus classique afin d’inclure les réactions de Clooney. Une manière de ne pas omettre le processus émotionnel du personnage de Kelvin qui reste le point d’ancrage du spectateur. En ce sens, certaines répliques sont rajoutées par moment afin de favoriser cette connexion. Lorsque Kelvin rencontre un être sous les traits de Gibarian, Soderbergh inclut à la dernière minute une réplique ( « Je ne peux pas la laisser » ) longtemps mise de côté. Celle-ci permet de mettre en évidence le lien qui unit Kelvin à la reproduction de Rheya. De la même manière, lorsqu’il décide de rester éveillé pour ne pas que Rheya en profite pour se suicider, il lâchait originellement un « je ne dormirais pas » à peine audible. Le plan sera retourné afin que sa décision se montre plus affirmée.

Concernant la première tentative suicide de Rheya sur Solaris, Soderbergh choisira de couper une large portion de la séquence. Il s’agit probablement de la coupe la plus importante par rapport au premier montage.

SS : Il y avait une autre scène dans la première version du film et dans le scénario où Rheya avait du mal à savoir qui elle était et où des souvenirs qui n’étaient pas les siens lui revenaient. Kelvin la laissait seule. Elle craquait complètement et détruisait la porte avec une force qui n’était à l’évidence pas humaine. Il y avait également une séquence où on l’examinait au labo et où tout indiquait qu’elle était constituée de la même chose que les humains. On a fini par les enlever parce que je trouvais qu’on déviait trop vers un film de monstre typique de science-fiction. Ça diminuait aussi l’impact de la séquence qui suit, sa résurrection, parce qu’on savait qu’elle guérissait.
JC : Exact. Quand elle cogne la porte, on voit que ses mains guérissent. Je m’en souviens très bien. Tu trouvais que ça gâchait le mystère de la scène. T’avais raison. Je m’y suis opposé sur le moment parce que j’aime bien le coup de la porte défoncée et des mains qui guérissent toutes seules mais c’était judicieux.

Il reste néanmoins un plan inhérent à ce passage dans le film. Lorsque Kelvin tente de rester éveillé, Soderbergh choisit de traiter la scène comme une hallucination. Dans cette optique, il laissera un plan où figure la porte détruite par Rheya afin d’amplifier le climat d’anxiété du délire de Kelvin. Si la coupe de la scène lui donnera cette idée, elle lui causera également des sueurs froides. Lors de la séquence entre Kelvin et Rheya précédent l’hallucination, la fameuse porte défoncée est visible. Si celle-ci peut apparaître dans un passage de délire, la voir dans une conversation classique serait juste une erreur de continuité. Une seule solution s’impose donc.

SS : On a recommencé. On a pensé aux images de synthèse mais il y avait trop de mouvements, George glissant le long de la porte, et on a trouvé plus pratique de la retourner. Le problème, c’est que tout le reste me plaisait dans la scène : l’éclairage, le jeu… Quand on tente de recréer quelque chose qu’on aime, c’est une vraie gageure.
JC : On a peur de ne jamais y arriver, même si on travaille avec les mêmes personnes que la première fois et que ça finira par marcher.
SS : Mais j’étais vraiment… On avait les polaroids, les séquences, tout, mais j’avais peur qu’on n’arrive pas au même résultat. En fait ça a marché. J’ai alors réécrit en postprod… A partir du moment où George s’écarte de l’évier, j’ai centré le discours de Rheya sur ce dilemme bien spécifique. « On ne peut pas rester ici. Tu veux me faire passer la douane ? Impossible de revenir en arrière. »
JC : c’est bien de montrer aussi qu’elle fait remarquer que la situation est invivable. Il a beau savoir dans un coin de sa tête qu’elle a raison, il est têtu. Il commence à écouter ses émotions, c’est bien.

Comme quoi, à toute chose malheur est bon.

L’ultime altération du montage viendra sur le choix de la fin. Le dénouement reste le même mais Soderbergh choisit de conclure avec une série de plan sur Solaris.

SS : Au beau milieu du montage, j’ai décidé de terminer sur ces trois plans de Solaris pour qu’on comprenne bien que Kelvin n’est pas parti. Il n’a pas quitté la station. C’est une conclusion très sereine. Elle me plait beaucoup.
JC : J’aime bien la fin parce qu’elle entérine une croyance humaine très forte, qu’on soit croyant, athée, spirituel ou je ne sais quoi d’autre, selon laquelle on va retrouver ceux qu’on a aimés. On veut tous y croire que ce soit de manière rationnelle ou non.
SS : Je me fonde sur la croyance ou l’hypothèse qu’en mourant nous atteignons une sorte d’état spirituel pur qui existe séparément des idées traditionnelles sur la conscience.

Si le montage a été connu de nombreuses et drastiques évolutions, la bande sonore a également connu plusieurs variations. Pour la musique temporaire, Soderbergh opte pour beaucoup de compositions de Ligeti que Stanley Kubrick aura déjà utilisé sur 2001 : L’Odyssée De L’Espace. Lorsque le compositeur Cliff Martinez se mettra au travail, il lui demandera ainsi d’étudier les méthodes du compositeur et de tenter d’en reproduire les sonorités. Pourtant, pour la splendide scène de l’amarrage (qui fut elle-même réduite de moitié au montage), le réalisateur ne choisit pas de recourir aux bons soins de Martinez dans un premier temps.

SS : J’ai essayé plusieurs musiques sur cette séquence. Certaines étaient étranges mais pas mal. Je les garde pour d’autres films.
JC : Tu as failli mettre du Pink Floyd.
SS : Oui, ça marchait bien d’ailleurs. Venus In Fur du Velvet Underground vaut la peine d’être écouté. ça rendait bien mais il y avait le problème des paroles.
JC : Mais c’est quoi qui nous plaisait là dedans ? On sentait qu’on embarquait pour un voyage dans le subconscient !
SS : J’avais aussi choisi une chanson de Beck Round The Bend. J’allais l’utiliser mais tu m’as convaincu de préférer une musique originale. Pas seulement parce que Cliff en avait composé une excellente. Mais une musique originale garantirait qu’il ne s’agissait pas d’un film de SF d’une autre génération.

Une autre scène importante dont la bande son sera intégralement revue est le flashback où Kelvin découvre le cadavre de Rheya. Originellement, la séquence était rythmée par une voix-off.

SS : Je me souviens d’une réunion avec la 20th Century Fox. On venait de projeter une autre version du film. On a beaucoup discuté de cette séquence de sa signification, de sa raison d’être. Le récit de George revenait sur l’éventualité de sa propre mort : « Est-ce la dernière fois que je pense ? ». Alors qu’on discutait de l’absence de fluidité de la séquence, Hutch Parker a dit : « Et si on supprimait cette voix off ? ». Tous les gens de la Fox l’ont regardé comme pour dire « Qu’est ce que ? Comment pouvez vous ? Vous avec dit ça à haute voix ! ». Dès qu’il a dit ça, j’ai su que c’était ce qu’on devait faire. En fait, la séquence est fluide en soi d’un point de vu émotionnel. Le récit nous tire et nous oblige à réfléchir. Sans changer une seule image, j’ai supprimé la voix off et on a alors compris je crois qu’il devait surmonter cette épreuve pour arriver de l’autre côté. Il doit revivre le moment où il la trouve. L’expérience la plus traumatisante de sa vie. Il ne lui échappera pas tant qu’il n’aura pas revécu ça.

Le dernier changement sur la bande son interviendra à la toute fin du film lorsque Gordon et Kelvin quittent la station.

SS : Vers la fin du montage, j’ai enregistré tout ce dialogue de notre consultant chez JPL.
JC : Rich Terrile ?
SS : Oui. Dans une version antérieure, Gordon implorait Kelvin avec des « viens ! ». Mais je l’ai enlevé parce que ça minimisait sa décision ou la difficulté qu’il avait eue à la prendre. En outre, ça devait être égal à Gordon que Kelvin vienne ou pas.

Un choix en accord avec le caractère froid et scientifique du personnage de Gordon.

A la conclusion du commentaire audio, il apparaît évident que la plupart des décisions prises sur le montage ont été judicieuses puisque permettant clairement de remettre en avant les rapports émotionnels des personnages. Emotion restera ainsi le maître mot des justifications d’un Soderbergh complètement soutenu par Cameron. Et on ne peut que lui donner raison face à un film magnifique demeurant parmi les plus brillants de sa filmographie. La curiosité toutefois de voir véritablement ce work in progress définit comme semblable et différent du montage final reste inassouvi. Lorsque Cameron évoque la possibilité de montrer au public cette version, Soderbergh se dit que, si les gens se souviennent encore du film dans dix ans, il serait effectivement intéressant de leur montrer cette version. Solaris soufflant ses dix bougies cette année, quelqu’un pourrait lui faire une piqure de rappel ?

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