Dragons : L’Amitié Interdite

REALISATION : Chris Sanders, Dean Deblois
PRODUCTION : Dreamworks Animation
AVEC : Jay Baruchel, Gerard Butler, America Ferrera, Jonah Hill, Christopher Mintz-Plasse, Kristen Wiig
SCENARIO : Chris Sanders, Dean Deblois, William Davies
DIRECTION ARTISTIQUE : Pierre-Olivier Vincent
MONTAGE : Maryann Brandon, Darren T. Holmes
BANDE ORIGINALE : John Powell
ORIGINE : Etats-Unis
GENRE : Animation, Aventure, Toruk Makto
DATE DE SORTIE : 31 mars 2010
DUREE : 1h33
BANDE-ANNONCE

Synopsis : L’histoire d’Harold, jeune Viking peu à son aise dans sa tribu où combattre les dragons est le sport national. Sa vie va être bouleversée par sa rencontre avec un dragon qui va peu à peu amener Harold et les siens à voir le monde d’un point de vue totalement différent.

« En animation, on essaie toujours de ne pas faire dire des choses aux personnages, surtout si elles sont évidentes. »

Lorsqu’on décide de passer à l’écoute du commentaire audio de Dragons, on se doute que les interventions de Chris Sanders et Dean Deblois risquent d’être un minimum en adéquation avec la qualité de leur film et par extension, en rupture totale avec la grande majorité des œuvres composant le catalogue Dreamworks Animation. Cette affirmation en est une preuve on ne peut plus évidente, laquelle semble faire fi des habitudes d’un studio pour qui le dialogue reste le principal moteur du récit. Sinbad, Shrek, Alex le lion, Tulio et Miguel, Megamind… On ne compte plus le nombre de personnages sûrs d’eux et passant leur temps à tout commenter, à faire des blagues en toute occasion, même quand la situation n’est pas à leur avantage.
Le viol de la suspension d’incrédulité comme note d’intention, le studio dirigé par Jeffrey Katzenberg en a fait une priorité dont seuls quelques rares longs-métrages sont parvenus à s’accommoder ou, tout simplement, à éviter. Le choc est donc tout à fait compréhensible quand le duo derrière l’excellent Lilo & Stitch nous livre un second film non sans quelques menu-défauts mais au traitement premier degré inespéré. Un petit bijou qui doit essentiellement sa réussite à ses réalisateurs et animateurs, lesquels se sont notamment assurés de traduire le plus grand nombre d’idées par leurs seules images.

Dans la séquence ci-dessus, Harold a pour objectif d’amadouer la furie nocturne qu’il a dans un premier temps capturé, puis libéré. Blessé, l’animal s’est ensuite envolé vers un vallon qui le contient désormais prisonnier malgré lui. Harold le sait et va profiter de la situation pour s’en faire un allié et ainsi prouver à tout son entourage, son père le premier, que les dragons ne sont pas ces monstres sanguinaires ainsi décrits dans le livre que doit parcourir chaque apprenti viking. Surtout, il lui montrera qu’il n’est pas le boulet que tout le monde veut bien voir en lui (toute la symbolique étant contenu dans son nom original, Hiccup, qui signifie hoquet, soit quelque chose qui dérange, qui gène). Cinq minutes durant lesquelles les principaux enjeux et thématiques du film seront diluées sans l’aide de la moindre réplique dialoguée, afin de préparer, de rendre évident, les faits qui suivront sans avoir à en expliquer ou ré-expliquer les tenants et aboutissants.




La séquence s’ouvre sur un plan large (1), celui du vallon déjà visité plus tôt par Harold. Ce plan fait directement suite à une réplique d’Astrid suggérant au jeune homme de prendre parti dans l’affrontement entre vikings et dragons. Visiblement, Harold a déjà choisi son camp. En outre, la forme circulaire (ou en tout cas elliptique) de cet endroit évoque directement celle des arènes d’entraînement où s’affrontent vikings et dragons. Ici aussi, un combat va avoir lieu.
Plan fixe : Harold tient un bouclier dans la main gauche, un poisson dans la main droite et avance droit devant lui (2). Lors de sa première venue, il avait observé Toothless et s’était mis à le dessiner de la main gauche. On en déduit logiquement qu’il est gaucher. La prise du bouclier dans sa meilleure main montre donc sa crainte, quand bien même il a déjà été confronté par deux fois à Toothless, lequel l’avait toujours épargné. Harold lance le poisson, raccord mouvement pour un plan fixe de demi-ensemble (3). Le poisson atterrit sur la droite du cadre, Harold est caché par le rocher sur l’extrémité gauche, puis sort très légèrement la tête. Une échelle de plan que l’on retrouvera plus tard à quelques reprises. Cette première fois contribue à positionner les personnages dans leur environnement, le poisson étant ici assimilé au dragon puisque repas qui lui est destiné. Dans ce qui suivra, Harold sera toujours situé à gauche, Toothless à droite.
Harold continue sa progression en observant les alentours, mais se retrouve bloqué par son bouclier, coincé entre deux rochers (4). Il passe en-dessous, sûr de le récupérer dans la foulée, ce qu’il ne parvient pas à faire. Sa nouvelle confrontation se fera donc sans défense, ce qu’il comprend d’office du fait d’une mimique et d’un hochement de tête (la précision est importante dans le cadre d’un film d’animation où les acteurs sont les animateurs), mais choisit de ne pas fuir. Caméra à ras du sol, Harold récupère le poisson. La caméra suit le mouvement du personnage lorsqu’il se relève.





Plan d’ensemble situant Harold au sein de son environnement (1). Le premier enjeu de la séquence étant l’approche d’un dragon jugé dangereux par Harold, la mise en scène contribue à créer un début de tension en confrontant l’adolescent à l’immensité des lieux, cette prison qui ne lui offre guère d’échappatoire. Dans leur gestion de l’espace, les réalisateurs s’autorisent une petite tricherie au gré de ce qui semble être un raccord mouvement (2). Le montage a pourtant visiblement éludé une partie de l’errance d’Harold puisque ce plan-ci ne le positionne pas à l’endroit où il devrait être. Légère contre-plongée, travelling circulaire autour d’Harold dans le sens contraire de sa marche, laissant apparaître Toothless en arrière-plan. L’échelle du plan, cadrant Harold à la taille, nous empêche de voir la direction dans laquelle il se dirige (il semble marcher sur place), par ailleurs impossible à discerner du fait de la combinaison de plusieurs mouvements : celui de la caméra, de la marche mais aussi du visage qui balaie son champ de vision sur 180 degrés. Une association de mouvements s’opposant et qui provoque chez le spectateur une perte de repères, telle celle vécue par le personnage, qui semble égaré. Toothless remue la queue, comme excité par ce qu’il voit. Harold évolue en contrejour, sa silhouette sombre fait alors écho à la couleur du dragon et en renforce la menace, bien que la focale laisse le dragon relativement à distance.

Un éloignement que viendra confirmer le plan 3 : contrechamp, plongée, les positions sont inversées. La caméra suit cette fois la marche d’Harold. Nouveau contrechamp, Harold, de nouveau cadré à la taille, s’apprête à découvrir Toothless (4a). Celui-ci descend de son rocher, la caméra s’abaisse à sa hauteur. Toothless ne semble pas amical, s’empare de la quasi-totalité du cadre en repoussant Harold sur son extrémité gauche, ainsi que la caméra qui suit ses mouvements, pour à terme couper Harold en deux, à la fois dans sa hauteur et sa largeur (4b). Le danger semble d’autant plus total que le dragon est en position d’attaque, ou en tout cas est perçu comme tel. Fondamentalement, personne ne s’est jamais retrouvé face à l’une de ces bêtes mythologiques et par conséquent, rien ne dit clairement que cette position d’attaque en est une. C’est la mise en scène qui nous en informe (la focale, ici plus longue que sur le plan 2, écrase les perspectives et met les deux personnages sur un pied d’égalité (4a) avant que l’animal ne domine totalement le champ (4b)), ainsi que le comportement du dragon, inspiré par celui d’un félin. Sanders, Deblois et leurs animateurs jouent ici logiquement sur l’inconscient collectif pour susciter l’effet voulu.




Le garçon sent le danger et s’empresse de tendre le poisson dans sa direction. Un mouvement hésitant, d’une seule main. Toothless s’approche, confiant, mais aperçoit le couteau attaché à la ceinture d’Harold. Le dragon le voit comme un danger potentiel et se remet en position d’attaque, ce qui provoque le recul d’Harold. Ce dernier s’empare de la lame, la lâche sur le sol de façon bien visible et la jette dans le lac. Lac que l’on ne verra pas, le découpage condamnant ce lancer au hors-champ pour s’intéresser à la réaction du dragon. Celui-ci change alors totalement d’attitude, les yeux menaçant se font ronds, les oreilles se redressent, il s’assoit et observe Harold.




Deuxième tentative pour Harold qui tend une nouvelle fois le poisson vers Toothless. Les animateurs choisissent cette fois un geste plus assuré, plus calme car effectué avec les deux mains, tel un cadeau qu’Harold s’apprête à offrir. Toujours méfiant, le dragon s’approche. Pour la première fois, Harold et Toothless sont réunis dans une entente cordiale : le cadre est large, la caméra observe, de manière encore distante, ce premier contact entre les deux personnages, imprimant à peine la marche du dragon au gré d’un très léger pano vers la gauche. Il s’agit là de traduire un premier accomplissement dans l’amitié naissante du duo, tout en évoquant le chemin restant à faire pour la concrétiser.
Toothless est proche du poisson, ouvre une gueule ne laissant apparaître aucune dent, ce qui surprend Harold. Après tout, la furie nocturne – c’est la race à laquelle il appartient – est censée être un dragon surpuissant et extrêmement dangereux pour les vikings. Toothless finira certes par dévorer le poisson à vitesse grand V après avoir sorti les canines qu’il possédait, il y a là une dualité qui était à la fois inconnue des humains de la diégèse et de nous-mêmes. Tout ce que l’on croyait pour acquis est donc à remettre en cause, par Harold le premier.
Toothless repousse Harold jusqu’à ce qu’un rocher le bloque. C’est sa seule option face à une apparente menace contre laquelle il n’a plus la moindre possibilité de défense. Les cadres se resserrent, la caméra emboîte le pas des personnages en se déplaçant continuellement de la droite vers la gauche. Légère contre-plongée lorsqu’Harold (notre référent) fait face à son opposant, légère plongée quand il devient la victime potentielle. Une impression de prédateur face à sa proie qui se révèle très vite faussée par un Toothless dont la seule intention était donc de régurgiter une partie de son repas. Là aussi, le dragon nous surprend et nous rappelle que nous ne comprenons pas encore totalement l’animal.





Autre accomplissement : une nouvelle fois, le découpage fait intervenir un plan « neutre » réunissant les deux personnages, bien que l’un soit clairement observé par l’autre (1). Une différence notable, le cadre est plus serré que dans le précédent cas. On se rapproche de la finalité de la séquence, et le comportement de Toothless le prouve. Outre un recul indiquant à Harold qu’il ne désire pas lui faire du mal, les animateurs ont eu l’excellente idée de lui faire adopter une position assise qui d’une part, humanise l’animal par effet d’anthropomorphisme, d’autre part le place en position d’observateur du fait de sa taille imposante, en opposition à la position allongée et recroquevillée de son vis-à-vis. Un observateur qui, visiblement, attend quelque chose de précis. Ce que la mise en scène nous fait comprendre, Harold ne le perçoit pas instantanément. Il lui faut un geste du dragon pour interpréter ce que ce dernier attend de lui. Pendant près d’une minute vont se succéder des champ-contrechamps qui épousent l’angle de vision des deux protagonistes, les séparant autant à l’image qu’ils semblent prêt à se réunir à tout instant. C’est là tout l’enjeu de la séquence : l’unification. Une thématique fondamentale du film puisque sur elle reposent entre autres la relation entre Harold et son père ainsi que la résolution du combat final (sans l’aide de dragons « domestiqués », la défaite est inévitable). A la manière de cette demande, Harold doit apprendre à saisir ce que veut Toothless pour arriver à ses fins. Dans un premier temps, comprendre qu’il doit manger le poisson (2 et 3), puis avaler sa bouchée (4). Chose qui semble plaire à Toothless qui tente de reproduire le sourire d’Harold (5), comme pour afficher sa satisfaction à la manière du jeune garçon. On peut déduire ici que si ce dernier ne se révèle pas très clairvoyant quant aux envies de Toothless (une nouvelle fois, sa main tendue se soldera par la colère du dragon), lui au contraire affiche sa connaissance de l’humain. Une nouvelle facette de l’animal qui, souvenons-nous en, voyait la mort approcher sitôt l’arrivée d’Harold lorsqu’il était encore coincé dans ses filets.



En colère, Toothless s’éloigne significativement d’Harold en rejoignant l’extrémité droite du cadre, à l’arrière-plan, brûle le sol pour se faire un endroit qu’il juge vraisemblablement plus confortable ainsi, bien que ces flammes puissent aussi traduire une certaine frustration. Le son qu’émet Toothless à cet instant-là, tout comme son regard, corroborent cela. Pour la première fois, le dragon est positionné sur le côté gauche du cadre. A droite, le point condamne la bête au flou et met en évidence un oiseau dont le son capte l’attention de Toothless. Bascule de point, l’oiseau s’envole, effectue une sortie de champ par la gauche du cadre. Oreilles levées et yeux ronds, Toothless est pris d’attention pour l’oisillon dont l’envolée ne lui évoque rien d’autre que cette liberté qui lui a été enlevée. Pour rappel, sa queue a été littéralement « coupée en deux » suite à sa lourde chute en début de métrage.



Une nouvelle fois, Toothless est contrarié par la présence d’Harold, ce que les cinéastes traduisent par un plan réunissant encore, de façon soudaine et imprévisible, les deux personnages. Là ou une entrée de champ d’Harold aurait peut-être eu moins d’impact en ce sens.
Toothless est blasé et n’a même plus envie de s’éloigner de nouveau du garçon. Si celui-ci ne le comprend pas, il n’est de toute façon pas dangereux. Une énième fois, Harold fait une tentative d’approche qui se solde par un échec, Toothless n’étant toujours pas décidé à se laisser approcher. L’ado avoue sa défaite, sort du champ par la gauche, démarche imitée par le dragon du côté droit. Là encore, la séparation se pare d’une complémentarité (certes contrariée) dans la symétrie du geste (plus tôt, Harold a imité Toothless dans son hochement de tête, dans le fait d’avaler, et inversement, le dragon a imité le sourire de l’ado). Bref, ces deux-là sont fait pour s’entendre mais il manque un élément pour satisfaire cette conciliation.



Ellipse. La lumière est différente, plus apaisée. Toothless, telle une chauve-souris, sort de son sommeil. Tout porte à croire que l’action se situe désormais à l’aube, ou au contraire en toute fin de journée. Harold n’aura cependant pas quitté le vallon si l’on se fie au fondu-enchainé introduisant cette nouvelle temporalité. Une idée visuelle qui fait sens puisqu’elle change à elle seule le ton de la séquence et porte sur elle un nouveau point de vue où les choses sont, littéralement, éclairées sous une lumière nouvelle. Une symbolique qui implique conséquemment un changement à venir. Bref, une pure idée de cinéaste (en dehors de la métaphore, l’ellipse temporelle n’a pas d’impact narratif direct, tout ce qui suit aurait très bien pu se dérouler dans la droite continuité de ce qui a précédé) qui, accessoirement, apporte à la mise en images une poésie toute particulière. En d’autres termes, c’est très beau et tout cela participe pleinement de l’ambiance qui règne désormais.
Notez le souci du détail des animateurs, qui vont suggérer un premier lien entre Harold et son futur destrier : si Toothless aperçoit l’ado, c’est parce qu’il en aura préalablement senti l’odeur. Le plan suivant, esseulant celui-ci dans son environnement (effet renforcé par le simple rocher sur lequel il est assis, rare relief présent en dehors des bordures de la vallée) montre pourtant son éloignement. Détail amusant, on pense en premier lieu à une vue subjective là où seul l’axe de vision du dragon est adopté (dans sa position, l’animal voit à l’envers). Un lien concret existe désormais entre les deux personnages, et ce malgré les contrariétés rencontrées jusque là. Aussi, personne ne sera surpris quand Toothless viendra secourir Harold lors du combat contre la vipère, malgré la distance qui les sépare.



Puis vient ce moment où ledit lien passera de « mental » (l’odeur) à tangible. Harold dessine Toothless sur le sol à l’aide d’une branche. Le dragon s’approche, curieux, puis contemple attentivement la scène. Pour la première fois, c’est lui qui effectue une entrée de champ. Symboliquement, il pénètre la sphère privée du jeune garçon, qui plus est par la gauche, inversant alors les positions qu’ils occupaient depuis le début. Deux plans fixes en contre-plongée viendront étayer ce nouvel ordre établi, tous deux aussi neutres que l’étaient ceux dont nous parlions plus haut. Les personnages ne se font néanmoins plus face mais adoptent de concert le même comportement (Toothless réagissant parallèlement aux gestes du bras d’Harold). Des nuages rougeâtres enveloppent Harold, laissant penser à des ailes. Cet élément, allié au dessin, ne laisse guère de doutes sur ses désirs d’envol, soit les mêmes que ceux de Toothless, que l’on nous a rappelé quelques secondes plus tôt. Leur union est désormais proche et il ne manque plus qu’une compréhension réciproque pour la finaliser. Une compréhension qui ne va pour l’instant qu’à sens unique.




« Il n’écoute rien » disait le père en début de film, « quand on va à la pêche, il chasse les trolls. ». On l’a dit, c’est là tout l’enjeu de la séquence. Parallèlement, on a pu constater avant celle-ci que père et fils ne sont pas si différents qu’on a bien voulu nous le montrer. Si Harold est incapable d’écouter, comme il continue de le faire avec Toothless ici, le père n’accepte pas son fils dans la mesure où il veut avant tout qu’il soit des leurs. Ce qui, concrètement, implique qu’Harold ne soit pas lui-même mais une image, celle dessinée par son géniteur. Celle du viking tueur de dragons et non de l’ado pacifiste qu’il est réellement. Comme Harold, le père remportera la victoire finale une fois qu’il aura libéré Toothless, soit a posteriori de la pleine acceptation de ce qu’est véritablement son fils, et donc de la remise en question de ses acquis moraux. Un schéma qui sous-tend ces cinq minutes dans le vallon, dont la résolution arrive ici.

Une nouvelle fois, Toothless comprend ce que fait Harold et se met à l’imiter. Il prend une branche et dessine le visage d’Harold sur le sol, comme le montre un mouvement de tête du dragon au milieu de son œuvre, observant le jeune garçon pour mieux le reproduire. Fier, il fait signe qu’il a terminé. À l’aide d’une vue en plongée, nous voyons qu’il n’est en rien question d’une reproduction fidèle d’Harold. Deux solutions se posent alors : soit Toothless est un piètre dessinateur, ce qui ne serait pas surprenant au demeurant, soit il s’agit là d’Harold tel que le voit l’animal. Une sorte de sac de nœuds représentant ce qu’il est intérieurement. Seulement, Harold ne peut appréhender pleinement le dessin de son point de vue, il va devoir sortir de ce que Toothless lui présente maintenant comme une suite d’obstacles. On pourra toujours reprocher à l’ado d’être un peu couillon, mais là encore il lui faut poser trois fois le pied sur une des lignes pour comprendre que le dragon perçoit cela comme une provocation. Au gré d’une chorégraphie sublimée par la superbe composition de John Powell, Harold les évite une à une, marchant en arrière et prenant ainsi, littéralement, du recul sur la situation. Une suite d’obstacles le menant logiquement à un Toothless enclin à se laisser approcher. Enième échec pour une énième main tendue, Harold entre visiblement dans une rapide réflexion qui le mènera à la solution adéquate. Le garçon tourne la tête, évite le regard du dragon car ayant enfin vu Toothless tel qu’il est réellement : un dragon, une bête que les humains chassent et qui ne compte pas se laisser toucher par l’un d’eux. Il est un tueur d’humains, et cela Harold devait le comprendre, devait sentir sa nature intérieure et non le limiter à la seule silhouette qu’il se plaisait à dessiner. Toothless peut désormais approcher de lui-même et accorder sa confiance. Symbole du changement de rôles (dominateur et dominé), les positions sont inversées. Harold est maintenant à droite, Toothless à gauche, le cadre réunit finalement les deux protagonistes en étant plus serré que jamais auparavant.



Tout comme nous, Harold aura appris qu’il n’est pas si facile de passer outre les apparences. Cette vision intime de l’autre est faite d’obstacles, d’un apprentissage pas si aisé. Personne ne s’étonnera d’ailleurs du sort que Toothless réservera à Astrid lorsqu’elle grimpera sur son dos la première fois, ni même de l’endroit où elle donnera un premier baiser à Hiccup. Et tout simplement, pourquoi elle l’embrassera. C’est la compréhension, l’acceptation de l’autre pour ce qu’il est qui sous-tend ici les rapports humains et qui mènera à la paix. Nous l’avoir fait ressentir est probablement ce qui fait la force de ce Dragons, meilleur film de l’écurie Dreamworks encore à ce jour.

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La Route D’Eldorado

Courte-Focale.fr : Analyse de La route d'Eldorado, de Eric Bergeron et Don Paul (Dreamworks, USA, 2000)

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