Im Sang-soo n’en avait-il pas fini avec la satire corrosive des ultra-riches coréens après The President’s last bang et surtout The housemaid ? Il faut croire que non, tant le sujet lui semble être un puits inépuisable de vacheries et de situations sarcastiques. Dernier film présenté en compétition cannoise en 2012, L’ivresse de l’argent ne surprend donc pas le moins du monde, tant il est aisé de deviner son sujet et son synopsis rien qu’en regardant l’affiche. Pour faire court, un jeune secrétaire se fait un soir « violer » par sa patronne, sorte de Cruella machiavélique et épouse du dirigeant d’un puissant empire industriel coréen, qui décide de l’utiliser à sa guise tout en lui offrant la possibilité de gravir rapidement les échelons. Sans compter que le patriarche prend plaisir à se taper la servante dans la piscine, que la jeune fille riche finit par s’enticher du secrétaire, et que l’univers du film est de ceux où le sexe et l’argent forment de rapides accès vers le pouvoir… Non, ce n’est pas le dernier Max Pécas, mais on reconnaîtra néanmoins que le film se rapproche davantage d’une farce cruelle et sarcastique sur un monde puant de richesse que le mépris des classes inférieures pousse très facilement au crime. Du coup, Im Sang-soo contourne très habilement le risque d’un banal message genre « L’argent, c’est pourri et ça corrompt les gens » pour se concentrer sur un savant jeu de manipulation interne que n’aurait pas renié le regretté Claude Chabrol dans ses meilleurs moments. En outre, le réalisateur répare les quelques défauts qui faisaient parfois de The housemaid une jolie carapace de thriller en papier glacé : aussi stylisée et symbolique soit-elle, la mise en scène sait jouer du contraste entre la sérénité des décors incroyablement glaciaux et les turpitudes de personnages en ébullition. Sans compter que l’enfilade de travellings sophistiqués finit par ne plus générer une agréable sensation de flottement, mais un profond malaise, comme si le fonctionnement de ce cocon familial perverti de l’intérieur était réglé comme du papier à musique. Et si l’on regrettera un final trop sage qui aurait gagné à hausser un peu plus la dose de cyanure, on n’en reste pas moins ébloui par une telle perfection esthétique, ici tellement concordante avec le fond qu’elle reste au-delà de l’exercice de style. Maintenant, on aimerait bien que le cinéaste change un peu de registre à l’avenir…
