Ray Donovan – The Dark Knight of L.A

SHOWRUNNER : Ann Biderman
CHAÎNE DE DIFFUSION : Showtime
AVEC : Liev Schreiber, Jon Voight, Paula Malcomson , Kerris Dorsey, Devon Bagby
SCÉNARIO : Brett Johnson, Ann Biderman, David Hollander, Michael Tolkin
ORIGINE : Etats-Unis
GENRE : Drame, Polar
STATUT : En cours de production
FORMAT : 52 minutes
BANDE-ANNONCE

Synopsis : Un spécialiste des litiges les plus compliqués, controversés et confidentiels des familles les plus aisées de Los Angeles, a bien du mal à régler ses problèmes à lui, bien souvent d’ordre familial…

Dans la famille Anti-héros, on demande Ray Donovan. Classée dans les catégories “crime”, “drama” sur la IMDB, elle s’avère être assez difficile à classifier. Le synopsis est simple et prometteur : Ray Donovan, grand brun ténébreux travaille pour un avocat aux clients riches et célèbres. Pour les contenter, il doit tout simplement étouffer les affaires douteuses dans lesquelles ils peuvent tremper. Un scandale est sur le point d’éclater ? De manière peu orthodoxe, Ray le réduira à néant, qu’il s’agisse de manipuler les médias ou de dissimuler des cadavres – au sens propre comme au figuré. Il semble qu’il n’y ait qu’un ennui qu’il ne puisse faire disparaître : son père qui sort tout juste de prison. Ray n’est pas détective mais en a l’allure, en témoignent ses deux hommes de main, un ancien agent du Mossad (Avi) et Lena. Un de ses buts au quotidien est d’éviter la police et les médias, de toujours savoir les devancer. S’il doit parfois maquiller des crimes, Ray peut aussi jouer les protecteurs pour des stars en détresse. Sa profession a un nom et correspond à une figure désormais devenue un véritable archétype à Hollywood : le fixer.

Cette figure du fixer à la réputation encore pugnace aux Etats-Unis se développa dans les années 1940 ; ces hommes de l’ombre géraient ce que les avocats ne pouvaient faire, usant de pot-de-vin voire de menaces. Le motif permet toutes les incartades, toutes les digressions et nous fait errer du comique doux-amer au drame intime. C’est ce ton décalé fondé sur du comique de situation et un surréalisme prononcé qui rend la série si singulière. On ne se contente pas de faire dans le drame familial ou dans le polar qui conterait une ville corrompue, non, on montre la débauche avec une ironie cuisante, on oppose l’apparence des vies de famille bien rangées à ce qu’elles dissimulent : une épaisse noirceure. Cela commence bien évidemment dans le pilote de la série avec les protégés de Ray, personnages survoltés qui prêtent souvent à rire. On pense à Jimmy qui souhaite un joyeux anniversaire à Connor en lui exposant par webcam les poitrines de bimbos sur lesquelles sont écrits au marqueur les mots “Happy birthday Connor” ou alors aux hallucinations de Mickey ; aux animaux qui lui parlent (du dauphin au cheval). Si un personnage convient à ce registre, c’est bien évidemment ce dernier qui sera l’occasion de bien des pitreries ; Jon Voight s’en donne à coeur joie. D’autre part, certaines scènes présentent des traits d’humour plus grinçants, on pense au combat de boxe de l’épisode 1 où des juges sont éclaboussés du sang des boxeurs et restent totalement impassibles, habitués à ce petit goût ferreux qu’ils apprécient tant.

Si la saison 2 est bien plus sombre que la première, cela n’entrave donc pas le ton délirant de la série qui fait son identité. Cette touche de légèreté n’est pas que superflu, elle reflète Hollywood où tout est démesuré, où tout est spectacle, à l’image des piscines bordées par de fastueuses soirées sur les versants les plus cotés de la région. Dans cette lignée humoristique, on assiste à l’anniversaire de Connor, véritable mascarade qui offre un show délectable au spectateur. On est alors dans un véritable soap. Ne pourrait-on pas y voir un hommage aux séries TV ? Cela ne serait pas incongru puisque Ray Donovan, aux confins de l’oeuvre “méta”, rappelle à plusieurs reprises le genre du film noir. On aurait alors un kaléïdoscope des genres qui marquent Hollywood. C’est un hommage bien amené puisque le fixer constitue la face cachée de son industrie. Pour cerner la production multifaces de Showtime, on se concentrera sur la saison 2 puisqu’elle dévoile toute la maîtrise d’Ann Biderman, maîtrise qu’on avait seulement soupçonnée lors de la première saison.

Note bene : Ce motif du fixer qui touche aux coulisses d’Hollywood, les plus indicibles qui soient, est peu abordé au cinéma et rarement traité à la télévision. Néanmoins, les frères Coen préparent un film, Hail Caesar, qui suivra un fixer dans les années 50. A l’époque, il était bien plus facile de protéger des clients, imaginez le contraste avec les temps de Ray Donovan qui se confronte quotidiennement aux réseaux sociaux et à l’instantanéité de l’information. Tout évènement risque d’être filmé sur un téléphone portable, diffusé sur YouTube comme on le verra avec le meurtre de Marvin. Plus les années passent, plus les menaces évoluent de manière exponentielle pour qui est désireux de contrôler son image ou de dissimuler quelques cadavres…

LOS ANGELES, DU FASTE AUX RINGS DE BOXE CORROMPUS

On distingue une véritable opposition entra la journée, temps de la vie familiale du anti-héros et la nuit, moment où le mal se dévoile tout entier. Cela affleure jusqu’au traitement esthétique de la série, jusqu’à la colorimétrie. Si la journée nous avons droit à de belles étendues de bleu ciel, à un soleil rayonnant, bref à un monde saturé de lumière, la nuit nous offre des jeux d’éclairage bien plus intéressants. En extérieur, cela donne forme à des espaces sans lumière où la clarté de la lune éclaire à peine le visage des personnages, si peu qu’il serait même inexact d’évoquer du clair-obscur. On pourrait presque parler de dimension en noir et blanc.

In fine, L.A. serait “Sunny” la chanson du jeune rappeur Marvin qu’il compose pour célébrer Bridget sa petite amie. Bridget, enfant de la ville correspond aux espoirs que ses paillettes factices abritent. La jeune fille participe à des soirées, réfléchit à son orientation et se laisse éblouir par les célébrités. Mais très vite le chanteur, son premier amour, ne sera plus, assassiné pour son argent. Le monde urbain, personnage à part entière de la série ne peut être que le royaume de l’obscurantisme. La jeune et innocente Bridget devra découvrir les compromissions et faire avec une organisation pourrie. En effet, la vérité n’éclatera jamais au sujet de Marvin et Bridget, la fille de Ray ne pourra pas expliquer à la police qu’elle a été témoin du meurtre de son petit-ami. Ainsi la pureté de l’adolescente sera entâchée, son âme noircie à l’image de la ville. Encore une fois, cette atmosphère nous rappelle celle de certains films noir. Dans Le Crime à l’écran, Michel Ciment évoque des “atmosphère poisseuses” et souligne que dans La Soif du Mal, “la frontière entre le bien et le mal est infiniment mouvante”. C’est bien le message que la saison véhicule en l’annonçant dès le premier épisode. Bridget est arrêtée par la police. On comprend rapidement que le coup monté est un avertissement fait à Ray mais il y a double énonciation puisque cela n’est pas seulement le reflet d’un message envoyé par des forces de l’ordre corrompues au privé, il s’agit aussi des scénaristes qui envoient un message au spectateur. Les affaires peu orthodoxes de Ray se répercutent sur sa famille durant cette saison et plus particulièrement sur son aînée. On peut d’ores et déjà anticiper les épreuves que subira cette dernière : non seulement assister au meurtre de son petit ami mais aussi devoir mentir à la police, ne pas témoigner contre l’assassin qu’elle a pourtant indentifié. Bridget choisira le mensonge, la voie de son père et s’en fera d’ailleurs la voix auprès des inspecteurs de police. La série donne donc aux enfants une portée symbolique et ne les oublie jamais, fait relativement rare et notable à la télévision. On pourrait établir un parallèle avec la série The Americans qui fait de même dans sa deuxième saison.

Un autre élément fait écho au cadre urbain de la série, entité au moins autant essentielle que le personnage éponyme : il s’agit du ring de boxe que l’on retrouve régulièrement puisque Terry, le frère de Ray possède une salle d’entraînement. Cet espace poisseux où s’entraînent les membres de la famille Donovan voit naître toutes les combines et circuler les secrets. L’espace restreint est boudé par Ray qui y voit la catalyse des vices. Non réglementés, les combats que la série engendre ont souvent des conséquences néfastes pour ses frères. C’est dans la salle d’entraînement que Mickey convaint Terry de se lancer dans un braquage à mains armées. En somme, cette arène serait une miniature de Los Angeles, un terrain d’entraînement pour ses enfants.

D’autre part, l’’incendie de la saison 2 qui fait suite à une explosion chez Mickey apporte des lueurs orangées qui pourraient évoquer les choix esthétiques de la saison 1 de Veronica Mars. Rob Thomas avait décidé de cercler le bureau du détective Mars de couleurs taupes et de le faire baigner dans une relative obscurité expliquant dans Neptune Noir et les bonus des DVD qu’il avait écrit le scénario en pensant au film noir. Ainsi, la série tenait autant du teen drama que de ce genre. Cette veine n’est pas totalement étrangère à Ray Donovan qui en reprend discrètement quelques codes et densifie son atmosphère au fil des épisodes, augmentant la tension des antithèses qui la composent, ne serait-ce que dans la palette des couleurs. La cohérence est donc claire entre la thématique (on retrouve les topoï du justicier, du vengeur, de la femme fatale qui attire le héros, le menant à sa perte) et l’esthétique. Et comme le souligne Amanda Ann Klein dans un chapitre du livre cité plus haut, ce serait une erreur de cantonner le genre à des ruelles sombres, glauques et éloignées des suburbs. La chercheuse de citer Assurance sur la mort et Boulevard du crépuscule qui y prennent source. De la banlieue dorée à la crasse dissimulée d’une ville viciée, il n’y a qu’un pas ; notre société en prend pour son grade.

Cette opposition entre lumière et obscurité a aussi lieu via la narration. Le cadre est assez vite planté : une ville dorée, des palmiers, du soleil à outrance et des soirées autour d’une piscine, tout ceci dans une société corrompue où chaque famille est rongée par les secrets. Les apparences font face à une vérité qui devra toujours être dissimulée. Leitmotiv de la série, le faux-semblant et le mensonge seront toujours les mots d’ordre. Jusqu’à la saison 2, la police semble d’ailleurs totalement absente. Les forces de l’ordre qui seraient synonyme de transparence, de mise à jour des agissemements nocturnes ou plus généralement les services publics, des ambulances aux pompiers sont gommés de la ville. Les personnages blessés sont rarement secourus par des urgentistes et l’on ne pénètre jamais dans l’enceinte des urgences. Bref, ici ce sont les truands ou rappeurs milliardaires qui font la loi et qui organisent la société. C’est à la fois la moelle de la série et son charme, la raison pour laquelle elle sait nous attirer.
Ray réprouve le système mais en est un des principaux exécutants, paradoxe qui nous interpelle et sera expliqué à la lueur de son passé. L’ambiguïté de son personnage est le principal intérêt de la série qui se meut dans la mode du anti-héros. Pari réussi ici puisque le personnage éponyme ne manque pas de relief. Dès lors, on se soucie guère de la profondeur des personnages secondaires ou de l’évolution – quasi inexistante du père de Ray – on tient notre vengeur en costard-cravatte, homme à femmes, énigmatique, aussi dangereux qu’attirant. Suite à l’explosion de l’appartement de Mickey, on aperçoit tout de même les forces de l’ordre, les extincteurs et ambulanciers qui souhaitent emmener Connor avec eux. Ray s’y oppose, car l’ordre, c’est lui mais il se fait arrêter : signe qu’il perd du terrain et que les valeurs initiales sont bouleversées. Le suspense est à son comble, la figure du anti-héros est pour la première fois mise en danger ce qui instaure un certain suspense chez le spectateur. On commence même à douter du pouvoir de Ray mais la fin de saison rétablira sa toute puissance. Précisément quand ce pouvoir vacille, un personnage fait son apparition, correspondant à la figure du chevalier blanc : c’est le premier inspecteur de police franc et intègre que l’on rencontre. On avait en effet découvert cette saison un agent du FBI avide de pouvoir et corrompu, finalement plus amoral que Ray Donovan et son patron.

CHEVALIER NOIR VS CHEVALIER BLANC

S’il est plein de bonnes intentions et que son honnêteté nous surprend tant elle fait figure d’exception dans cet univers chaotique, on doit bien dire que le jeune policier fait pâle mine face au charisme de Ray. Il propose à Abby de venir vivre avec lui et de délaisser son mari, ses magouilles, lui promettant de tout faire pour la protéger du monde mafieux qui les guette. Et pourtant, en tant que spectateur, on ne souhaite pas que les enfants adoptent une vie normale, que la justice suive son cours et que la famille de Ray le rejoigne épousant une vie paisible de banlieue. Le regard final de Ray se meut en catharsis pour nous, pour résumer : tout sombre, on sombre. Finalement, le drama nous permet d’assouvir des pulsions inavouées. Nos idéaux de démocratie, de justice et de vérité s’effacent sans honte car nous sommes dans la fiction ! On souhaite un monde où il est possible de tout contrôler, ce que Ray permet. On souhaite que plus aucune menace ne plane sur ses enfants et par dessus tout on a soif de vengeance. Aurait-on adhéré à l’arrestation de Cookie Brown ? Certainement bien moins qu’à son meurtre et surtout l’ingéniosité de Ray à le rayer de la ville nous laisse cois.

Quand le sang de Cookie coule, la jouissance est totale pour nous mais aussi pour Abby, la femme de Ray ! En filigrane de sa relation avec l’inspecteur de police l’aspiration à une vie normale, lisse et proprette. Néanmois face à une déferlante de violence, son admiration pour les qualités humaines de son amant la retourneront contre lui et lui feront rejoindre le côté de Ray qu’elle n’avait finalement jamais quitté. Comme on nous le montre quelques épisodes plus tôt au centre de tir, elle aime se protéger elle-même, son amour des armes en témoigne et elle semble faire l’apologie des justiciers autoproclamés. Elle demande en effet à son amant de boucler Cookie Brown par le biais d’un coup-monté, de le faire enfermer sans une seule preuve ou tout simplement de le tuer !

Ces figures antagonistes et antithétiques évoluent donc dans un milieu urbain qui fait résonner en nous l’absurdité de l’existence, par des environnements superficiels mais aussi à travers le développement de la corruption et la victoire du mensonge. Cet univers à la dérive rend hommage à toute une tradition cinématographique qui narre les aventures d’un caractère solitaire, nourrissant ses propres codes moraux. Dans Le Crime à l’écran de Michel Ciment, le privé du film noir est “coincé entre la police et les truands, le privé est un être seul qui ne peut compter sur personne. En un sens, il forme avec le gangster les deux faces d’une même médaille”. On retrouve dans cette définition l’essence de Ray, personnage taciturne et bien souvent impassible, à l’image d’une société de plus en plus froide et desabusée. Si Mickey est un truand à la petite semaine, Ray correspond davantage au ganster décrit par Ciment, dans le sens où il agit en tant que mécanisme d’une organisation complexe et corrompue (par définition le gangster appartient à un gang). Et en effet, il reflète un système bien huilé, ancré dans L.A. à l’inverse de son père qui oeuvre en solitaire, égoïste, n’agissant que pour lui-même. Ces rouages sont ceux qui articulent les personnages de la série, du pilote au season final.

Le gangster en question possède toutefois un code d’honneur. Ray a trompé sa femme à de nombreuses reprises, possède même une garçonnière mais ne lui pardonne pas son aventure, peut-être parce qu’elle s’est attachée à un autre homme, donnant à cet adultère une dimension sentimentale ce que Ray ne s’autorisait pas à faire jusque là, n’imaginant pas une seconde de quitter son épouse. L’autre fait figure de justicier blanc et cela insupporte Donovan car il représente la justice qui l’a laissé tomber et qui a fait défaut à sa soeur, le menant à ne faire confiance qu’à lui-même et créer ses propres systèmes de valeurs. Nous assistons ainsi à un duel déséquilibré qui prend place hors du ring : chevalier noir contre chevalier blanc. Ce dernier sombrera dans l’épisode 10, prêt à sacrifier son code éthique pour la femme de Ray et devenir un ersatz du fixer. Tout est rongé par une société corrompue dans laquelle le mal triomphe, sous les supplications de son amante, le plus intègre des personnages de la série accepte de jouer les justiciers. S’il n’y parvient pas, c’est davantage parce qu’il n’a pas l’aura de Ray que par conviction profonde. La société dans laquelle on vit engendre immuablement des hors-la-loi. Rien ne change jamais vraiment, en atteste le parcours de Mickey Donovan qui, après vingt ans de prison ne parvient pas à s’extraire des coups foireux en tout genre.


L’inspecteur-amant en blanc, le mari-fixer en noir

EROS PERVERTI

La figure de la femme fatale n’est développée qu’avec Kate McPherson, coup de foudre du personnage principal qui pourrait bien le mener à sa perte. La journaliste paiera de sa vie la quête de vérité et se fera elle-même tromper plus d’une fois par le système. Celle qui aimerait mettre à jour l’enfance de Ray fait écho aux femmes de son passé qui le hantent toujours et conditionnent son rapport à l’autre.

La saison 2 s’ouvre avec des scènes très dures où Ray viole sa femme, cette dernière ne mettra de mots sur son acte qu’a posteriori, ne pouvant plus autoriser son mari à disposer de son corps quand bon lui semble qui plus est de manière brutale. On remarque qu’il est relativement tendre avec des inconnues et bestial avec Abby, lui faisant l’amour – si on peut encore parler d’amour – de manière extrêmement mécanique comme elle le confirmera elle-même en se confiant à son amant. Quand un personnage se rapproche trop de lui, et commence à le connaître, lui et ses démons intérieurs, comme Kate McPherson, la violence ressurgit. Tout est lié au traumatisme vécu lorsqu’il était enfant, c’est-à-dire au prêtre qui a abusé de lui et son frère. Le sexe est par conséquent signe de vulnérabilité pour lui, c’est pourquoi il implique nécessairement un rapport de force avec sa femme : un dominant et un dominé. Par ce biais, Ray gagne sur le pédophile qui l’agressait et acquiert enfin une position victorieuse. Il se permet de trouver un peu de tendresse auprès d’inconnues auxquelles il ne permettra jamais d’accéder à son intimité. Elles ne sont rien, peu dangereuses et sans influence (on pense à Ashley de qui émane beaucoup de fragilité et avec qui il se comporte comme un second père). L’exception est faite avec Kate qui s’avère être son talon d’Achille, c’est la première fois que le personnage semble vrai, présent à l’écran. Amoureux de la jeune femme, il est prêt à risquer la prison pour protéger sa vie. On pourrait également se demander s’il n’a pas peur de laisser ses sentiments prendre le dessus sur son rôle de défenseur, de père. En effet, il n’a pu sauver ni sa mère, ni sa soeur lorsqu’il était jeune. En refusant toujours d’être passif et n’acceptant jamais de perdre une once de contrôle, il reste constamment dans son rôle de fixer dur à cuir et pense prévenir son entourage de la perversion. Sa peur d’endosser le rôle de la victime est flagrante ; il a laissé croire à tous que son frère Bunchy avait été le seul enfant violé à l’époque.

Le rapport au passé conditionne donc toute la série, les antécédents de Ray resteront brumeux durant ces deux saisons, on ne compte pas de flashbacks inutiles ni de récit à visée didactique. On en sait le moins possible et c’est bien suffisant ; quelques allusions sont rapidement faites aux deux drames de sa jeunesse qui nous sont régulièrement rappelés. Sa mère est morte d’un cancer pendant que son père la trompait avec Claudette, et sa soeur, sous l’emprise de la drogue, a sauté du haut d’un immeuble. Evidemment, ces traumatismes hantent la famille et plus particulièrement Ray qui s’est fait gardien de la famille. Après avoir évincé son père, entité néfaste, signe de malheur, il le remplace et gère le destin de ses frères avec une aura paternaliste. Ce traitement intelligent permet de limiter la narration, les références au passé et d’en observer directement les conséquences. On devine les liens entre la sexualité de Donovan et son passé sans nul besoin de discours psychanalytiques explicatifs. D’ailleurs, des scènes à la symbolique puissante font sens sans en ne recourant jamais à la parole. On pense au bain de mer de Ray, dans l’épisode 10.

THE DARK KNIGHT RISES

Si l’on voit souvent Ray se décharger des tensions de la journée sous la douche, si on l’observe souvent se nettoyer du sang versé, l’eau prend toute sa valeur dans la scène finale de l’épisode 10. Le petit ami d’Ashley, qui, on l’apprendra plus tard, est violent avec la jeune femme, demande à Ray de se confier, de s’épandre et raconter les maux qui le rongent. Sans surprise, le fixer reste muet, il le conjure alors de s’abandonner à la mer, de se livrer tout entier à elle et de nager, se confrontant aux forces naturelles. Si notre anti-héros refuse dans un premier temps, on le retrouve à la fin d’épisode sur la plage, quelques secondes plus tard, s’enfonçant dans l’obscurité marine. Un moyen de se libérer de la garçonnière qui l’enferme ?

Ce baptême nocturne à nu semble témoigner d’une humilité devant la nature, si ce n’est devant Dieu – on ignore tout du rapport de Ray à la religion. Ainsi, quand le monde sommeil, il se laisse submerger par les flots et laisse la mer l’engloutir. C’est la première fois qu’il apparaît sans défense à l’écran, comme s’il nous disait qu’il n’avait de compte à rendre qu’à une force supérieure qui régit le monde, quelle qu’elle soit. Et le final de conclure la saison dans une sublimation des notions de bien et de mal. L’obscurité qui ronge Los Angeles en ressort grandie. Situation paradoxale : la descente aux enfers est salutaire, à la manière des catabases des héros antiques. Voilà pourquoi Ray Donovan, souvent laissée aux oubliettes, est une oeuvre majeure de Showtime.

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