[Annecy 2020] Les films entraperçus

Pour des raisons de droits et de distribution, il était évident que tous les films de la sélection ne seraient pas disponibles en ligne. On peut néanmoins saluer les efforts pour proposer un minimum de contenu en compensation. Certes, on se gardera bien de se faire un jugement définitif sur la base des quelques minutes de film proposées. Mais cela donne toujours une petite indication sur la direction prise par ces œuvres – enfin, dans la plupart des cas. Certains resteront des énigmes comme Seven Days War de Yuta Murano. En effet, il est difficile de savoir quoi penser après la diffusion du passage choisi se situant au début du film. Il faut admettre que le pitch sur sa fugue d’adolescent et le visuel ne sont pas dénués de charme mais on a du mal à entrevoir où l’histoire nous emmènera et si certains pièges seront évitées. Le segment ayant un montage proche de la bande annonce rallongée, peu d’indice filtre pour savoir si les personnages sauront être plus que les caricatures qu’ils affichent sur ces quelques minutes. Il faudra donc attendre la sortie en salles pour le savoir.

Il se passe tout l’inverse avec l’extrait de The Legend Of Hei. Ces quelques minutes tirées là encore du premier acte se montrent très prometteuses. On n’en attendait pas forcément autant d’un film s’affichant comme un sous-Ghibli. On retrouve en effet un fantastique empreint de préoccupation écologique où le monde surnaturel cohabite de plus en plus difficilement avec une urbanisation galopante. Toutefois, ce qui nous est dévoilé est très loin de la copie indigne. Le fait est que le film n’a pas l’air de se contenter d’un visuel tout mignon avec personnages à croquer (son petit chat de héros) et beauté de la nature. Le réalisateur MTJJ Mutou a le mérite de voir plus loin. Principalement muettes, les scènes exposées affirment ainsi une étonnante maîtrise de laquelle découle un authentique enchantement. Qu’importe les thèmes classiques et une animation un peu simpliste, les choix de mise en scène les transcendent sur ce court laps de temps. On espère fortement que ça sera le cas sur toute la durée du long-métrage !

La séduction est bien moindre du côté du Bigfoot Family de Jeremy Degruson et Ben Stassen. Néanmoins, on s’attendait à bien pire de la part du dernier produit estampillé nWave Pictures. Il n’y a rien de très désagréable qui se dégage des extraits. C’est juste qu’il ne se dégage pas non plus grand chose. La dizaine de minutes proposée baigne ainsi dans le confort de la banalité. Sa promesse autour d’une relation père/fils tient du réchauffé, de même qu’un côté road movie enchaînant les gags attendus. Même une idée certes peu innovante mais un minimum amusante comme le clin d’œil au found footage se retrouve pauvrement exploitée sur trois secondes. Avec son visuel insipide, cela respire l’oubliable.

Calamity, Une Enfance De Martha Jane Cannary de Rémi Chayé a fait lui le choix de ne pas proposer d’extrait ; à la place, on se retrouve ainsi avec un court making-of. Cependant, cela n’empêche pas le charme d’opérer et la featurette remplit son contrat de susciter l’enthousiasme. On sent la passion de l’équipe pour le personnage historique dont, faute de documentation exhaustive (ou plutôt grâce à l’absence), ils ont pu offrir leur propre interprétation des premières années. Pour décrire son personnage épris de liberté, le film semble bien être animé d’une fougue à sa mesure. Son aventure s’annonce ainsi très riche et nourrit par un visuel magnifique avec un travail des couleurs somptueux et une BO entraînante. Le film se pose aisément comme une des grosses attentes du deuxième semestre et pourrait très probablement être une des plus belles expériences de l’année. C’est en tout cas ce que tend à confirmer son sacre au festival puisqu’il repartira avec le prestigieux cristal du long-métrage.

Petit Vampire met également de côté la simple mise en ligne d’extrait pour offrir une interview d’une dizaine de minutes avec Joann Sfar. Le moins que l’on puisse dire c’est que le réalisateur est passionnant sur cette courte durée. Il évoque ainsi sa gestion de la production d’un film d’animation qui s’est avéré plus compliqué qu’on ne pourrait le croire. Comme il le note, la bande dessinée et l’animation sont deux domaines à la fois trop proche et trop éloigné pour que la transition soit harmonieuse (au contraire du passage de la BD aux films en prise de vues réelles). Il évoque ainsi quelques solutions pour aller à l’encontre de ce blocage, notamment en tournant en studio avec son casting (comportant entre autres Alex Lutz, Jean-Paul Rouve, Camille Cottin). Cette méthode (employée également par Gore Verbinski sur Rango) lui permit de définir l’énergie du film. S’il faut faire un grief aux quelques images montrées serait d’ailleurs que les voix débordent d’un dynamisme (« mes personnages s’agitent beaucoup comme moi » rappelle Sfar) que l’animation de certains personnages peine à suivre. Mais d’autres choix sauront eux nous enchanter comme l’idée d’une musique napolitaine en lieu et place du traditionnel score à la Danny Elfman ou la cohabitation de personnages avec des designs très différents pour mieux marquer leurs personnalités. Sfar touche également au sens de son œuvre nourrie par Snoopy et Le Petit Nicolas, de son désir de s’adresser aux enfants sur l’étrangeté en ne les dérangeant pas pour rien. Autant d’intentions qui placent de grandes attentes dans le résultat final prévu pour octobre.

Passé un montage tiré des différentes séries, la présentation Lupin III : The First nous offre les dix premières minutes du film. On a envie de dire que le contrat est rempli si le film est à l’image de cette ouverture. Les fans seront tout de suite en terrain connu puisque ce début respect à la lettre la formule classique et jubilatoire de la franchise. Toutefois, l’animation 3D arrive à donner une énergie nouvelle au canevas. Le film se montrer ainsi très concluant dans son côté hybride évoquant Les Aventures de Tintin de Steven Spielberg. Certes, le réalisateur Takashi Yamazaki s’est détourné de la motion capture qu’il a envisagé un temps. Comme il le note dans l’interview qui suit l’extrait, celle-ci n’était pas approprié pour respecter la nature cartoonesque des personnages. Par-là, il souligne sa compréhension d’un héros qui ne réfrène aucune de ses impulsions. Avec son visuel chatoyant évoquant toujours autant les éternelles années 60, le spectacle arrive à entretenir cette impression d’être neuf et familier. L’idéal donc pour faire connaître cette icône à une nouvelle génération de spectateur cette fin d’année dans les salles françaises.

Dans notre article de présentation de l’édition, on craignait que Beauty Water de Kyung-hun Cho tombe dans la facilité avec sa critique du culte de la beauté. C’est malheureusement ce que semble démontrer les extraits proposés qui condensent l’intrigue en un quart d’heure. Difficile de ne pas considérer comme caricatural l’empilement de cliché entre la jeune femme de physique ingrat méprisée de tous, le ressentiment qui en découle, une beauté qui excuse les comportements les plus abjects, le désir irresponsable de conserver à tout prix des acquis superficiels… Le film ne semble pas baigner dans la subtilité et la rigidité de sa réalisation n’appelle pas à l’indulgence. Reste que dans ses moments de pure exagération, les extraits arrivent à faire leur petit effet. Cela donne quelques images dérangeantes où les corps sont martyrisés avec absurdité. Pas de quoi regretter toutefois l’indisponibilité de l’intégralité du film.

On sera par contre impatient de voit en salle On-Gaku : Our Sound de Kenji Iwaisawa. L’extrait proposé se raccorde à ce que la bande annonce nous montrait, soit un film à l’esprit rock qui affiche pourtant un visuel simpliste et pratique un rythme très posé. Ce qui semble raccord avec la flânerie des personnages prenant les choses comme elles viennent. Et pourtant, il y a quelque chose de très accrocheur qui se dégage, on sent une maîtrise loin d’être anodine dans sa mise en scène. De ce fait, si le film affiche un calme apparent, il fait sentir la présence d’une euphorique qui ne demande qu’à s’embraser. On espère que ça sera le cas sur le reste du long-métrage !

Laisser un commentaire

Lire les articles précédents :
[Annecy 2020] Kill It And Leave This Town + The Nose Or The Conspiracy Of Mavericks

La compétition officielle du Festival d’Annecy ne serait rien sans ses propositions de cinéma atypique qu’on risque de ne voir...

Fermer