[ANNECY 2018] Miraï / Virus Tropical

Il faut être franc. Au sein de la compétition officielle, Miraï, Ma Petite Sœur de Mamoru Hosoda était de très loin le film qu’on attendait le plus. Et ce fut effectivement le meilleur film découvert sur tout le festival d’Annecy, surpassant d’une large tête le reste d’une sélection pourtant de qualité. La prévisibilité de la chose en est presque embarrassante. Pour autant, comme nous l’avions exprimé en préambule au festival, le mastodonte aurait très bien pu trébucher. Le Garçon et la Bête, le précédent film d’Hosoda, avait désagréablement surpris avec une histoire plus relâchée et loin de la rigueur à laquelle il nous avait habitué. Pas une catastrophe mais ce fut la preuve qu’aussi immense il est, Mamoru Hosoda n’est pas infaillible. Il fallait alors envisager que Miraï, Ma Petite Sœur soit pour lui le film de la redite, celui où il n’a plus grand chose à raconter et se contente de ressasser des idées devenues des banalités. Le risque est d’autant plus palpable au regard d’une démarche s’inscrivant en plein dans la continuité de ses réalisations antérieures. Comme Hosoda le résumera lors d’une courte présentation avant la projection, Summer Wars parlait de la famille au sens large, Les Enfants Loups, Ame & Yuki de la mère, Le Garçon et La Bête du père et donc Miraï, Ma Petite Sœur du fils. Qu’Hosoda revienne au format chronique de son chef d’œuvre Les Enfants Loups, Ame & Yuki après le récit d’apprentissage dans Le Garçon et La Bête rajoutait aux potentielles inquiétudes.

Ironiquement, on pourrait dire que celles-ci s’envolent en premier lieu grâce aux compétences coutumières du cinéaste. On est ainsi toujours sidéré par sa capacité à dépeindre la cellule familiale, à nous faire pénétrer dans leur intimité avec finesse et un sens du détail inouï. On est de nouveau ébahi par le perfectionnisme de l’animation et sa justesse constante. Bien sûr, cela amène l’inévitable question tarte à la crème « ben alors pourquoi avoir conçu le film en animation et non en prise de vue réelle ? ». Mais l’histoire répond d’elle-même avec son personnage principal. L’animation est le seul moyen pour raconter le récit d’un enfant de quatre ans, un véritable bambin de cet âge étant rigoureusement ingérable (et le film le montre bien). Par ce travail exemplaire, le film déploie au mieux la dimension universelle de son propos.

À ce titre, on peut voir dans le long-métrage une sorte de relecture de A Christmas Carol. Tel Ebenezer Scrooge dans le classique de Charles Dickens, le petit Kun va à un rythme métronomique être visité par des émanations fantastiques représentant des membres de sa famille passée, présente et future. Il va de soit que les deux personnages n’ont rien à voir mais l’état d’esprit des deux œuvres est le même. On peut voir ces histoires au premier degré, assumer leurs aura fantastiques, se laisser porter par les révélations et émotions procurées par leurs périples. Mais on peut également voir le fantastique par sa fonction psychologique. Si Scrooge se retrouvait pousser par son inconscient à faire le constat de sa vie, Kun est lui est au début de son existence et commence à se construire. A travers ses rencontres, il se dévoile la psychologie d’un enfant, d’un être dont la pensée se développe et qui se met à appréhender le monde. Ça n’a rien d’un hasard si Hosoda choisit de mettre en scène un enfant si jeune. Kun est à un âge où chaque instant est une découverte et le fantastique est un outil plus qu’approprié pour véhiculer cet état d’émerveillement. Par de tels choix pertinents, Mamoru Hosoda montre qu’il demeure un génie et signe là son meilleur film juste derrière Les Enfants Loups, Ame & Yuki.

Autre chronique familiale de la compétition, Virus Tropical a lui aussi parfaitement su contourner le piège qui lui tendait les bras. On pouvait en effet craindre que le film de Santiago Caicedo soit plombé par son apparence de sous-Persepolis. Même mode narratif autobiographique, même recours au noir et blanc, même dessin au trait proche de l’enfantin… Or si l’auteur de la bande-dessinée d’origine, Power Paola, est fan de Marjane Satrapi, elle saisit la nuance entre l’hommage et l’inspiration. Car de toute évidence, il ne s’agit pas pour elle de simplement faire comme Satrapi mais d’utiliser une démarche similaire afin d’explorer sa propre expérience. En résulte donc un film-miroir, une œuvre proche de son modèle mais en même temps totalement différente. Virus Tropical est une chronique familiale débutant par une forme de promesse rompue. Bien qu’elle se soit faite opérer pour ne plus avoir d’enfant, une femme tombe enceinte. Devant la situation tout à fait impossible, les docteurs lui soutiennent tous que son ventre ne contient pas un enfant mais est le symptôme d’un virus tropical. Evidemment, il s’avère au final qu’il s’agissait bien d’un bébé. Est-ce un malheur ? Pas vraiment, étant donné les moments de joie qui accompagnent l’arrivée de cette nouvelle vie. Toute l’idée du film semble là. La vie est pleine de promesses. On pense suivre une voie toute tracée et que l’on sait à quoi s’en tenir sur certaines choses. Mais au bout du compte, ça n’est jamais le cas. On revient sur ses promesses, on choisit ou on nous impose un autre destin. Peut-on dire pour autant que la vie est une déception ? Non elle est ce qu’elle est et s’il y a des changements, il ne faut pas forcément les considérer comme mauvais ou s’en attrister. Il se dégage ainsi du film une ambiance attachante que renforce une forme où les dessins parfois basiques s’amalgament pour donner des compositions complexes. Bref, du bien bel ouvrage !

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