Mission : Impossible – Protocole Fantôme

Tom Cruise l’a dit et le répète à chaque épisode : il désire avoir un réalisateur différent pour chaque épisode de ses Mission Impossible afin que chacun possède une identité propre. Après le thriller sur la manipulation des images par Brian De Palma, le film d’action de John Woo avec ses gunfights aussi gonflés à bloc que sa romance, le respect télévisuel de J.J Abrams, que nous réservait-il pour le quatrième opus ? La surprise a été de taille lorsque c’est le nom de Brad Bird qui fut annoncé. Brad Bird ? Ce génie du cinéma d’animation responsable des chefs d’œuvre Le Géant De Fer et Les Indestructibles ? Surprenant mais après tout, Bird, cinéphile extrêmement complet (ses films parlent pour lui), avait fait part de son envie de s’approcher du cinéma live. Il avait ainsi annoncé un projet pour le moins ambitieux nommé 1906 prenant place à San Francisco durant le séisme de l’année du titre. Interviewé par Le Monde , Bird évoque toujours son envie de mettre en scène ce film. Il avance toutefois les nombreuses difficultés qu’il implique de par une richesse historique qu’il désire pleinement retranscrire à l’écran. Il admet de ce fait qu’une série télé serait plus convenable pour un tel sujet mais refuse néanmoins de sacrifier l’ampleur d’une expérience cinématographique. La preuve d’un passionné qui s’est de toute façon déjà sorti de ce genre d’exercice (il prendra en main Ratatouille afin de le sauver de son trop plein d’intrigues et de personnages). Le choix d’accepter la réalisation de Protocole Fantôme tient alors plus de la mise en bouche, voir de la récréation. Car à l’instar de son collègue Andrew Stanton qui réemploie les techniques de production made in Pixar sur son John Carter, Bird ne cherche pas, contrairement aux apparences, à appréhender les mécanismes d’un tournage traditionnel mais à offrir tout son talent à une franchise faite de hauts et de bas.

C’est probablement la plus grande satisfaction que l’on éprouve devant le film, surtout au vu d’une bande annonce peu encourageante. Là où on s’attendait à prendre de plein fouet la patte estampillée Brad Bird, ces premières images se montrent proches du troisième épisode. On semble donc retrouver un ouvrage très, voir trop respectueux par rapport à la mécanique de la série et surtout une direction artistique somme tout similaire avec notamment une désormais incontournable photographie grisâtre. Le fait que Bird se soit vu « imposer » une trame générale se montre assez évident. Ladite trame générale est un peu la limite du film puisque ne semblant justement pas avoir été directement attribuée au cinéaste dès sa conception. Du coup, on se retrouve devant des ambiances éparses héritées des précédents films, que ce soit par certains effets chocs évoquant le premier opus (l’introduction avec Josh Holloway) et donc un soin d’enchaîner les moments forts comme dans le 3 (J.J Abrams chaperonne le film). Ce quatrième opus est d’ailleurs le premier à vouloir raccorder les wagons avec le précédent. Du coup, la romance humano-gnangnan du troisième opus se retrouve prolongée ici par un épilogue des plus discutables. Car moins que de réveiller les ardents élans chevaleresques d’un Woo, cette idée va purement et simplement atomiser l’arc dramaturgique qui se dessinait entre Ethan Hunt et William Brandt, potentiel successeur à la franchise.

Les fondements du film sont donc un brin ingrats. Le mérite de Bird n’en est que plus grand. Le réalisateur aura ainsi clairement entrevu ses possibilités d’action et la manière de les exploiter avec pertinence. Ainsi, si il n’a pas la marge de manœuvre nécessaire pour donner une véritable épaisseur aux personnages, il va régulièrement jouer sur leurs statuts. Et là on reconnaît bien le Brad Bird des Indestructibles où, au travers d’une cellule familiale, il questionnait moult fondements des films de super héros. Vous vous souvenez avec joie des réflexions sur la manie des méchants à monologuer et de l’inutilité des capes ? Et bien ici, ça se permet de parlementer sur la stupidité des sbires ou à construire un véritable running gag sur la dépendance à une technologie peu fiable (pratiquement aucun gadget ne fonctionne correctement) et absurde (l’ouverture ultra-sécurisée du train). Un ressort largement exploité par la présence d’un étranger au sein de l‘équipe. Débarquant bien malgré lui dans le récit, Brandt se retrouve à devoir suivre les plans pour le moins tarabiscotés de l’équipe IMF. Ainsi se permet-il régulièrement de pointer du doigt des manœuvres pour le moins bizarres (« – Tu veux que je sautes de huit mètres de haut dans un four ? – Oui mais je rattrape ! »).

Mais le meilleur a lieu lorsqu’il joue sur la place des personnages dans l’équipe. Outre un Simon Pegg absolument hilarant en nouvel agent de terrain (on est loin du jeu sans grande motivation dans le précédent épisode), on retiendra ce moment brillant lors de la séquence à Dubaï. Il s’agit de l’introduction du grand morceau de bravoure vendu par toutes les bandes-annonces où Tom Cruise escalade le Burj Khalifa (a.k.a. la plus grande tour au monde). Découvrant au dernier moment qu’ils ne peuvent accéder à distance au système informatique de l’hôtel, il faut que quelqu’un pénètre dans la salle du serveur uniquement accessible de l’extérieur. Lorsque ces faits sont établis, toute l’équipe se tourne naturellement vers Hunt. Celui-ci leur lance un regard disant en substance « non mais pourquoi vous me fixez tous comme ça ? ». Il se rend ainsi à l’évidence qu’il doit assumer en tout moment son statut de héros, de leader éternel sauveur de la situation. On retrouve là un subtil équilibre dans cette manière de mettre en évidence le surréalisme de l’œuvre, tout en n’objectant jamais le plaisir que l’on peut en retirer.

Tel Hunt qui se lancera finalement à l’assaut de la tour malgré un semblant d’exaspération, Bird ne se lamente pas sur ce qui ne fonctionne pas mais s’exécute au travers de multiples tours de force. Si il doit se contenter de suivre un schéma narratif correspondant vulgairement à un empilement de missions, il en tire une saveur particulière en jouant à fond la carte de l’atmosphère jamesbondienne. Renforçant le caractère exotique des différents environnements visités (la musique de Michael Giacchino est un formidable atout pour cela), il compose brillamment chacune des missions notamment par un découpage d’une limpidité exemplaire. Il pose clairement la géographie des lieux (la prison de l’ouverture), introduit avec soin chaque élément important (la menace de la tempête de sable qui s’abattra sous peu) et équilibre constamment les va-et-vient entre les différentes actions sans perdre de vue les enjeux (le climax où Hunt doit récupérer un détonateur pendant que le reste de l’équipe se charge de la transmission). En résulte, un spectacle d’une grande précision et où l’exaltation ne faiblit jamais. Il faut dire qu’aussi mince soit-elle, Bird bénéficie d’une intrigue aux enjeux accrocheurs. Dans le troisième opus, Abrams justifiait l’action par un MacGuffin appelé la patte de lapin dont il maintiendra le mystère jusqu’au bout. Il aurait voulu par là jouer sur la peur d’une menace incernable mais il aurait fallu alors plus qu’un petit speech moyennement alarmiste pour créer un tel sentiment. Du coup, la mise sous pression ne fonctionnait guère et participait à cette impression de soufflé se dégonflant qui résume l’intégralité du film. Ici, on nous sort la grosse artillerie avec pas moins qu’un holocauste nucléaire. Menace classique mais suffisamment lourde pour amplifier toute la tension sur le succès de la mission. Et Bird de sortir pour l’occasion un pur méchant Bondien aussi suave que fou auquel il ne manque finalement qu’un gigantesque QG suréquipé.

Complètement dédié à l’exploration du genre qu’il investit, Bird offre là en conclusion un film d’action brillamment troussé mêlant hilarité et sueurs froides. Contrairement à Cruise, on ne s’y reprendra donc pas à deux fois pour clamer que cette mission est accomplie.


Réalisation : Brad Bird
Scénario : Josh Appelbaum et André Nemec
Production : Bad Robot
Bande originale : Michael Giacchino
Photographie : Robert Elswit
Origine : USA
Titre original : Mission Impossible : Ghost Protocole
Date de sortie : 14 décembre 2011
NOTE : 4/6

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