360

L’accueil critique des films de Fernando Meirelles suit une trajectoire étrange et pourtant loin de constituer un cas à part. Révélé à la scène internationale avec l’excellent La Cité De Dieu, ses long-métrages suivants n’auront pas déchaîné le même intérêt. Si The Constant Gardener fut globalement bien reçu, il voyait déjà apparaître des reproches sur une réalisation jugée balourde. Un reproche qui explosera avec Blindness. C’est comme si La Cité De Dieu n’était apprécié qu’à l’aune de son constat social et non d’un travail de mise en scène propre à nous plonger de manière intuitive dans un univers dense. Pourtant, les qualités traversant son adaptation du roman de Paulo Lins sont les mêmes qui traversent celles des ouvrages de John Le Carré et José Saramago, soit en premier lieu la retranscription par le visuel des idées inhérentes au sujet. Certes les réussites sont inégales, notamment avec le cas Blindness où, à l’instar de Tom Tykwer sur Le Parfum, le défi d’adapter aux méthodes cinématographiques le concept littéraire de base s’accomplit de manière brillante mais au détriment du travail d’adaptation sur l’intrigue à proprement parler. En soit, cette dernière réalisation montre qu’il ne convient pas de traiter de balourd un cinéaste qui prend à cœur de communiquer son histoire selon les moyens les plus justes. Bien qu’il soit courant que les artistes déclarent que la critique n’a aucune espèce d’influence sur leur manière de concevoir leur travail, il en demeure toujours autrement ne serait-ce qu’à un niveau inconscient. Sans forcément tomber dans les mêmes travers que des Sam Mendes ou M. Night Shyamalan rejetant petit à petit le maniérisme dont ils furent blâmés, 360 nous montre un Meirelles très loin d’être au sommet de sa forme.

Le début laisserait pourtant croire qu’il en serait autrement. Sur le seul aspect de la mise en scène, on retrouve bien le talent de Meirelles. Plans composés avec soin pour positionner les personnages et leurs relations, photographie accrochant le regard, direction d’acteurs époustouflante et une vraie passion dans l’art de scruter ses personnages. L’art avec lequel Meirelles pose ses premières pièces se base sur des moments justes et touchants qu’il n’hésite aucunement à magnifier. Sur la longueur, on découvrira que se pose là la limite du long-métrage. Inspiré par la pièce de théâtre La Ronde d’Arthur Schnitzler (déjà adapté au cinéma par Max Ophüls et Roger Vadim), 360 prend la forme du film choral. Chaque personnage est le maillon d’une chaîne nous conduisant au suivant avec la finalité de conclure sur celui qui a ouvert le film. Pour Schnitzler, le dispositif était une manière pertinente d’offrir une radioscopie de la société son époque. Techniquement, il en serait de même pour Meirelles et son scénariste Peter Morgan (The Queen). Bien sûr, 360 voit plus grand que le décor de la pièce originelle. Au théâtre, on était circonscrit pour chaque segment à une pièce où deux personnages vont se livrer à quelques ébats. Ici, le terrain de jeu s’étend à a planète entière. Or, à l’instar de Alejandro Gonzales Inarritu avec son Babel, la planète est bien trop grande pour ses frêles épaules.

Avec un titre comme 360 et un si large terrain de chasse, on s’attend logiquement à ce que le film nous offre un tour du monde en suivant le périple des différents personnages. Une notion basique et uniquement remplie à moitié. Débutant en Europe de l’Est, nous traverserons le vieux continent pour finalement nous arrêter aux Etats-Unis. Plutôt que de continuer d’avancer encore et de s’enfoncer dans l’Asie, il faudra se contenter de revenir sur ses pas. Ce brusque retour en arrière s’apparente presque à une déclaration d’inaboutissement du script quant à son propre principe. 360 respecte l’intention initiale de la pièce de se faire rencontrer des personnages de conditions différentes que ce soit par leur sexe, leur âge, leur nationalité ou leur condition sociale. Sans recourir uniquement à la notion sexuelle, le film maintient que les liens entre les personnages reposent sur différentes notions d’amour, qu’il soit charnel, platonique ou filial. Or, là se posent les problèmes de structure du récit. En l’état, chaque personnage arrive à émouvoir par ses dilemmes que le casting sert sur un plateau d’argent.

Le souci se pose lorsque chaque dilemme doit trouver une résonnance dans celui de son voisin. Là, le film devient le festival d’artifices faciles et trop artificiel pour profiter du bouclier de la suspension d’incrédulité. En fait, Morgan reproduit ici une erreur qui se trouvait dans son précédent film choral Au-Delà. Suivant trois personnages, le film de Clint Eastwood les reliaient dans son dernier acte avec une certaine paresse. Un défaut, mais qui pouvait s’excuser puisqu’arrivant tardivement et ne compromettant pas le facteur symbolique de chacune des intrigues sur le sujet. En multipliant les connections avec la même fainéantise, 360 se montre plus gênant puisque les liens entre les personnages sont le moteur même de la narration. Par ceci, Morgan voudrait très probablement illustrer une mécanique du destin et scander son message sur une existence faite de chemins qu’il convient d’emprunter avant qu’il ne soit trop tard. Un message simple et agréable qu’il tourne à la fois vers la naïveté (la relation naissante entre le garde du corps et l’adolescente) et la tragédie (la romance avortée concernant la femme dudit homme de main). Et effectivement, comme il a été expliqué précédemment, les beaux moments ne manquent pas dans 360. Mais leur somme n’est aucunement transcendée puisque chaque jonction de segment est l’occasion de s’embarrasser par l’excuse servie. L’architecture du script est bancale et ruine en conséquence l’aspect foisonnant de son histoire.

Si Meirelles et Morgan ont voulu résumer une certaine idée du monde actuel, l’absence de liaisons thématiques fortes fait que leur œuvre ne peut aucunement prétendre avoir une telle portée. En résumé, ils ne sont juste pas arrivés à offrir un film à la mesure de son ambition initiale. Très loin de la catastrophe (on ne tombe pas au niveau d’un Collision), 360 reste toutefois une déception de par son sujet et les partis en présence.

Réalisation : Fernando Meirelles
Scénario : Peter Morgan
Production : BBC Films
Photographie : Adriano Goldman
Origine : Royaume-Uni
Titre original : 360
Date de sortie : 25 juillet 2012
NOTE : 3/6

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