[EN BREF] Insaisissables

Qu’est-ce que le cinéma, dans le fond, si ce n’est un gigantesque tour de magie ? Une illusion contrôlée de A à Z, où tout n’est qu’affaire de croyance envers ce que l’on voit et ce que l’on croit. On finirait par croire qu’une notion si évidente, déjà exploitée avec malice par Christopher Nolan dans Le Prestige il y a sept ans, serait tombée dans l’oubli au point de ne plus nous faire renouer avec l’un des plaisirs les plus simples du 7ème Art : celui de se faire manipuler. Les langues cyniques auront beau parler de prétention, orchestrée par un cinéaste qui se voudrait plus malin que son public, on préfèrera y voir un jeu permanent avec l’illusion. Le problème d’un film sur la magie est plus complexe : installer une manipulation pour ensuite en révéler le « truc » revient à trahir la règle n°1 du magicien (garder son secret), ce que le film de Nolan n’avait pas su transcender en orientant son sujet vers une approche fantastique et improbable. Installé aux Etats-Unis depuis quelque temps, Louis Leterrier a trouvé la parade idéale : ne pas faire un film de magie déguisé en film de braquage, mais l’inverse, ce qui implique une toute autre approche, assez similaire à celle d’un film comme Ocean’s eleven. La malice du scénario semble délivrer ses cartes en main dès le départ : en gros, un quatuor de magiciens aux ressources insoupçonnées se retrouve pourchassé par les flics à force d’utiliser la magie pour réussir des braquages insensés et impossibles à concevoir. Un tour de magie inexplicable sera-t-il donc suivi de son explication ? Pas vraiment, puisque le puzzle n’a de cesse que de se complexifier à chaque nouvelle scène, embarquant dans sa logique manipulatrice un éventail de théories et de surprises qui semblent relancer les dés de ce que l’on semble avoir pigé. Jusqu’au final qui, comme dans tout caper-movie à la Inside Man, joue la carte de la clarification tout en laissant le spectateur dans la liesse de s’être fait balader. Epaulé par un casting magistral (au sommet duquel trône le génial Woody Harrelson) et fort d’une mise en scène inspirée qui réussit quasiment tout ce qu’elle entreprend (si ce n’est un montage un poil foutraque dans certaines scènes), Leterrier signe donc une succession d’illusions toutes plus brillantes les unes que les autres, enfilées à la façon d’un grand huit qui défie en permanence les lois de la logique pour toujours rebondir sur ses pieds. Presque le making-of d’un tour de magie qui en cacherait sans cesse un autre, devrait-on dire. On sait aussi que David Copperfield, lui-même grand cinéphile en plus d’être le plus grand magicien de son époque, était présent à l’avant-première new-yorkaise d’Insaisissables. A-t-il apprécié le film ou pas ? En tout cas, il aurait largement le droit d’être jaloux.

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