[EN BREF] Before midnight

« Toi, tu vas manquer ton avion… », disait la belle Céline (Julie Delpy) à son ami Jesse (Ethan Hawke), qu’elle venait de retrouver en plein Paris, neuf ans après leur rencontre hasardeuse à Vienne. La réponse de l’intéressé ne se faisait pas attendre : « Je sais », avec un sourire évident au coin du visage… Encore aujourd’hui, il est impossible d’effacer de notre mémoire le sublime final de Before Sunset, suite tant désirée du cultissime Before Sunrise qui révéla son réalisateur Richard Linklater et porta au sommet ses deux acteurs fétiches (aussi coscénaristes). Ce troisième opus, censé clôturer la trilogie pour de bon, risque fort de créer une rupture chez les fans des deux précédents films, d’une part en raison d’un scénario qui referme d’un coup sec l’ouverture parfaite laissée par cette scène finale, d’autre part à cause d’une propension à laisser de côté le « dialogue en duo » dans un premier temps pour se concentrer sur ce que Jesse et Céline sont devenus, neuf ans après leurs retrouvailles. Et sans surprise, si le bonheur semble illuminer nos deux amoureux autant que ne le fait le soleil sur l’île grecque où ils passent leurs vacances, le coucher de soleil semble annoncer un crépuscule des plus inquiétants. En gros, ils sont mariés, ils ont eu deux jumelles, Jesse envisage de quitter Paris pour aller travailler à Chicago, et cela n’enthousiasme pas Céline, très réticente à l’idée de laisser derrière elle son quotidien pour suivre son époux à l’autre bout du monde. Entre rancœur et résignation, le règlement de comptes guette à l’horizon…

On passera très vite sur la première heure, retrouvant certes la fluidité d’un dialogue magistralement conçu et mis en scène, mais focalisé sur la smala qui entoure le couple (quelques amis décalés et croqués avec soin, que l’on croirait extraits d’un film de Julie Delpy !). Comme à chaque fois, tout ce qui nous intéresse reste les retrouvailles avec deux êtres que l’on a désormais l’impression de connaître intimement, mais qui, pour la première fois, délaissent leur délicieuse complicité d’antan pour se dire les choses de façon plus frontale. Entre un Ethan Hawke à la décontraction enfantine assez calculée et une Julie Delpy à la lisière du statut de chieuse complexée, on ne peut pas dire que la joie soit de mise. Mais c’était inévitable : Linklater prend ici soin de lézarder le concept des deux autres films sans le subvertir, histoire qu’une certaine vérité des sentiments et de l’amour, aussi sèche et douloureuse soit-elle, puisse enfin émerger de la conversation. Film de pure mise en scène autant que regard crépusculaire sur l’épuisement d’un couple, Before Midnight puise toute sa sève dans une sorte de cruauté douce, qui atteindra son paroxysme dans le plus simple des lieux : une chambre d’hôtel, à peu près aussi banale que ce couple de quadragénaires qui semblent, au fond d’eux, craindre de passer à côté de leurs envies respectives et de s’enfermer dans un rejet de la spontanéité. Cette ultime demi-heure, électrique à souhait, marquera-t-elle pour eux la fin définitive d’une histoire, la poursuite de la même ou le début d’une nouvelle ? Chut, à vous de l’imaginer… et de le projeter sur un écran de cinéma.

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