Under the Silver Lake

REALISATION : David Robert Mitchell
PRODUCTION : A24, Good Fear, Le Pacte, Michael De Luca Productions
AVEC : Andrew Garfield, Riley Keough, Topher Grace, Jimmi Simpson, Callie Hernandez, Riki Lindhome, Patrick Fischler, Don McManus, Jeremy Bobb, Zosia Mamet, Grace Van Patten, India Menuez
SCENARIO : David Robert Mitchell
PHOTOGRAPHIE : Mike Gioulakis
MONTAGE : Julio C. Perez
BANDE ORIGINALE : Disasterpeace
ORIGINE : Etats-Unis
GENRE : Comédie, Thriller
DATE DE SORTIE : 8 août 2018
DUREE : 2h19
BANDE-ANNONCE

Synopsis : À Los Angeles, Sam, 33 ans, sans emploi, rêve de célébrité. Lorsque Sarah, une jeune et énigmatique voisine, se volatilise brusquement, Sam se lance à sa recherche et entreprend alors une enquête obsessionnelle surréaliste à travers la ville. Elle le fera plonger jusque dans les profondeurs les plus ténébreuses de la Cité des Anges, où il devra élucider disparitions et meurtres mystérieux sur fond de scandales et de conspirations…

Regardez l’affiche d’Under the Silver Lake… C’est fait ? Très bien. Maintenant, prenez une loupe, et regardez-la encore d’un peu plus près. En principe, vous devriez n’avoir aucun mal à repérer des signes particuliers dans des bulles, dans des palmiers ou dans des reflets luminescents. Ce petit jeu préalable avant de rentrer vraiment dans le vif du sujet fait déjà figure d’avertissement : le film que l’on s’apprête à voir doit impérativement être vu deux fois. La première fois pour voir, la seconde fois pour percevoir. Ou alors l’inverse – cela dépendra du spectateur. Au fond, la grande question à se poser sera très simple : face à une multitude de signes proposés (imposés ?) pour résoudre (ce qui s’apparente à) une énigme, doit-on se laisser porter par cette vague du bizarre au point d’y croire bec et ongles, ou au contraire, doit-on s’extraire illico presto du dédale ésotérique en lisant chaque « signe » comme un élément on ne peut plus cartésien et ce film comme une ballade un peu zinzin dans un territoire qui ne l’est pas moins ? Choix délicat que voilà. D’un côté, il y a le risque de couler à pic et sans retour possible dans ce fameux « lac argenté » qu’est la pop-culture à force de devoir tout interpréter par le prisme de celle-ci, et de l’autre, il y a le risque – de plus en plus courant – d’en arriver à utiliser le cynisme total comme bouclier, histoire de ne pas chercher à voir au-delà de ce que le réel impose au premier regard. Faut-il vouvoyer la surface ou tutoyer la profondeur ? Disons juste qu’avant d’investir cette cité mythologique qu’est Los Angeles, il est préférable d’avoir un GPS clairement défini. Parce qu’ici, d’un bout à l’autre du trip, les « Anges de la Ciné-Réalité » vont se faire un plaisir de le dérégler.

L.A. ZOMBIE

Los Angeles, donc. Cette cité des Anges où se terrent les démons les plus vicieux. Cette usine à rêves qui mouline du cauchemar chez les simili-Icare qui se brûlent les ailes. Ce territoire baudrillardien en diable dont le mélange schizo de modernité et de délabrement traduit à sa manière une lecture concrète de l’anéantissement de la culture dans la géologie. Or, cette ville toujours hantée par sa propre mémoire mythologique, les cinéastes américains en ont déjà fait une affaire aussi vieille que le 7ème Art lui-même, de Billy Wilder (Boulevard du Crépuscule) à David Cronenberg (Maps to the Stars) en passant par David Lynch (Mulholland Drive) et Michael Mann (Collateral). Que pouvait bien apporter le jeune prodige David Robert Mitchell à ce très solide historique cinéphile ? Tout simplement un nouveau degré de lecture, et pile poil celui qui nous manquait. En effet, là où les films précités déroulaient déjà l’idée d’une ville bâtie sur des rêves et des images animées (tous deux voués à se noircir ou à s’altérer), Under the Silver Lake invite cette fois à prendre acte de cela pour aller de l’avant. Et aller de l’avant, ce n’est plus laisser la pop-culture nous poursuivre d’abord pour mieux nous conditionner ensuite. C’est chercher au contraire à la prendre elle-même en filature à son tour pour essayer d’en décrypter la portée globale (premier plan) ou d’en révéler le sens caché (arrière-plan). Dans la mesure où le précédent film du réalisateur avait pour titre It follows et traitait d’une menace invisible redonnant au concept de « filature » son statut oublié de générateur d’angoisse, ce film-là aurait pu s’intituler Follow it. Et comme dans tout film noir digne de ce nom, suivre quelqu’un ou quelque chose, c’est avant tout suivre l’image du sujet (souvenez-vous de Vertigo d’Alfred Hitchcock), courir après une chimère, nager dans un amas de mythologies qui ne cessent d’être nourries et recyclées ad nauseam.

Avant d’être en train de suivre quelqu’un, le héros d’Under the Silver Lake est d’abord quelqu’un qui cherche quelque chose. Sans emploi et bientôt sans domicile fixe pour cause de loyer impayé, Sam (Andrew Garfield) aspire à une autre vie, sans doute à l’image de celles qui nourrissent cette pop-culture omniprésente (livres, films, magazines, musique, télévision…). Sauf que la vie, il la subit au lieu de la vivre, préférant la regarder se consumer plutôt que de la laisser prendre le risque de le tuer à petit feu s’il s’aventure dedans. Un idéaliste déçu, en quelque sorte, nourri à la désillusion et au proto-nihilisme, caractéristique de cette nouvelle génération qui ne croit plus à rien, qui se complait dans un quotidien morne et qui paraît s’aligner sur l’extinction des figures mythiques qui l’ont marquée (entendre « Il y a de plus en plus de stars de mon enfance qui meurent » traduit-il donc un conditionnement à l’imaginaire ?). Son pied-à-terre est à son image : une jolie résidence avec piscine dans le quartier de Silver Lake, mais où le glamour s’est flétri (sa voisine est une vieille hippie blonde qui se balade topless sur son balcon) et où la saleté gagne du terrain sur la beauté du cadre (des putois font circuler une odeur pestilentielle dans les jardins). Seul rayon de soleil : Sarah (Riley Keough), jeune et énigmatique voisine qui l’attire moins qu’il ne l’intrigue par sa posture quasi fantasmatique – doit-on s’étonner de déceler très souvent une forte ressemblance entre elle et la Laura Palmer de Twin Peaks ? Le jour où celle-ci se volatilise brutalement sans explication, Sam sort de sa léthargie. Armé de cette idée que ce qu’il « voit » n’a plus aucune valeur, il s’improvise détective pour enfin réussir à « percevoir » et fait ainsi d’une quête de sens un dangereux – mais irrésistible – appel à l’aventure. Toujours cette idée du réel comme puits infini de mystères, de complots, de codes et de sens cachés. A moins que ce « sens caché » ne soit qu’une vue de l’esprit.

Il serait facile, au vu d’un tel pitch, d’imiter le protagoniste dans sa relecture des choses sous l’angle de la pop-culture, en l’occurrence la cinéphilie. Comment ne pas avoir ici la sensation d’investir une nouvelle investigation brumeuse à la sauce Inherent Vice, où le néo-noir, la comédie surréaliste et la pure peinture de losers diffractés se passeraient le joint à chaque raccord de plan ? Comment ne pas déceler le spectre de Jacques Rivette (surtout celui d’Out 1 et de Paris nous appartient) chez un cinéaste et un protagoniste qui se font un point d’honneur à revisiter Los Angeles en jeu de l’oie grandeur nature où l’on perçoit des complots un peu partout ? Il y aurait de quoi, pourtant, ne serait-ce qu’au vu d’une enquête génialement ésotérique et postmoderne, où l’on déniche des indices au fond d’un paquet de céréales, où l’on tente de déceler des messages cachés dans une musique passée à l’envers ou dans un magazine Nintendo, et où l’on va même jusqu’à dénicher à la loupe un motif apparent sur le coin d’un billet de banque, le tout aussi bien pour élucider le sort d’une femme disparue que pour éclairer l’essence de la ville (les deux sont-ils vraiment liés ?). Sauf que chercher à décrypter le film en voulant à tout prix le rattacher à d’autres, c’est déjà se mettre la tête dans le boa. C’est déjà rentrer dans un dédale un peu biscornu où tout ce qui se télescope serait soi-disant destiné à être lu comme un signe, un indice ou un symbole potentiellement riche de sens. Autant dire que notre propension à user du fétichisme pour dénicher la moindre logique ici et là va être soumise à très rude épreuve.

POP SATUREE

Tout au long du film, le spectateur est piégé. Plus le héros se retrouve face à des personnages qu’il lui faut suivre ou affronter, plus l’univers visité perd de sa dimension sociale concrète pour devenir un lieu de fantasmes, à l’image d’un rêve qui aurait partiellement pris le visage du réel. Très vite, face à cela, on est tenté de résister en épiant non pas une vérité soi-disant cachée mais des signes tangibles de cette réalité que le réalisateur et le protagoniste semblent vouloir laisser se lézarder. Et les exemples ne manquent pas. En dépit de ce que souligne ce fameux « code des vagabonds » qui prend du relief à mesure que l’enquête évolue, ce symbole à deux losanges – que l’on repère derrière une porte ! – ne pourrait-il pas être tout bêtement la marque d’un porte-manteau qui aurait été détaché du mur durant le déménagement improvisé de Sarah ? En quoi le fait de noter les trois chiffres qui apparaissent sur un panneau de scores d’un stade au moment précis où trois filles énigmatiques le pointent du doigt a-t-il un lien quelconque avec cette disparition ? Le fait de voir à plusieurs reprises le visage de son ex sur une publicité où apparaît le slogan « I can see clearly now » permet-il au héros d’envisager le tube éponyme de Jimmy Cliff comme nouvel indice ou juste de le ramener à ces préoccupations intimistes en pleine enquête ? Et ce décor souterrain visité par Sam, soi-disant une sorte d’underworld promis par (et pour) certains comme le lieu d’une nouvelle vie pour les pharaons matriciels de Los Angeles, ne serait-il pas juste le chantier d’un futur club privé à déco égyptienne ?

En se posant toutes ces questions, on pense d’abord avoir réglé la question du film : toute cette enquête ne serait grosso modo que la divagation d’un esprit en plein désarroi, une pure construction intellectuelle dans une Cité des Anges que l’on sait déjà mythologique par nature – on n’est plus dupe de cela. Sauf qu’en jouant ce jeu du « refus de croire », on vise moins à savoir simplement jusqu’où l’enquête peut aller qu’à s’interroger sur ce qu’elle semble impliquer. On est déjà en train de chercher notre sens à nous à défaut d’adhérer à celui que Sam essaie de construire tout au long de l’intrigue. On est déjà en train de se reposer sur des critères concrets qui peuvent très bien être retournés en pièges fantasmatiques. On entame déjà une sorte de boucle tordue dans ce qui s’apparente à un décor de cinéma, donc à tout ce qui concerne l’envers des mythes et leur mise en scène. Bref, on devient moins spectateur de la chose que metteur en scène de ce que la chose semble contenir à nos yeux. Ainsi se déroule donc pendant près de 2h19 le fascinant Los Angeles d’Under the Silver Lake : un labyrinthe mental à ciel ouvert et sans clé de cryptage clairement définie, avec beaucoup d’entrées et une infinité de sorties, et dont chaque composante – fêtes déjantées, sectes new age, réminiscences cinéphiles, lieux mythiques – active un passionnant processus de mise en scène, jouant à gogo sur le lien fragile entre ce qui est perçu comme réel et ce qui est interprété par le prisme de l’irréel. Un monde flottant, quasi aquatique, où seul le corps qui se meut et qui vibre au contact de l’Autre peut à la rigueur servir de boussole.

Sur le terrain thématique, on peine surtout à mesurer l’ampleur d’une telle réflexion sur l’impact de la pop-culture, ou plus précisément sur la mécanique cyclique qui la caractérise – toute culture définie par une génération est vouée à être digérée et redéfinie par les suivantes. David Robert Mitchell s’est en effet amusé à faire en sorte que chaque scène – y compris la plus anodine – puisse être éventuellement décryptée comme un cliché culturel, que ce soit un film déjà vu, une posture de star déjà muséifiée, voire même une photo de magazine détournée à des fins métatextuelles – on a ici une vieille couverture de Playboy dont la fonction dans le récit sera quasi prémonitoire. Mais le détournement va infiniment plus loin que ça. Dans ce vaste jeu du fétichisme qui ne cesse de détourner ses propres règles, on ne se recueille plus sur les pierres tombales des stars, mais on les utilise comme tables dans une crypte transformée en bar. L’envie de « posséder » les icônes de la pop-culture ne se matérialise plus par des photos dédicacées, mais par des masques-moulages que l’on collectionne chez soi – mention spéciale à ce fan parano joué par le très lynchien Patrick Fischler. Jésus n’est plus ce prophète illuminé et figuré en icône divine, mais la star adulée d’un groupe punk-rock qui joue dans une fête qualifiée de « purgatoire » où l’on jouit d’éclater des ballons colorés – il y a là de quoi prolonger le Southland Tales de Richard Kelly dans sa relecture warholienne de l’Apocalypse. Même une simple partie de Super Mario Bros où l’on débloque des bonus cachés sur les extrémités de l’écran sert ici de clin d’œil appuyé pour accompagner une discussion savante sur les mystères de la vie. Le fétiche n’est plus seulement un objet qui épaule et qui enrichit. Il est désormais à la racine de tout.

SWEET DREAMS ARE MADE OF FEARS

Porté par ce mélange assez flippant de nervosité et de nonchalance qui a souvent caractérisé son jeu (on n’a pas oublié qu’il a commencé sa carrière avec l’excellent Boy A), Andrew Garfield réussit de bout en bout à offrir le visage humain idéal pour ce délicieux trouble méta. La génération que reflète ce jeune acteur rejoint assez précisément celle qui peuplaient les univers virtuels du Ready Player One de Steven Spielberg : là encore, la pop-culture n’est pas juste un truc qui se colle à soi comme un vieux chewing-gum (quoiqu’ici, Andrew Garfield se retrouve à un moment donné avec la main collée à un comics Spider-Man !), mais avant tout un outil de perception, d’assimilation et de compréhension du monde qui, à défaut d’en révéler la vérité cachée (si tant est qu’elle existe), permet en tout cas de lui conférer une nouvelle perspective, quitte à devoir en passer par sa propre ruine pour mieux le recomposer ou à laisser la logique cartésienne dans le rétroviseur pour mieux le (re)définir. Qu’il s’agisse pour Sam d’imiter la flemmardise du Dude dans un appartement miteux, de se prendre pour Philip Marlowe dans la recomposition des indices obtenus, d’épier sa belle voisine avec le voyeurisme vicelard de papy Hitchcock, de prendre en levrette une aspirante actrice sur un matelas pouilleux comme dans un porno de la vallée de San Fernando, de se croire soudain chez Lynch à force de croiser si souvent un clochard coiffé d’une couronne en carton, de laisser une future disparue singer le plan de cinéma posthume de Marilyn Monroe dans une piscine, de se retrouver face à un « maître d’orchestre » proche de l’Architecte de la trilogie Matrix, ou de déchiffrer un proto-code secret dans chaque coin de rue comme certains s’échinent à repérer le nombre 23 un peu partout, le constat ne varie pas : ce qui se construit peu à peu est moins une réalité qu’une mythologie à part entière, basée sur des fantasmes culturels malaxés de mille manières, et donc inévitablement destinée à supplanter la précédente. On en vient même à juger la crudité insensée de certaines scènes (discussion franche sur la masturbation, passage à tabac de gamins délinquants, etc…) comme la conséquence directe de cela : plus la poésie des lieux se teinte d’une trivialité totale, plus la réalité paraît se nourrir des fantasmes souterrains qu’elle tâchait jusqu’ici de renfermer ou de refouler.

Fort d’une aptitude surnaturelle pour recomposer le réel en tant que matière molle et plastiquement pop, David Robert Mitchell a très logiquement conçu la mise en scène d’Under the Silver Lake comme le prolongement direct de la psyché de son protagoniste. Dès l’instant où un effet de double focale semble définitivement mêler Sam au monde de la fiction (son visage se confond alors avec les images d’un film projeté en arrière-plan), ce néo-thriller délaisse l’objectivité dont avait pu faire preuve Mitchell sur It follows et The Myth of the American Sleepover au profit d’une subjectivité tous azimuts. Très protéiforme sur le plan technique, la mise en scène du film se devait d’être parfaitement cohérente par rapport à un réel qui ne cesse d’échapper au protagoniste, ce qui aura ainsi poussé le cinéaste à la rendre quasi indépendante de la logique interne du récit. Le son et l’image prennent alors une fonction mutante qui va extrêmement loin, au vu d’une courte focale qui déforme, d’une snorry-cam qui malmène, de lents et insidieux travellings qui déstabilisent et de quelques panoramiques qui topographient à merveille les décors visités. Tout ceci s’avère déjà très suffisant en soi pour porter la pure expressivité de chaque cadre à un niveau quasi stratosphérique, mais ce n’est pas tout. La multiplicité des courants cinéphiles ou musicaux que Mitchell passe ici au shaker lui permet de renforcer le trouble de chaque séquence, usant parfois du caractère pop et surréaliste de certains films de Gregg Araki – ces couleurs flashy et ces hallucinations à base d’humains qui aboient auraient très bien pu prendre racine dans sa filmo – et misant de précieux jetons sur la musique atmosphérique de Disasterpeace, assez proche de celle qui accompagnait les films américains muets des années 20 et tout à fait optimale pour susciter jusqu’au bout la délicieuse ivresse d’un authentique cauchemar éveillé.

De la même manière que les voyages peuvent souvent paraître infiniment plus stimulants que la destination à laquelle ils aspirent, le tohu-bohu ésotérique d’Under the Silver Lake cimente une œuvre affranchie et vertigineuse, dans la lignée de celles qui ne cherchent ni la grille de lecture rassurante ni la perte totale de repères. On le répète : chaque spectateur qui fera le choix de rentrer dans cette éblouissante proposition de cinéma devra faire un choix entre suivre la logique du protagoniste et tenter de la contrer pour y imposer sa propre logique. Mais au final, rien ne sera plus constructif comme « sens » que celui d’assimiler le visionnage du film à une virée nocturne dans un lac sombre, avec tant de mystères dissimulés sous sa surface qu’on en vient à se laisser gagner par le plaisir de la baignade avec des figures tour à tour excitantes et inquiétantes. C’est là le seul repère qu’il sera préférable de garder près de soi pour apprécier les effets secondaires un peu absurdes de la chose. Cette radioscopie pop de Los Angeles est un palimpseste démesuré où les diktats les plus ancrés sont voués à s’effriter, pour ne pas dire à pourrir. Une réplique du film se veut d’ailleurs très claire là-dessus : « Ton art et ta culture sont le support d’ambitions d’autres hommes, et ces ambitions dépassent ton entendement ». Le réel n’a donc plus cours ici. Que reste-t-il, alors ? Juste les miettes de divers fantasmes que l’on s’efforce de réunir façon puzzle, un puits de poltergeists plus ou moins avérés que l’on assimile à des figures mythologiques plus ou moins déformées, un immense terrain vague des illusions où il vaut mieux suivre le coyote que tenter de le fuir. C’est assez logique, puisque le rêve et la peur ont toujours paru plus réels que tout le reste. Et parce que c’est à travers eux que notre propre mythologie – celle que l’on se construit soi-même et qui nous poursuit une vie entière – peut prendre sa plus belle forme.

Photos : © A24 – Le Pacte. Tous droits réservés

2 Comments

  • Fab Black Says

    Un éclairage parfait ! Je sors un peu hagard d’une première vision où j’ai pressenti, je vais maintenant voir. « Le réel n’a donc plus cours ici. », oui c’est la maladie dégénérative de la culture bourgeoise. Beaucoup de cinéastes – cités dans l’analyse – nous ont proposé une ébauche de cette phase terminale. Il est curieux qu’Hollywood en soit le vecteur – ou peut être pas si curieux que ça au bout du compte.

  • john wayne Says

    histoire d’une maladie occidentale d’une partie de la société bourgeoise nihiliste (hollywoodienne)

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