Superman : Doomsday

REALISATION : Lauren Montgomery, Bruce Timm, Brandon Vietti
PRODUCTION : Warner Bros. Animation
AVEC : Adam Baldwin, Anne Heche, James Marsters, Ray Wise
SCENARIO : Duane Capizzi, Bruce Timm
MONTAGE : Joe Gall
BANDE ORIGINALE : Robert J. Kral
ORIGINE : États-Unis
GENRE / MEDIUM : Action, Super-héros, Animation
DATE DE SORTIE : 8 septembre 2007
DUREE : 1h15
BANDE-ANNONCE

Synopsis : Quand Doomsday, une abominable créature, échappe à LexCorps, Superman doit relever le plus grand défi qu’il ait jamais réalisé…

Janvier 1993. Superman se lance dans le round final contre Doomsday. Ce redoutable adversaire aura détruit tout ce qui croisa son chemin et le kryptonien est le dernier rempart face à lui. Aussi puissant soit-il, Superman a du mal à tenir tête à cette bête acharnée. Dénuée de conscience, elle rend coups pour coups. Le monstre s’épuise mais il en va similairement pour Superman. Il tient bon malgré l’abandon de ses forces. La capitulation n’est pas une option. Après un ultime échange, les deux combattants s’effondrent. Doomsday est mort. Rassuré par Lois Lane d’avoir sauvé Metropolis, Superman rend son dernier souffle. Le plus grand de tous les super-héros est mort.
Oui bon, pleurez pas trop non plus ! Neuf mois plus tard, il va ressusciter le gaillard. En préface de l’édition Urban, l’éditeur Mike Carlin rappelle que la mort et le retour d’un héros de comics n’a rien d’exceptionnel. C’est même un passage obligé pour toute figure mythologique. Toujours est-il, minimiser l’affaire reviendrait à omettre le talent de ses auteurs qui feront de La Mort De Superman l’une des plus fameuses histoires du personnage.

Et pourtant, rien ne prédestinait à une telle création. Réunie pour définir l’orientation de la série sur les mois à venir, l’équipe de DC se retrouve dans une impasse. L’événement majeur prévu est le mariage entre Lois et Clark Kent. Cependant, ce planning tombe sur un hic. Warner vient de débuter la production de la série télé Loïs Et Clark : Les Nouvelles Aventures De Superman. Il est décidé de coordonner la cérémonie entre la série et le comic. Il faut donc se passer de cette célébration à n’en pas douter passionnante (Clark sera-t-il présentable avant d’arriver devant l’autel ? La pièce montée sera-t-elle livrée dans les temps ? Qui rattrapera le bouquet de la mariée ?). Il n’y a plus qu’à trouver autre chose à raconter. L’ambiance dans la salle est pleine d’aigreur. Le scénariste Jerry Ordway lâche en plaisantant « Bon, on n’a qu’à le tuer ». La réplique fait sourire, puis s’ancre dans les esprits. Oui, si Superman mourrait, que surviendrait-il ? La qualité de ce long récit est de ne pas juste raconter la mort du personnage. Le décès en lui-même est une chose mais ce qui le précède et surtout ce qui le suit est finalement le plus important.

Pour tuer un personnage d’une telle envergure, il nécessite un sacrifice qui en soit digne. En conséquence, celui-ci doit être préparé. Tout commence en novembre 1992 avec quelques pages annonciatrices à la fin des épisodes. Il s’agit simplement du poing de Doomsday frappant inlassablement le mur de sa prison jusqu’à ce qu’il cède. Le texte rajoute au danger en déclamant que la mort arrive. Bien sûr, ce genre d’annonce est si galvaudé qu’on n’y prête pas une attention particulière. Les numéros suivants vont toutefois affermir cette notion. Étant un protagoniste inédit, les capacités de Doomsday étaient insoupçonnées. Il démontre prestement l’implacable machine de mort qu’il est. Avançant sans raison en ligne droite, le monstre ne laisse derrière lui qu’un sillage de destruction. Il écarte le moindre obstacle et abat tous les super-héros qui se dressent devant lui. Avant l’engagement de l’homérique affrontement, cette longue démonstration de sa puissance nous révèle que le combat est loin d’être gagné. En relevant le défi jusqu’à y perdre sa vie, Superman nous met face à la promesse qu’il a fait à l’humanité. En lutte avec le mal, il insuffle une dernière fois son idéal et nous confronte à ce qui s’éteint avec lui.

La force de La Mort De Superman se dessine ainsi dans la suite du récit. Que devient le monde sans son champion ? Il est traité avec exhaustivité des répercussions de cette disparition. De l’homme de la rue à ses compagnons d’armes, l’ensemble y est touché. L’événement laisse une cicatrice à chacun. L’épisode Jour De Funérailles est probablement le plus déchirant. Pendant que Superman est enterré en grande pompe à Metropolis, Martha et Jonathan Kent demeurent à Smallville. Ils ne sont naturellement pas conviés à la commémoration puisque le monde ignore que Clark Kent est l’homme d’acier. Ils ne peuvent que regarder sa retransmission télévisée. Ne supportant pas la situation, ils finissent par dire au revoir à leur fils en enterrant quelques-unes de ses affaires dans le champ où ils l’ont jadis trouvé. Mais le réconfort est maigre et il subsistera toujours une plaie ouverte dans leurs cœurs. La qualité de l’histoire tient à sa faculté à jongler avec l’aspect humain et symbolique. Car cette blessure béante est également présente à Metropolis. Habitants et super-héros témoignent des valeurs défendues par Superman. Néanmoins, certaines personnes sortent du lot et cherchent à profiter de la procession dans leurs propres intérêts. Celle-ci dérape et resitue la place vacante dans l’ordre du monde. Une place qui ne va pas rester libre longtemps.

Quelque temps plus tard, plusieurs supermen font leurs apparitions. Chacun entend reprendre le titre mais se montrent incomplets. Ils peuvent avoir son corps (un superman physiquement proche mais qui n’hésite pas à tuer), son sang (Superboy le clone juvénile de Kal-El) ou son esprit (Steel un quidam en armure inspiré par l’éthique du protecteur de Metropolis). Ils ne proposent jamais qu’une facette du personnage, assurant le caractère irremplaçable de celui-ci. Son essence ne peut être totalement reproduite et les auteurs joueront sur ce concept pour le retour du kryptonien. Cheveux longs, costume noir, brandissant des armes pour compenser la faiblesse actuelle de son corps… le Superman ressuscité a tout l’air d’un émule du Punisher. Avec cette dégaine surprenante, on est comme les autres protagonistes à se demander si on peut faire confiance à cet énième prétendu authentique Superman. En partant au combat, il prouve rapidement que derrière ces oripeaux et une explication pour le moins confuse, il est bien ce champion revenu d’entre les morts.

La publication est un tel succès (tout du moins la partie jusqu’au décès du personnage) que le cinéma ne peut y être indifférent. Superman a fait ses adieux au grand écran à la fin des années 80 avec le lamentable The Quest For Peace. Quitte à le réactiver, autant se servir de ce matériau. Bien entendu, ce projet intitulé Superman Reborn puis Superman Lives au fil des réécritures ne sera pas une adaptation littérale de l’arc. C’est plus le concept de mort et de résurrection qui est retenu. Nul doute que c’est ce qui a du séduire Tim Burton. De son propre aveu, le réalisateur de Batman n’apprécie guère l’icône. Trop parfait, trop unidimensionnel pour son torturé univers créatif. La perspective de le tuer et de le remodeler sous une nouvelle forme devait titiller sa curiosité. On voit très bien le scénariste Kevin Smith employer cet argument pour le faire rejoindre le navire. Il avait peut-être juste omis qu’il y aurait du coup une divergence d’idées entre le cinéaste et le fan de comic qu’il est. Cela dit, ça ne sera rien par rapport à ses dissensions avec le producteur Jon Peters. Ce dernier bombarde Smith d’idées farfelues qu’il doit impérativement fourrer dans son script. La plus célèbre de ces recommandations nonsensique est l’inclusion dans le troisième acte d’un combat entre Superman et une araignée mécanique géante. Alors que l’entreprise est incapable de se mettre d’accord sur une ligne commune et que des millions de dollars ont déjà été engloutis en pré-production, le projet implose avant le lancement du tournage.

Après ce rendez-vous manqué, d’autres tentatives sont réitérées mais en se tenant toujours à l’écart de La Mort De Superman. Ce qui nous amène en 2006 et la sortie de Superman Returns, suite/reboot faisant fi de ces années de development hell pour revenir aux films de Richard Donner. Un retour en demi-teinte pour un succès au box-office en demi-teinte. Un an après le film de Bryan Singer, Warner inaugure une nouvelle gamme de films d’animation destinés au marché vidéo. Sous le patronage de Bruce Timm, le DC Universe Dessin Animé Original va servir à concevoir des films plus adultes et libres en terme de contenu. Pour ouvrir cette ère, quel personnage est plus adéquat que l’emblématique Superman ? En collaboration avec Lauren Montgomery et Brandon Vietti, Timm va se charger de la tâche. Reste à savoir quelle histoire conter. On peut imaginer que la frustration entraînée par Superman Returns a imposé le choix de La Mort De Superman. Superman/Doomsday ne va pas masquer d’ailleurs son agacement à ce que ce brillant comic n’est pas pu se concrétiser au cinéma. Kevin Smith est ainsi convoqué pour un caméo. Il interprète un spectateur blasé des exploits de Superman lâchant un laconique « Comme si on avait besoin de lui pour démolir une araignée mécanique ! ». On a vu ressentiment moins explicite.

Hors de ses intentions, le projet se heurte à un gros souci d’adaptation en raison de son format. La Mort De Superman est une saga s’étendant sur un bon millier de pages. Les moyens ont beau être plus confortables au regard des standards télévisuels, Superman/Doomsday devra se contenter d’un long-métrage d’environ soixante-dix minutes. Comment résumer une telle histoire sur une si courte durée ? Le contexte de publication de La Mort De Superman peut déjà jouer à l’avantage de Superman/Doomsday. Le run s’inscrit dans la continuité de la série et se conforme aux sous-intrigues en cours. Durant cette période, on a notamment une Lois Lane ayant connaissance de l’identité secrète de Superman ou un Jimmy Olsen devenu acteur de télévision à mi-temps. Mais le pompon est remporté par Lex Luthor. Atteint d’une maladie incurable, Luthor a transposé son cerveau dans un clone qu’il va faire passer pour son fils. Cela lui permet de s’exercer à l’art du double-jeu en s’affichant comme un gentil auprès de la ligue des justiciers. Il se met même en couple avec Supergirl. Enfin, ce n’est pas Kara Zor-El, la cousine de Kal-El, mais une créature métamorphe qui a pris son apparence. Ouf ! Tout ceci constitue autant d’éléments dont le film n’a pas à s’embarrasser.

Soit, cela aide le processus d’adaptation mais ne répond pas non plus à l’intégralité des problématiques pour condenser l’histoire. Pour se faire le scénario va mettre en œuvre un colossal travail de synthèse, créant des scénettes qui délivrent le plus immédiatement possible un maximum d’informations. Par exemple, dans une des premières scènes au sein de la forteresse de la solitude, Superman tente en vain de trouver un remède au cancer. La scène nous rappelle que son altruisme ne consiste pas juste à filer des gnons et renferme une vision plus large de l’avenir de l’humanité. L’idée rencontre son opposé avec Lex Luthor. Le génie criminel découvre le remède à une autre maladie mais désire l’exploiter financièrement (commercialiser une version atténuée du médicament qui deviendra un traitement à vie). En deux passages d’à peine quelques minutes, le film a caractérisé deux personnages et leur antagonisme. La gestion du décès de Superman fait pareil en se consacrant à quelques personnages : Lane cherche à surpasser son chagrin auprès de Martha Kent, Olsen abandonne le journalisme pour la presse people, Perry White glisse vers l’alcoolisme, Luthor enrage d’être privé de sa glorieuse victoire… L’homme de la rue n’est pas non plus oublié au travers d’interludes télévisuels. Le retour de Superman suit la même voie. Au lieu de quatre supermen, le scénario n’en retient qu’un combinant leurs spécificités (un clone créé par Luthor qui ne rechigne pas à tuer).

Cependant, ce besoin de resserrer l’histoire, de caser toutes les informations par des méthodes radicales ne peut-il pas être un frein émotionnel au film ? Trop soucieux de dire tout ce qu’il ambitionne, Superman/Doomsday n’étale-t-il plus alors son intrigue sans impliquer le spectateur ? Bruce Timm y parviendra en usant précisément de l’argument de vente du DCUAOM. Comme noté plus haut, le réalisateur dispose d’une certaine marge de manœuvre par rapport à la censure. Cette souplesse va lui permettre d’atteindre une efficacité optimale. Car si délivrer les informations le plus directement est important, il est capital de ne pas en sacrifier les résonances émotionnelles. Une censure allégée devient un outil déterminant pour maintenir cet impact sans y accorder trop de temps. La présentation de la relation entre Lois Lane et Superman établit un premier pas dans cette optique. La journaliste sort de ce qui semble une douche post-coïtale avant de se blottir aux côtés du super-héros. En incorporant l’angle sexuel, le film nous indique à quel stade en est leur relation. Il rend plus perceptible le lien les unissant et les sentiments les animant. On peut ainsi comprendre le mécontentement de Lois lorsque Superman ne lui avoue pas son identité secrète, sa tristesse quand le personnage décède et plus logiquement sa méfiance à l’arrivée de l’imposteur.

La violence a évidemment son rôle aussi. Exhiber un Luthor liquidant son assistante après l’exécution de son plan, c’est démontrer son absolu machiavélisme qui ne laisse aucune place au hasard. En voyant cela, on n’est pas prêt de prendre cette menace à la légère. Il en va de même pour Doomsday. Si le film récupère le principe d’escalade du comic, celui-ci fonctionne parce qu’il est possible d’éprouver toute l’intensité des attaques et de montrer la mort qu’elle engendre. La violence a un but et ne cherche pas une basique provocation. Elle est un véritable moteur pour l’histoire. Elle crée une réaction viscérale donnant une crédibilité au récit. La preuve en est qu’elle ne se limite pas uniquement à de la violence physique mais également psychologique. On est en droit de frissonner devant ce faux Superman qui va tranquillement proférer des menaces envers une pauvre grand-mère sur un prétexte superficiel. Les modifications apportées au comic alimentent le trouble avec ce personnage très semblable à la figure connue. Le long-métrage met encore plus en évidence le précieux idéal que représente Superman, être messianique se refusant à soumettre le peuple à ses convictions.

En ce sens, Superman/Doomsday puise une part de son efficacité dans son visuel. En dépit d’une animation parfois limitée (l’inexpressivité de Martha Kent devant l’épouvantable combat mené par son fils est assez gênante), la mise en scène sait être créative. L’évasion de Doomsday passe par un plan-séquence accentuant donc le caractère inarrêtable de la créature. Le conflit entre Doomsday et Superman se déroule tour à tour au sol, en l’air et sous terre. Cette variété d’environnements fait ressentir que Superman ne peut utiliser que ses seules capacités pour l’abattre. Mais le moment le plus poignant est le basculement du faux Superman vers le côté obscur. Il suffira pour cela d’un seul plan. Sur un écran géant, il apprend le décès d’une enfant causée par un criminel qu’il avait précédemment arrêté. Le visage de la victime domine toute l’image. Face à celle-ci, Superman est petit et insignifiant malgré l’immensité de ses pouvoirs. Par là, il est traduit l’effet de la nouvelle sur le personnage et ce qu’il en retirera.

Au bout du compte, Superman/Doomsday est moins ce qu’on peut appeler une adaptation qu’une réinvention. Et c’est ce qui en fait une œuvre digne de son homologue papier. En ne considérant pas le comic comme gravé dans le marbre, il lui offre un nouvel essor. On pourrait déplorer l’absence dans le film de tous les super-héros de l’univers DC mais leur présence n’aurait fait qu’alourdir le récit et détourner du primordial. Par la suite, le DCUAOM butera quelquefois sur sa trop grande fidélité à l’égard du matériau originel. Ce qui rend d’autant plus admirable l’hommage qu’incarne Superman/Doomsday.

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